Un grand collectionneur invité par un autre grand collectionneur à découvrir en avant-première son nouveau musée s’était vu demander par son hôte, à la fin de la visite, ce qu’il en pensait. Comme il ne voulait en dire ni du mal ni du bien, il répondit simplement : « C’est impressionnant. » « Impressionnant », le mot vient à l’esprit devant nombre d’expositions de l’automne 2025, de la présentation de l’admirable et singulière collection de la Fondation Cartier pour l’art contemporain dans le bâtiment de Jean Nouvel à la rétrospective Gerhard Richter à la Fondation Vuitton, magistral exercice d’épuisement du sujet et du visiteur – qui se demande parfois s’il ne préférait pas une petite exposition Sigmar Polke à une grande exposition Gerhard Richter.
« Échelle humaine », c’est le nom judicieusement donné par Lafayette Anticipations à son festival annuel de performances et de concerts*1. Cette formule correspond aussi à toute une série d’initiatives, lesquelles, contrastant avec les obsessions quantitatives du moment, jouent avec les notions de proximité et d’hospitalité – sans pour autant renoncer à l’impact, comme le démontre l’extraordinaire installation de Meriem Bennani*2. Il y a des expositions à l’échelle d’une chambre (Erika Verzutti invitée en octobre par Julie Boukobza dans un « cube beige » à l’hôtel Balzac, dans le 8e arrondissement) ou d’une boutique fermée (TRAMPS où Peter Doig et
Parinaz Mogadassi ont convié Kai Althoff*3); des galeries dont l’espace est conçu pour favoriser le contact avec les œuvres (jusqu’à les manipuler chez Abraham & Wolff, dans le 7e arrondissement) et la discussion avec le galeriste (chez Good or Trash, dans le 10e arrondissement, animé par l’artiste et commissaire Kévin Blinderman); des rétrospectives d’artistes historiques tenant sur un stand de 25 m2 à Art Basel Paris, comme celle dédiée, avec finesse et poésie, à Robert Barry par Martine Aboucaya; des antifoires de design, comme This is Not a Fair, à l’initiative de Didier et Stéphanie Courbot, prenant à rebours les tendances à l’exagération, au plagiat et au mauvais goût dominant dans le secteur.
UNE DYNAMIQUE DE RÉINVENTION
Pour répondre à ceux qui disent que la vitalité de la scène parisienne serait menacée par un renouvellement insuffisant de ses acteurs, et que l’arrivée des mégagaleries internationales masque l’incapacité de la ville à voir naître de nouvelles générations et de nouvelles propositions, il n’est qu’à citer quelques-unes de celles ayant émergé depuis dix ans – et plus encore depuis la fin des années Covid. Ce sont des galeries comme Petrine (dont le nouvel espace accueille une immanquable exposition de Lenard Giller*4), Lo Brutto Stahl (où il faut voir le solo show de Shelby Jackson*5), di volta in volta (celui de Merlin Carpenter*6) ou encore Good or Trash (Dean Sameshima*7, en attendant Unglee fin novembre); des artist-run spaces, comme Goswell Road (10e arrondissement), Chapelle XIV (18e arrondissement) ou le tout récent TRAMPS; et des librairies, comme Good Books, à deux pas des Beaux-Arts, qui montre les livres d’artistes réalisés ou collectionnés par Jonathan Monk.
Ce sont enfin les Foires, à l’image de Paris Internationale, dont l’impact sur le rayonnement de la capitale française comme épicentre de la création internationale est déterminant depuis une décennie. Paris Internationale, laquelle doit chaque année trouver un lieu en quelques mois, voire quelques semaines, et renouveler la qualité de ses participants – dont Art Basel Paris tend à capter les meilleurs –, est en outre une illustration de cette dynamique de remise en cause et de réinvention de soi qui est la clé de l’énergie (et de la résilience) de la scène parisienne. Autre remarquable exemple de capacité à faire en sorte que tout change pour que rien ne change, à repenser les modalités pour vivifier l’esprit : la Fondation d’entreprise Pernod Ricard n’a pas hésité à reconsidérer son prix historique pour coller aux réalités et aux attentes du présent – voilà qui pourrait en inspirer d’autres.
-
*1 Du 19 au 21 septembre 2025.
*2 « Meriem Bennani. Sole Crushing », 22 octobre 2025-8 février 2026, Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, 9, rue du Plâtre, 75004 Paris.
*3 « Kai Althoff », jusqu’au 7 décembre 2025, TRAMPS, 33, rue d’Alexandrie, 75002 Paris.
*4 « Lenard Giller. sediment », 20 octobre 2025-20 décembre 2025, Petrine, 55, rue des Petites-Écuries, 75010 Paris.
*5 « Shelby Jackson. The Idea of a City », 20 octobre 2025-22 novembre 2025, Lo Brutto Stahl, 21, rue des Vertus, 75003 Paris.
*6 « Merlin Carpenter », 24 octobre-16 novembre 2025, di volta in volta, 18, rue Volta, 75003 Paris.
*7 « Portraits. Dean Sameshima », Good or trash, 17 octobre 2025-15 novembre 2025, 91, quai de Valmy, 75010 Paris.
