« S’agit-il d’une sculpture en papier ? – “Oui, mais je l’appellerais plutôt une sorte de jouet, aplaything, ou un piège lumineux?” », avance Fernanda Gomes (née en 1960) à propos du pliage qui accompagne le carton d’invitation de sa double exposition parisienne.
Antichambre des paysages géométriques déployés rue de Montpensier, chez Peter Freeman, et rue des Arquebusiers, chez Peter Kilchmann, cette petite chose reproductible à l’envi s’offre avant tout, poursuit son auteure, au plaisir de celui ou celle qui la reçoit. C’est sans doute ce qui marque le plus dans l’expérience des environnements foisonnants faits de trois fois rien de cette héritière du néo-concrétisme brésilien : la vitalité ludique qui traverse en les unissant les innombrables fragments et débris ordinaires rassemblés par l’artiste – bouts de bois, morceaux de carton, fils et toiles, mais aussi noyaux de fruit, allumettes brûlées ou autre crayon à mine.
UNE ŒUVRE À 360 DEGRÉS
Articulées dans ce que nous serions tentés d’appeler une installation, si Fernanda Gomes ne s’opposait pas tant à l’usage de ce terme, ses œuvres – toujours sans titre – sont réunies ici encore en réponse à leur lieu concret de présentation. Comme à son habitude, l’artiste qui aime à voyager léger ne prévoit pas ses expositions à distance de manière abstraite. À partir d’un répertoire de formes, matériaux et couleurs élémentaires, et selon une méthode intuitive de « dispersion stimulante », cette qualité de concentration seconde, comme on le dit d’un état de conscience, elle conçoit ses constructions en réaction à leur espace d’accueil. Reconstituant son atelier sur place, Fernanda Gomes consacre le temps qu’il faut au montage, véritable moment de cristallisation de la création. Il lui aura fallu près d’un mois pour composer in situ les deux expositions qui se font écho.
La plupart de ses agencements sont précis et délicats, suivant visiblement les axes d’une grille rigoureuse – quoiqu’invisible. Et sous l’apparente nonchalance de certains amoncellements, on devine encore la présence structurante d’une matrice recouvrant la totalité de l’espace. Du sol au plafond jusqu’aux vitrines extérieures cohabitent des formes géométriques dont les juxtapositions et superpositions incessantes multiplient les points de vue et occasions de découvertes. Les pleins et les vides se succèdent, de la miniature à l’échelle de l’architecture, et s’animent même parfois du mouvement changeant des masses d’air qui circulent au gré d’une déambulation vigilante et curieuse. On s’approche, on se faufile, on s’agenouille doucement dans cette forêt de formes simples qu’on ne se lasse pas d’arpenter. Tout à la fois sculpture, peinture et dessin en trois dimensions, l’œuvre à 360 degrés de Fernanda Gomes propose d’entrer dans la ronde d’un organisme géométrique vivant.
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« Fernanda Gomes », 13 septembre-25 octobre 2025, Galerie Peter Kilchmann, 11-13, rue des Arquebusiers, 75003 Paris, et Peter Freeman, Inc., 7, rue de Montpensier, 75001 Paris.
