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Critique

Pontus, Niki et Jean : un trio d'exception

Inaugurant la collaboration entre le Centre Pompidou et le GrandPalaisRmn, une ample exposition revient sur les relations fécondes qui unirent le directeur de musée visionnaire Pontus Hultén et le couple d’artistes Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.

Bérénice Geoffroy-Schneiter
17 juillet 2025
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Niki de Saint Phalle, Pontus Hultén et Jean Tinguely au cours d’un dîner dans la maison-atelier des artistes, Essonne, septembre 1982. Photo Estate Leonardo Bezzola

Niki de Saint Phalle, Pontus Hultén et Jean Tinguely au cours d’un dîner dans la maison-atelier des artistes, Essonne, septembre 1982. Photo Estate Leonardo Bezzola

L’année 2025 marque le centenaire de la naissance du Suisse Jean Tinguely. Ce sera aussi celle de la fermeture, à l’automne, du Centre Pompidou pour une restructuration complète, lui qui accueillit, en 1980, une mémorable exposition consacrée à Niki de Saint Phalle, puis une autre, entre 1988 et 1989, à son compagnon Jean Tinguely – toutes deux orchestrées par Pontus Hultén, le premier directeur du musée national d’Art moderne... C’est dire si l’exposition présentée à Paris, dans les espaces restaurés du Grand Palais, a des allures de « madeleine de Proust », voire de mise en abyme. C’est incontestablement un regard d’historienne d’art que pose en effet Sophie Duplaix, la commissaire, sur cette rencontre entre deux artistes à l’énergie magnétique et à la créativité débordante, sous l’œil admiratif de Pontus Hultén, l’un des hommes de musée les plus avant-gardistes et les plus inspirés de son temps.

L’un des premiers mérites de cet événement est précisément de faire revivre la complicité amicale et artistique de ce trio d’« anarchistes joyeux » qui dynamitèrent avec jubilation les pratiques muséales comme le rapport de l’art au public. Dans le catalogue*¹, Catherine Francblin (contributrice de notre journal) rappelle ainsi l’improbable alchimie née entre Niki de Saint Phalle, « la belle aristocrate franco-américaine, artiste autodidacte rebelle passée par l’asile », Jean Tinguely, « le dadaïste suisse nourri de littérature anarchiste », et Pontus Hultén, « le Suédois qui rêvait d’être artiste ». De ce cocktail explosif va naître l’une des aventures artistiques les plus singulières du XXe siècle, érigeant la figure du directeur de musée au rang de commissaire, collaborateur et promoteur au soutien indéfectible.

« Le nouveau Centre Pompidou se doit d’être le lieu de toutes les audaces, le lieu de l’art vivant, tous domaines confondus, même s’il dérange. [Niki de] Saint Phalle et [Jean] Tinguely sont particulièrement emblématiques de cet état d’esprit. C’est pourquoi [Pontus] Hultén, le professionnel et l’ami de longue date, continue de les soutenir dès son arrivée à Paris pour la préfiguration du Centre, au début des années 1970, non seulement à travers des acquisitions, politique qu’il poursuit après l’ouverture, mais aussi par les espaces d’expositions qu’il sait leur offrir », rappelle ainsi Sophie Duplaix dans le catalogue*¹.

Niki de Saint Phalle, Photo de la Hon repeinte, 1979, peinture sur impression offset. © Niki Charitable Art Foundation et Hans Hammarskiöld. Photo Niki Charitable Art Foundation, Katrin Baumann et Hans Hammarskiöld Heritage

Grâce aux lettres qu’ils ont échangées – lesquelles sont aussi des petits bijoux de calligraphie ! –, l’on mesure les liens profonds qui unissaient le directeur de musée et ses amis artistes, qu’il accompagna dans leurs questionnements esthétiques comme dans leur vie la plus intime. À la mort de Jean Tinguely, en 1991, Niki de Saint Phalle n’aura de cesse de demander conseil auprès de Pontus Hultén sur la destinée de l’œuvre de son ancien compagnon. Au projet d’un « antimusée » imaginé par les amis de l’artiste en Suisse, dans les environs de Fribourg, Pontus Hultén préférera la création d’un musée implanté de façon pérenne dans la ville de Bâle et doté d’un budget ad hoc. Il est permis de douter que Jean Tinguely eût approuvé ce choix, tant ce dernier prônait l’irruption de l’art dans la vie et l’abolition des frontières entre l’art et le public...

Pontus Hultén accompagna ses amis artistes [Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely] dans leurs questionnements esthétiques comme dans leur vie intime.

Duels au sommet

Au-delà de ce chapitre de l’histoire de l’art (qui comblera les spécialistes), l’exposition peut se lire également comme un troublant face-à-face entre ces deux personnalités artistiques à l’ego surdimensionné, dont les créations, d’apparences si dissemblables, semblent pourtant par bien des points se répondre.

L’on ne saurait ainsi résumer l’œuvre de Niki de Saint Phalle à ses Nanas aux couleurs franches et aux formes généreuses, comme surgies d’une Antiquité païenne, et dans lesquelles certains ont reconnu l’expression d’un féminisme militant. Derrière l’ardente jubilation, il existe chez l’artiste une violence sourde, tout entière incarnée dans les Tableaux-tirs dégoulinant de flots de peinture aux allures de sang, ou bien encore dans L’Accouchement rose (1964), agglomérat de peinture, de plâtre, de fibres textiles et d’objets hétéroclites, d’une rare force plastique. « L’accouchement, c’est la femme virile. Elle porte l’enfant comme un sexe masculin. Mes naissances font de la femme une déesse. Elles deviennent à la fois père et mère », confiera Niki de Saint Phalle dans un texte écrit à quatre mains avec le critique d’art Pierre Restany, à l’occasion de l’exposition de 1980.

De même, les machines sonores de Jean Tinguely – lequel revendiquait comme maîtres Kasimir Malevitch, Alexander Calder, Vladimir Tatline et les futuristes – lorgnent autant du côté du ludique que du grinçant. Catherine Francblin rappelle ainsi que « l’artiste participait chaque année au carnaval de Bâle et qu’il confectionna des masques et des costumes pour les carnavaliers ». « Il aimait le côté sinistre, macabre de la manifestation – ce qu’il appelait son “macabrisme”, c’est-à-dire sa relation à la mort », souligne encore la critique d’art dans le catalogue¹.

Mais s’il est une œuvre dont on ne peut que pleurer la disparition, c’est bien la gigantesque sculpture figurant une femme enceinte aux jambes écartées que le couple réalisera en quelques semaines, avec l’aide de Pontus Hultén, pour l’exposition Hon – en katedral (« Elle – une cathédrale »), présentée à Stockholm, au Moderna Museet, du 4 juin au 4 septembre 1966. Le public, enfants comme adultes, était alors invité à pénétrer dans le vagin de cette déesse païenne de la fertilité pour y découvrir tout un univers onirique peuplé de sculptures, d’une galerie de faux tableaux de maîtres, d’un distributeur de boissons, d’un bassin de poissons rouges, d’un banc des amoureux... Détruite comme prévu à la fin de l’accrochage, cette installation, ludique et provocatrice tout à la fois, illustre à merveille « cette époque incroyablement créative », comme la qualifiera elle-même Niki de Saint Phalle en 1987. Il n’est pas certain que la scénographie de l’exposition parisienne restitue pleinement le joyeux tintamarre qui régnait dans celle de Stockholm, une soixantaine d’années plus tôt...

*1 Sophie Duplaix (dir.), Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hultén, Paris, GrandPalaisRmnÉditions et Centre Pompidou, 2025, 336 pages, 45 euros.

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« Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hultén », 26 juin 2025-10 janvier 2026, Grand Palais, 17, avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris, grandpalais.fr

ExpositionsCentre PompidouGrand PalaisJean TinguelyNiki de Saint PhallePontus HulténSophie DuplaixParis
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