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L'objet de
Reportage

Jean-Marc Bustamante choisit le Bouche-évier de Marcel Duchamp

Alors qu’il vient d’annoncer l’ouverture de sa Fondation à Arles à l’été 2026, l’artiste et académicien dévoile son attachement pour le ready-made de Marcel Duchamp ainsi que l’avenir de son projet arlésien.

Marc Donnadieu
24 septembre 2025
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Jean-Marc Bustamante. © Photo Victor Picon

Jean-Marc Bustamante. © Photo Victor Picon

L'objet de...

Chaque mois, dans le mensuel The Art Newspaper édition française, des personnalités nous présentent un objet qui leur est cher et nous dévoilent leur relation intime et particulière à cette œuvre d'art.

« J’ai reçu le Bouche-évier [ou Sink Stopper] pour mon mariage. Je l’ai toujours gardé auprès de moi, il est posé sur mon bureau depuis des années. C’est l’édition de 1967, en argent moulé, d’un ready-made de Marcel Duchamp conçu en 1964. Il m’a constamment intrigué, surtout lorsqu’on le prend en main. » Cet objet, l’Américain Bert Stern l’a plusieurs fois photographié, en 1967, dans la paume de Marcel Duchamp.

« Je suis pour un art direct, sensitif, pour témoigner de la fragilité du monde et celle de notre existence. »

Marcel Duchamp, Bouche-évier, 1964/1967, bouchon de baignoire, argent.

Courtesy de Jean-Marc Bustamante

Une dualité paradoxale

« C’est également une “borne” au sens de l’histoire de l’art, explique Jean- Marc Bustamante. J’ai toujours été intéressé par Marcel Duchamp, non pas pour ce côté révolutionnaire du ready-made, mais davantage pour ce sens caché des objets qu’il a présentés. J’ai beaucoup aimé, par exemple, l’approche psychologique, voire psychanalytique, [du sculpteur américain] Robert Gober sur les œuvres de Marcel Duchamp. J’ai souvent essayé de travailler moi-même sur l’“inframince”, depuis les premières photographies, puis les œuvres sur Plexiglas, jusqu’aux peintures d’aujourd’hui. Cette dualité paradoxale entre l’endroit et l’envers, le positif et le négatif, cette volonté de représenter l’absence par la présence me sont chères. En regardant le Bouche-évier, je retrouve la manière dont certains artistes contemporains ont repris ce type d’idées, comme [la sculptrice, graveuse et dessinatrice britannique] Rachel Whiteread. Petit à petit, je m’y suis vraiment attaché. C’est une pièce qui me touche. »

Jean-Marc Bustamante revient sur sa propre démarche créatrice : « Lorsque j’ai imaginé les “Lumières” (série d’images de livres et de revues d’architecture des années 1930 à 1960 rephotographiées puis sérigraphiées sur Plexiglas, qu’il a développée de 1987 à 1993), il y avait cette manière de reprendre des images de la pensée, des images de la mémoire, et de produire un flottement dans l’espace en les faisant se révéler par le mur devant lequel elles étaient accrochées. Le Grand Verre de Marcel Duchamp est une espèce de totem, une chose tellement complexe. Mais en même temps, pour moi qui viens de la photographie, le Plexiglas y est utilisé comme le film et le mur, ou considéré comme l’écran qui dévoile les images. Aujourd’hui, je peins sur du plâtre sablé, c’est une façon de revenir au mur. En 1999, j’avais intitulé une exposition “Le Mur avec vue” (« A Wall with a View », 5 février-20 mars 1999, Matthew Marks Gallery, New York). Il y a là quelque chose qui m’importe depuis longtemps. »

Pour la défense des artistes

À l’occasion de l’installation de sa Fondation à Arles plutôt qu’à Toulouse – où il est né et a poursuivi ses études – ou en Suisse – il vit et travaille depuis une petite dizaine d’années à Corsier, près de Genève –, Jean-Marc Bustamante a révélé y avoir fait sa toute première exposition, en 1973, au musée Réattu, en tant qu’étudiant en photographie. Il se souvient : « Établir ma Fondation à Arles, c’est un peu un retour aux sources, une façon de boucler les choses... À l’époque, j’étais plutôt progressiste, donc assez discret sur ma période de formation chez [le photographe et tireur hors pair] Denis Brihat. Maintenant, cela ne me gêne plus du tout. Au contraire, j’ai beaucoup de tendresse pour son œuvre. »
Il poursuit : « Tout cela relève surtout d’une coïncidence incroyable, de la rencontre, grâce à [l’entrepreneur culturel] Hervé Digne, d’un édifice reconverti en lieu inouï, le Collatéral (cette maison d’hôtes aménagée dans l’ancienne église paroissiale Sainte-Croix, à Arles, datant du XIIe siècle, fut pendant dix ans un espace d’exposition hybride). J’étais alors loin de penser qu’Arles deviendrait un centre culturel aussi important, lequel reste toujours dédié à la photographie, mais a aujourd’hui un rayonnement artistique international. »

Si la première mission de sa Fondation sera bien évidemment de conserver son œuvre et ses archives, et de les rendre accessibles en un seul site, Jean-Marc Bustamante souhaite surtout y défendre des artistes de tous âges et de toutes provenances, méconnus du grand public. Sera également organisé, tout au long de l’année, un programme éducatif complet comprenant des conférences, des symposiums et des master classes dirigées par des artistes invités ou par lui-même. Il détaille ainsi son engagement : « Les changements profonds qui se produisent aujourd’hui dans la relation entre les artistes et le monde de l’art contemporain nous obligent à repenser les modèles d’exposition et leur diffusion. Avec la durée de la carrière d’un artiste qui fluctue, c’est aux acteurs du monde de l’art de consacrer le temps nécessaire afin d’accompagner l’œuvre d’une vie et de la faire aimer. » Et de conclure : « Ma vie d’artiste, mais aussi de professeur et directeur d’institutions, m’a conduit, par souci de liberté et d’indépendance, à établir une Fondation qui offre le bon tempo pour croiser les expériences, propose des espaces adaptés aux présentations les plus diverses et privilégie les artistes au nom d’un art exigeant. C’est une manière de faire le point sur qui je suis et surtout ce que j’aime. »

Marcel Duchamp, Bouche-évier, 1964/1967, bouchon de baignoire, argent.

Courtesy de Jean-Marc Bustamante

Après son élection en 2016, sur la lame effilée de son épée d’académicien, dont la garde est de marbre blanc, il a fait graver : « Je funambule sur le tranchant ». Il est vrai qu’il professe volontiers : « Je suis pour un art direct, sensitif, témoignant de la fragilité du monde et de celle de notre existence. J’en exprime l’éphémère beauté afin de tenter d’en fixer la grâce. » À l’heure où Jean-Marc Bustamante est plus exposé à l’étranger que dans son pays natal et où l’Allemagne va l’honorer d’une importante rétrospective, c’est pourtant à Arles qu’il s’apprête à sanctuariser un parcours sans nul autre pareil – et qui, selon la formule lacanienne, ne « s’autorise que de soi-même » –, sous la forme d’un fil tendu entre le passé et l’avenir, vibrant, singulier et libre, sur lequel il va suspendre ses passions les plus tranchantes pour l’art et les artistes. Rendez-vous, donc, à l’été 2026 !

L'objet deJean-Marc BustamanteMarcel DuchampArt ContemporainArles
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