À l’exception peut-être de ce joyeux « Pom Pom Pidou », il ne paraît pas toujours limpide que cet ensemble basé sur les collections du musée national d’Art moderne renvoie au concept de « Fiesta », thème de l’édition 2025 de lille3000. Nous n’assistons pas réellement non plus à un « récit renversant » de l’art moderne, mais plutôt à un déroulé linéaire de celui-ci avec quelques heureuses fulgurances qui valent, quant à elles, le détour. Ces dernières témoignent de l’extraordinaire richesse de cette collection, à l’instar de l’immense rideau de scène que Pablo Picasso a peint pour le ballet Parade et qui sera visible fin septembre 2025 pour l’ouverture de la saison de l’Opéra de Lille.
Les deux premiers niveaux du Tripostal accueillent la vaste épopée des avant-gardes qui ont façonné l’histoire de l’art des années 1910 à 1960. L’abstraction y défile sous la plupart de ses formes et rythmes avec des ensembles conséquents dédiés à František Kupka d’une part, Sonia et Robert Delaunay de l’autre, alors que plus loin, des œuvres maîtresses du futurisme italien exaltent la dynamique de la vitesse. Dans la prolongation, Marcel Duchamp en ébauche une synthèse mobile avec les Rotoreliefs, auxquels répondent les disques et projections lumineuses plus contemporains d’Olafur Eliasson, dans un dispositif de contrepoints bienvenus et répétés de temps à autre.
APPROPRIATION ET DÉPLACEMENTS
Au premier étage, précisément, les ensembles dévolus aux mouvements Dada et Fluxus – pas toujours évidents à réussir – sont des plus convaincants. Entre les deux, des œuvres de référence de Daniel Spoerri, Arman ou Martial Raysse offrent une place de choix aux Nouveaux Réalistes, tandis que la vaste disposition murale des panneaux lumineux d’Open Wall de Pascale Marthine Tayou constitue une rupture. Un beau tableau de Peter Klasen se retrouve, au sein des années pop, en compagnie notamment d’Evelyne Axell ou de James Rosenquist. Ensuite, la Figuration narrative et la Figuration libre font bon ménage avec Bernard Rancillac et Hervé Télémaque d’une part, Robert Combas et Hervé Di Rosa d’autre part.
Avec les promesses du titre de la manifestation, on pouvait s’attendre à voir surgir les pratiques issues des années 1960, lesquelles ont bouleversé les conventions établies comme les happenings, ouvrant le vaste champ du performatif. Au lieu de cela, c’est le principe de l’appropriation qui est curieusement mis en valeur avec le « mystificateur » Jonathan Monk et la surévaluée Louise Lawler ; seul l’humour caustique d’Agnès Thurnauer avec des tondos de prénoms d’artistes masculins féminisés rattrape cette dernière section.
Toutefois, au niveau suivant, la rupture est totale avec le déroulé linéaire : ce sont des pièces d’envergure qui s’imposent. Trois néons de François Morellet, aussi sobres que monumentaux, accueillent le visiteur, avant qu’il ne soit happé par un subjuguant environnement optique de Carlos Cruz-Diez ou par celui savamment déstructuré d’une spectaculaire Cabane éclatée de Daniel Buren. Arriverions-nous finalement à la notion de renversement ? Oui, avec Conical InterSect (1975), le film de Gordon Matta-Clark, contemporain du chantier de la construction du Centre Pompidou et projeté à grande échelle comme il se doit. La boucle est ainsi bouclée.
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« Pom Pom Pidou. Un récit renversant de l’art moderne », 26 avril - 9 novembre 2025, Le Tripostal, 22, avenue Willy-Brandt, 59000 Lille.
