Ce n’est pas un scoop : l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, à Paris, n’a pas concerné uniquement lesdits arts « décoratifs », mais aussi l’architecture. Les pavillons – près de 150, dont 2/3 français, représentant 21 pays, principalement européens – ont été érigés par des architectes. Or, une fois la manifestation achevée, ils ont tous été démontés, si bien que la capitale ne conserve aujourd’hui aucune trace physique de l’événement, contrairement aux Expositions de 1889 (tour Eiffel), 1900 (Petit et Grand Palais) ou 1937 (Palais de Chaillot, de Tokyo, d’Iéna). Aussi, avec cette exposition intitulée « Paris 1925, l’Art déco et ses architectes », la Cité de l’architecture et du patrimoine compte bien remettre les pendules à l’heure.
L’exposition, somme toute réduite – budget et surface obligent –, permet néanmoins de redonner vie à ces bâtiments disparus, dont on vanta jadis la modernité. Ne devaient-ils pas, selon un principe édicté par les organisateurs, être « d’une inspiration nouvelle et d’une originalité réelle » ? D’où la mise en lumière des défis architecturaux et de cette volonté d’innovation.
Même si le choix du site, au cœur de Paris, n’allait, semble-t-il, pas de soi – ce que détaille un préambule intitulé « Les Prémices » –, une année à peine suffira pour édifier l’ensemble des pavillons. Une vidéo montre, par le biais d’un montage de photographies en noir et blanc, la diversité des chantiers. La présentation, qui rassemble dessins, maquettes, photographies, films et reconstitutions en images 3D, dont une partie majeure provient des collections de la Cité, se déploie ensuite en trois volets : Jardins, Régionalisme et Architectes.
On le sait peu, mais cet opus 1925 est la première exposition internationale à se doter d’une section « Parcs et jardins ». L’art du jardin est alors reconnu comme un domaine de la création artistique et une partie intégrante de l’urbanisme moderne. Seront conçus une vingtaine de jardins éphémères, mêlant diverses tendances : néoclassicisme à la française (Henri Pacon, Jules Vacherot, Jacques Lambert), inspiration méditerranéenne (Albert Laprade, Joseph Marrast) ou géométrie avant-gardiste (Gabriel Guevrekian, qui décrochera une commande pour la Villa Noailles, à Hyères, ou Robert Mallet-Stevens, qui plantera des arbres cubistes en ciment armé conçus par les frères-sculpteurs Martel).
Le régionalisme, lui, est une portion congrue de la présente exposition. En 1925, certains pavillons représentent des régions ou grandes villes françaises, des industries et savoir-faire locaux. Si d’aucuns arborent encore des silhouettes pittoresques – Pavillon de la Franche-Comté –, d’autres en revanche expriment davantage les préoccupations rationalistes de leurs auteurs. C’est le cas de Tony Garnier pour le pavillon « Lyon & Saint-Étienne » ou de Pierre Le Bourgeois et Jean Bourgon pour celui de « Nancy & L’Est ». Une section intitulée « Art et industrie du verre » consacre le vitrail. On peut voir ici de beaux cartons signés par un maître-verrier pionnier, Jacques Gruber, pour la verrière Singes du bow-window de la maison du tisserand, sise à l’intérieur du « Village français ».

Vue de l’exposition « Paris 1925, l’Art déco et ses architectes », à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris. © Laura Bodénez, scénographe
Une dizaine d’architectes, des plus classiques (Louis Süe, Albert Laprade) aux plus modernes (Auguste Perret, Robert Mallet-Stevens), bénéficient chacun d’une présentation monographique. Même Le Corbusier, alors peu connu et qui, paraît-il, exécrait l’Art déco, a tenu à être présent. Avec son cousin et associé Pierre Jeanneret, ils conçoivent leur fameux pavillon-manifeste dit « de l’Esprit nouveau », qui tranche à l’envi dans le paysage.
Nombre de projets intègrent les enjeux d’une vie moderne : distribution rationnelle des espaces, préceptes hygiénistes, usage de l’électricité, des télécommunications ou de l’automobile, etc. Développement durable avant l’heure ? Non seulement les organisateurs interdisent de creuser en profondeur – à cause des réseaux souterrains et voies de chemin de fer –, mais aussi de couper ou d’élaguer les arbres – Le Corbusier en intègre un à sa loggia et Pierre Patout construit autour d’un autre – et exigent que les matériaux puissent être « recyclés ». D’où, le choix d’Auguste Perret de réaliser en bois le Théâtre de l’Exposition, lequel dispose d’une scène amovible et peut accueillir 900 personnes. Une maquette reconstituée permet de se rendre compte de cet espace avant-gardiste, laboratoire des arts du spectacle.
Grâce à un fonds d’archives récemment légué par la famille, on redécouvre Henry Favier (1888-1971), auteur de la Porte d’honneur de l’Exposition et du pavillon du journal L’Intransigeant. Avec une tour-horloge dont la silhouette, paraît-il, essaima à travers la planète, Robert Mallet-Stevens, lui, hisse son Pavillon des renseignements et du tourisme juste au pied du Grand Palais. On a du mal à croire que 25 ans seulement séparent les deux constructions. Petit bémol enfin : l’absence des pavillons/architectes étrangers. On pense notamment à celui de l’URSS, signé Constantin Melnikov…
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« Paris 1925, l’Art déco et ses architectes », jusqu’au 29 mars 2026, Cité de l’architecture et du patrimoine, 1, place du Trocadéro, 75016 Paris
