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Entretien

Chris Dercon : la Fondation Cartier ouvre ses portes

Place du Palais-Royal, l’institution parisienne inaugure son nouveau bâtiment conçu par Jean Nouvel avec « Exposition générale ». Entretien avec son directeur général.

Propos recueillis par Anaël Pigeat
18 novembre 2025
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Vue de l’« Exposition générale », Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2025. Photo Marc Domage

Vue de l’« Exposition générale », Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2025. Photo Marc Domage

Le nouveau bâtiment de la Fondation Cartier pour l’art contemporain semble reprendre les utopies du Centre Pompidou en 1977 : l’ouverture sur la ville, le lieu que l’on traverse et le mélange des disciplines. Est-ce dans cet esprit qu’il a été conçu ?

Exactement, c’est lié à l’histoire de l’architecture dynamique à Paris. En 1925, dans l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, il y avait des pavillons expérimentaux autour du Grand Palais, réalisés par exemple par Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier, Frederick Kiesler et Konstantin Melnikov. Ce dernier est un architecte russe qui continue à inspirer des contemporains comme Rem Koolhaas, Diller Scofidio + Renfro, Jean Nouvel... C’est Jean Prouvé qui a gagné la médaille d’or de cet événement avec une chaise modulaire. Il a aussi construit la Maison du Peuple, à Clichy [Hauts-de-Seine], de 1936 à 1939, une autre expression de l’architecture modulaire, avec des sols mobiles – des problèmes techniques ont empêché que cela fonctionne. C’est lui également qui présidait le jury du concours du Centre Pompidou, remporté par Renzo Piano et Richard Rogers en 1977. Jean Prouvé leur aurait suggéré que leurs constructions ne bougent pas trop ! L’architecture modulaire et transparente de Jean Prouvé dans la Maison du Peuple ainsi que l’architecture utopique des années 1960 du Fun Palace de Cedric Price sont aussi à l’origine du Centre Pompidou.

Toutes ces créations se trouvent comme réinventées par Jean Nouvel qui s’intéresse au contexte historique et urbain d’une ville. À la Fondation Cartier, on peut voir les gens qui circulent dans les rues de Rivoli et Saint-Honoré. On peut même observer les visiteurs du Louvre qui admirent les sculptures romaines et grecques, ce qui rappelle une scène de Bouvard et Pécuchet [1881] de Gustave Flaubert. À l’extérieur, il y a ces arcades formidables, dont Émile Zola a fait l’éloge dans Au Bonheur des dames [1883]. De l’autre côté du bâtiment, Jean Nouvel a remonté un auvent pour y faire écho.

À l’intérieur, on découvre une forme de mobilité qui existait déjà au XIXe siècle avec les ascenseurs Otis des grands magasins. Rem Koolhaas a essayé de faire la même chose à Lafayette Anticipations (l'espace de la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette a ouvert en 2018 et a été conçu par Rem Koolhaas dans un bâtiment de 1891 du 4e arrondissement de Paris). Ici, c’est l’aboutissement de ce chapitre, car les technologies ont été développées. Jean Nouvel connaissait très bien la collection, l’histoire des expositions et la Fondation depuis ses débuts. Il nous a donné non pas un bâtiment, mais celui dont nous avions besoin.

Vous avez mené plusieurs chantiers de grandes institutions, le dernier en date étant celui du Grand Palais. Celui-ci était largement lancé quand vous êtes arrivé. Quelle empreinte laissez-vous sur la Fondation Cartier ?

Un directeur général est comme le rédacteur en chef d’un journal. Il pose des questions, fait des remarques, stimule les équipes, dit parfois non... Nous avons travaillé avec toute l’agence de Jean Nouvel [Ateliers Jean Nouvel], avec Cartier Architecture et construction, et avec nos conservatrices. J’ai toujours œuvré entre les disciplines, la danse et le théâtre, la peinture et la sculpture, le design et l’architecture, la photographie et le cinéma. Comme j’étais novice, j’ai regardé la collection avec un regard neuf. Nous occupons également la galerie Valois qui date des Grands Magasins du Louvre ; une proposition portée par Andrea Branzi et Stefano Boeri y est actuellement présentée (« Animaux dans la ville », 21 octobre 2025-28 février 2026). Et, à partir de juin 2026, nous nous emparerons de la place du Palais-Royal avec un projet consacré à Raymond Hains.

Dans le nouveau paysage artistique parisien, le secteur privé prend une part de plus en plus importante. Comment voyez-vous aujourd’hui le dialogue entre privé et public ?

Grâce à des fondations comme Kadist, Lafayette Anticipations, la Fondation H, la Fondation Pernod Ricard, il y a beaucoup de porosité entre les musées privés et publics. C’est ce biotope qui rend la ville de Paris attractive. Nous sommes complémentaires, car nous avons toujours organisé des expositions à partir desquelles nous avons collectionné. Nous avons fait la promotion des dialogues entre les architectes, entre artistes, architectes et chercheurs.

Laurent Le Bon [président du Centre Pompidou] est de la même génération que les autres directeurs d’institutions qui sont autour de nous. Nous avons vécu les mêmes histoires entre les Frac, les centres d’art, les musées et les biennales. Il y a des dialogues naturels. Et les exemples de collaboration sont nombreux. Laurent Le Bon a travaillé avec la Bourse de Commerce – Pinault Collection pour l’exposition de Charles Ray (« Charles Ray », 16 février-6 juin 2022, Bourse de Commerce – Pinault Collection ; 16 février-20 juin 2022, Centre Pompidou, Paris). Dans « Amazônia », au musée du quai Branly (« Amazônia. Créations et futurs autochtones », 30 septembre 2025-18 janvier 2026, musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris), vous trouvez un certain nombre de prêts qui viennent de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, laquelle a collectionné très tôt les dessins des artistes yanomami [Amérique du Sud]. Les expositions de Kadist et de Lafayette Anticipations offrent aussi des allers-retours entre initiatives publiques et privées.

Vue de l’« Exposition générale », Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2025. Photo Marc Domage

Lorsque l’on voit les visiteurs regarder de l’extérieur à l’intérieur du bâtiment, on a l’impression qu’ils sont devant une vitrine géante ou une camera obscura. On se dit qu’ils observent le monde avec des jumelles à travers les baies de la rue de Rivoli.

Nous n’avons pas de salles réservées au design, à l’architecture ou à la recherche : le va-et-vient est permanent. Dans l’exposition, on découvre l’identité de la collection à travers la mise en espace du duo de designers FormaFantasma qui présente une multiplicité de points de vue sur les œuvres, comme dans les étals des grands magasins du XIXe siècle. Depuis l’intérieur de notre bâtiment, on aperçoit les salles d’exposition du musée du Louvre, notamment celles des sculptures grecques et romaines. Aujourd’hui, je prétends que certaines salles du Louvre font maintenant partie de notre collection, et que notre collection fait partie du Louvre !

C’est toute l’histoire de la collection, encore peu connue du grand public, qui apparaît là...

Le fondateur et président de la Fondation Cartier est Alain Dominique Perrin, un aventurier très présent dans l’art contemporain. Il s’intéresse à César, mais aussi à Niele Toroni aussi bien qu’à Lou Reed. Marie-Claude Beaud (ancienne directrice générale de la Fondation Cartier pour l’art contemporain de 1984 à 1994) s’est plongée dans le design tout en soutenant les artistes français. Jean de Loisy (conservateur de la Fondation Cartier pour l’art contemporain de 1990 à 1994) est un globe-trotter qui a nourri la collection de ses voyages réels et imaginaires. Hervé Chandès (Directeur général de la Fondation Cartier pour l’art contemporain de 1994 à 2024, il fut aussi directeur international) a souvent été au Brésil et en Amérique latine. Tous ces acteurs et actrices ont laissé leur empreinte sur la collection. On est confronté à des signatures qui ont en commun d’être ouvertes à la création pour donner toute la liberté aux artistes. C’est le socle de la Fondation Cartier. Le public parisien a la chance de pouvoir s’ouvrir à des disciplines et à des dialogues variés : cinéma, danse, littérature, et même gastronomie ; la vie culturelle est très riche.

Comment écrivez-vous l’histoire de l’art ?

J’essaye de stimuler nos conservatrices pour écrire de plus en plus. L’institution pose la question de ce qui se passe entre les disciplines. Nous allons republier des textes parus dans des livres édités par la Fondation Cartier, par exemple celui de Stefano Mancuso dans le catalogue d’exposition Nous les Arbres [2019]. L’essai d’Emanuele Coccia dans Voir venir. Venir voir, ouvrage célébrant les 40 ans de la Fondation (Alain Dominique Perrin et Emanuele Coccia, Voir venir. Venir voir, Paris, Éditions Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2024), est repris en partie dans le catalogue Exposition générale (Emanuele Coccia, Béatrice Grenier et Grazia Quaroni, Exposition générale, Paris, Éditions Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2025, 364 pages, 55 euros). La Fondation a aussi une activité de recherche importante. La pensée de l’architecte, urbaniste et théoricien Paul Virilio constitue l’un des fils rouges de l’exposition.

Et qu’en est-il de la jeune scène parisienne qui est devenue très internationale depuis quelques années ? La verra-t-on également à la Fondation Cartier ?

Pour la prochaine exposition que nous organiserons à la Fondation Cartier, nous avons invité un artiste franco-africain, Ibrahim Mahama (« Le Temps des récoltes », première grande exposition consacrée en France à l’artiste ghanéen, sera présentée à l’automne 2026). Nous prévoyons d’être une plateforme pour le musée de la mode vivante avec l’historien de la mode Olivier Saillard. Les jeunes artistes prendront part à nos expositions et nos événements artistiques dans l’auditorium. Nous sommes entourés ici de conservatrices qui regardent attentivement ce qu’il se passe à Paris et en France. À la différence d’autres grandes fondations, nous n’allons pas travailler avec des guest curator stars, mais avec les membres de notre équipe qui font partie du tissu français.

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« Exposition générale », du 25 octobre 2025 au 23 août 2026, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2, place du Palais-Royal, 75001 Paris, fondationcartier.com

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