Le Centre national des arts plastiques (CNAP) est décidément au cœur du débat. Alors que le rapport remis récemment par Martin Bethenod à la ministre de la Culture préconisait d’en faire le cœur du soutien à la scène française, un nouveau rapport, publié cette fois par la Cour des comptes, recommande à terme sa suppression pure et simple. Et ce, alors qu’un nouveau bâtiment doit regrouper les activités du CNAP dans les prochains mois. Historiquement implanté à La Défense, ce dernier a quitté ses locaux en 2024 pour s’installer provisoirement porte d’Aubervilliers, dans l’attente de son transfert définitif à Pantin prévu en 2027 pour un coût total de 98 millions d’euros, contre 50 millions prévus initialement, rappelle le rapport.
Les magistrats pointent une « efficacité relative des missions » de l’établissement public administratif créé en 1982, en charge du soutien à la création artistique, de la gestion de 108 000 œuvres du Fonds national d’art contemporain (FNAC) et de la diffusion de cette collection auprès des musées et administrations. « Dans un paysage artistique très concurrentiel, aux côtés des DRAC (Direction régionale des affaires culturelles), des FRAC (Fonds régional d’art contemporain), du Centre Pompidou et de multiples centres d’art et acteurs privés (Fondation Cartier, Fondation Maeght, Fondation LVMH, Collection Pinault, etc.), son positionnement demeure incertain », stipule le rapport.
La Cour dresse trois constats principaux. Premièrement : « Le CNAP privilégie ses missions d’acquisition et de conservation des œuvres, au détriment de leur diffusion. Alors que la diffusion des œuvres acquises en l’an 2000 atteint près de 75 %, seules 30 % des œuvres acquises en 2010 ou en 2020 sont diffusées. Un quart de la collection n’est jamais sorti des réserves, soit la moitié des œuvres stockées en réserve (24 000 œuvres sur 46 000 en réserve). Enfin, la conservation des collections reste inaboutie, avec un récolement encore incomplet, un système de gestion de l’inventaire obsolète et de données de suivi insuffisamment fiables. Au regard des crédits dévolus à ses missions (5,4 millions d’euros), le poids des dépenses de fonctionnement (12,8 millions d’euros en 2024, auxquels s’ajoutent 3,9 millions d’euros pour les personnels mis à disposition par le ministère de la Culture) apparaît disproportionné ».
Deuxièmement : « L’autonomie budgétaire et fonctionnelle est limitée, et les principaux projets dépendent largement des financements fléchés par l’État. Cette situation réduit la capacité d’initiative propre du CNAP et empêche un pilotage efficient des dépenses, en raison notamment d’une maîtrise insuffisante de ses moyens humains et d’une gestion externalisée de son projet immobilier à Pantin ».
Troisièmement : « À ces faiblesses structurelles du CNAP s’ajoutent une gestion administrative fragile, des chevauchements institutionnels dans ses missions et une coordination insuffisante avec ses partenaires, notamment en régions ».
En conclusion de ses analyses, la Cour des comptes estime que « le modèle actuel du CNAP n’est pas soutenable : l’établissement n’atteint pas une taille critique suffisante, l’efficacité de son action n’est pas avérée et n’est pas suffisamment coordonnée avec celle des autres acteurs publics (musées, DRAC et FRAC notamment) ». Le rapport recommande de supprimer l’opérateur d’ici cinq ans et de répartir l’ensemble de ses missions entre la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture pour le soutien aux artistes, et, pour la gestion des collections d’œuvres, le Centre Pompidou, les musées dépositaires et les FRAC.
« La construction du site de Pantin ne saurait être un obstacle à la réflexion, le Centre Pompidou pouvant très bien en assurer la gestion, en complémentarité avec son futur site à Massy », précise le rapport.
En réaction à la publication de ce rapport au vitriol, des salariés de l'institution font état d'un audit très « politique », ce que la Cour dément, écrit Libération, qui rappelle que Julien Aubert, l'un des trois rapporteurs, est un proche de l'ancien ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau.
