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Politique culturelle
Analyse

La culture au régime sec

Le secteur culturel est affecté, depuis 2024, par une baisse sans précédent des subventions publiques, conjuguées avec une fragilisation du principe de solidarité financière entre l’État et les collectivités territoriales.

Éric Tariant
22 octobre 2025
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Le Frac des Pays de la Loire, site de Nantes, Le Hangar à bananes, jusqu’en avril 2025. Photo Fanny Trichet

Le Frac des Pays de la Loire, site de Nantes, Le Hangar à bananes, jusqu’en avril 2025. Photo Fanny Trichet

À l’image de Vincent Guillon, le codirecteur de l’Observatoire des politiques culturelles, qui évoquait, au printemps, sur France Culture, « des coupes budgétaires inquiétantes », les professionnels n’hésitent plus à afficher leur désarroi. La culture n’étant pas une compétence obligatoire des collectivités locales comme la Région et le Département, celle-ci devient « une variable d’ajustement », déplorait-il alors, pointant « la fin d’un consensus politique ». Doit-on s’attendre à voir les « villes, départements et régions multiplier les coupes dans la culture », comme le titrait Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde, dans sa chronique du 22 novembre 2024 ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Et quelles sont, aujourd’hui, la réalité et l’ampleur des baisses des financements publics au secteur culturel ?

Le « dynamiteur » a sans doute été Laurent Wauquiez, comme le pointe l’éditorialiste. Le président (Les Républicains) de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a été l’un des premiers à faire sauter le verrou d’un système de volontarisme politique et valser le consensus datant des lois de décentralisation de 1981 en vertu duquel l’État et les collectivités locales partagent le financement des politiques culturelles. Il a été le premier, en 2016, à envoyer le signal qu’une collectivité locale pouvait, sans conséquences politiques (il a été reconduit au premier tour des élections régionales en 2021 avec 55 % des voix), tailler dans les budgets de la culture d’une institution en réduisant de 10 % l’enveloppe destinée aux arts, en se réfugiant derrière l’accusation d’élitisme. De même en 2022 : l’Opéra de Lyon a perdu 500 000 euros et la Biennale d’art contemporain 253 000 euros. Une coupe de près de 4 millions d’euros au total qui sera suivie, en 2023, d’une nouvelle vague de baisses d’environ 1 million d’euros.

Des collectivités locales asphyxiées financièrement

Une nouvelle alerte rouge, au niveau national cette fois, retentit à la fin 2024. Le budget 2025 de l’État décide de ponctionner 2,2 milliards d’euros sur les recettes des collectivités locales qui financent 70 % des dépenses culturelles du pays. Une ponction qui serait plutôt de l’ordre de 6 milliards d’euros selon l’Association des maires de France. Asphyxiées financièrement, les collectivités locales, croulant sous des charges en hausse et affichant des recettes en baisse, n’hésitent plus désormais à s’engouffrer dans la porte entrouverte par Laurent Wauquier. S’en est suivi un redoutable effet de dominos dont l’étape la plus troublante et la plus médiatisée s’est jouée dans les Pays de la Loire. Le 20 décembre 2024, de manière brutale et sans aucune concerta- tion préalable avec les institutions concernées, le conseil régional des Pays de la Loire, présidé par Christelle Morançais (vice-présidente du parti Horizons fondé par Édouard Philippe), annonce une baisse de 62 % de ses aides au fonctionnement du secteur culturel. Angers Nantes Opéra perd l’intégralité de sa subvention de fonctionnement, soit près de 350 000 euros, l’Orchestre national des Pays de la Loire 190 000 euros, et le Frac 300 000 euros, soit 40 % de son budget. « Cette décision, qui n’a été précédée d’aucune discussion, nous a contrariés et désorganisés », souligne Claire Staebler, la directrice du Frac, lequel a dû fermer, au printemps 2025, son antenne située à Nantes, au Hangar à bananes, pour ne conserver que son navire amiral, un peu excentré à Carquefou. « Notre marge artistique est diminuée. Nous avons perdu en visibilité et perdu aussi la capacité de toucher le jeune public qui fréquente l’Île de Nantes », ajoute-t-elle.

Le Pôle arts visuels Pays de Loire, outil collectif de structuration, d’accompagnement, de représentation et de coopération, accuse, lui, 130 000 euros de baisses cumulées. Une ponction budgétaire de 50 %, qui sera suivie, en 2026, d’un arrêt total des subventions. Le financement régional constituant plus de 75 % du budget du Pôle, l’ensemble de l’équipe salariée, composée de cinq personnes, a dû être licenciée. « Ce désengagement n’est pas une exception. C’est un précédent. Ce que nous vivons en Pays de la Loire doit nous mettre en garde toutes et tous. C’est une alerte nationale », martèle Virginie Lardiere. L’ancienne présidente du Pôle insiste aussi sur l’impact de ces coupes budgétaires sur la vie des artistes, lesquels vont être placés dans une situation de précarité accrue. À l’échelle de la région des Pays de la Loire, 25 % des artistes-auteur(e)s anticipent la fin de leur activité, et près de 2 500 personnes travaillant dans les filières culturelles risquent de perdre leur emploi, révélait, en décembre 2024, l’enquête interpôles Pays de la Loire.

« S’il n’y a plus de financements publics, il n’y aura plus de culture. »

Un baromètre 2025 dans le rouge

Les coupes opérées par la Région des Pays de la Loire, dont l’ampleur est, à ce jour, inégalée, ne sont, malheureusement pas une exception. Le baromètre 2025 de l’Observatoire des politiques culturelles souligne que près de 50 % des régions, départements, communes et métropoles ont diminué leur budget consacré à la culture entre 2024 et 2025. Des baisses qui concernent 60 % des régions et 65 % des départements. Tous les secteurs sont affectés. Si l’on se fie à cet indicateur, le plus touché est celui des festivals et événements, suivi par celui du spectacle vivant, puis par les actions d’éducation artistique et culturelle.

La Cartocrise culture 2025, une cartographie contributive lancée en mars 2025 par l’Observatoire des politiques culturelles, montre que le secteur des arts visuels est, lui aussi, très impacté. À l’instar des centres d’art contemporain comme le BBB, à Toulouse, lequel a perdu un quart de sa subvention de fonctionnement de la Drac Occitanie (25 000 euros) et 20 % de celle de la Ville de Toulouse (12 000 euros). Le Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCC OD), à Tours, s’est vu supprimer 15 000 euros de subvention par le conseil régional Centre-Val de Loire. « La baisse des subventions, conjuguée avec une hausse des charges de fonctionnement, grignote la marge artistique », déplore Cécile Rogel, la secrétaire générale du CCC OD. Marie Chênel, directrice de DCA, l’Association française de développement des centres d’art contemporain, évoque, de son côté, une baisse de 20 % du budget disponible pour l’activité en 2025. Cette perte s’est traduite par une diminution du nombre des expositions qui passe d’une moyenne de quatre par an, à trois, voire deux pour certains centres d’art.

Les Frac ne sont pas épargnés par cette dynamique de baisse, comme en témoigne le Frac Grand Large, à Dunkerque, qui a vu la subvention de la Région des Hauts-de-France chuter de 30 000 euros. « Nos activités de programmation et de production artistique seront impactées », commente Clémentine Julle-Danière, la directrice adjointe de l’institution. Les musées semblent, pour l’instant, un peu moins touchés, à quelques exceptions près, tels le musée des Confluences, à Lyon, dont la subvention de fonctionnement est passée de 14,4 millions d’euros en 2023 à 13 millions en 2025, le musée de Lodève (Hérault) et La Piscine, à Roubaix, lesquels ont tous deux perdu 50 000 euros de subventions. « Ces baisses de financements qui affectent les arts visuels, parent pauvre de la culture, font moins de bruit, car le secteur est moins organisé que celui du spectacle vivant. Mais il ne faut pas se voiler la face, elles vont le mettre très rapidement en danger », insiste Lucie Marinier, professeure au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), titulaire de la chaire Ingénierie de la culture et de la création, qui conclut : « S’il n’y a plus de financements publics, il n’y aura plus de culture. »

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