Les déclarations de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire, Christelle Morançais (Horizons), ne passent pas. Alors que les ponctions de l’État sur les finances locales représentent une perte de 40 millions d’euros pour la région, l’élue a annoncé le 17 octobre qu’elle irait plus loin avec des économies « de l’ordre de 100 millions ». Ce tour de vis budgétaire a déclenché l’ire des acteurs de la culture en terres ligériennes, et bien au-delà. Une mobilisation réunissant 3 000 manifestants s’est tenue le 25 novembre au matin devant l’hôtel de région des Pays de la Loire à Nantes.
Dans une pétition en ligne lancée sur la plateforme Change.org, sous l’intitulé « Pays de la Loire : plus de 1 000 artistes et professionnels de la culture se mobilisent », près de 70 000 signataires à ce jour dénoncent un projet de « coupe drastique allant jusqu’à 73 % du budget de fonctionnement de la culture, interrompant totalement dès 2025 les subventions allouées aux festivals, aux théâtres, aux musées, aux opéras, aux maisons d’auteur·rices, aux centres d’art, aux productions audiovisuelles, aux artistes, mais aussi aux clubs sportifs et aux associations œuvrant pour l’égalité Femme/Homme et la solidarité. » Le texte déplore « un coup porté à la société civile tout entière », pointant qu’ « aucune autre région n’a fait de tels choix à l’échelle nationale ».
Parmi les nombreux signataires figurent des personnalités telles que Zaho de Sagazan, autrice, compositrice, interprète et musicienne ; Alain Mabanckou, écrivain, directeur artistique du festival Atlantide ; Alice Zeniter, autrice, metteuse en scène ; Christophe Honoré, réalisateur, scénariste, écrivain et metteur en scène ; Anna Mouglalis, comédienne ; Daniel Pennac, écrivain ; Pierrick Sorin, artiste plasticien ; Mathieu Amalric, réalisateur et acteur ; Philippe Katerine, chanteur, auteur, compositeur, acteur ; Patrick Bouchain, architecte ; Jeanne Cherhal, autrice, compositrice, interprète ; Edwy Plenel, journaliste, cofondateur de Mediapart ; François Morel, comédien et auteur ; Jean Rouaud, auteur, prix Goncourt 1990 ; Jérôme Clément, président du Festival Premiers Plans d’Angers, ancien directeur du CNC, ancien président d’Arte ; Anne et Patrick Poirier, plasticiens ; Hugo Marchand, danseur étoile de l’Opéra de Paris ; Laurent Binet, écrivain ; Philippe Decouflé, chorégraphe ou encore Sophie Lévy, directrice du musée d’Arts de Nantes.
« La réduction de 73 % des subventions attribuées au monde culturel ne vient pas seule. Elle serait globalement de 64 % pour la commission culture, sport et associations, pour un budget de fonctionnement passant de 33,9 à 12,8 millions d’euros, selon nos projections », écrit le site de journalisme d’investigation Médiacités de Nantes.
La députée écologiste nantaise Julie Laernœs a interpellé la ministre de la Culture, le 26 novembre à l’Assemblée nationale, dénonçant un « excès de zèle » de Christelle Morançais. En l’absence de Rachida Dati, Maud Bregeon, la porte-parole du gouvernement, a répondu qu’ « il n’appartient pas au gouvernement de faire les arbitrages budgétaires des régions. »
Attaquée de toutes parts depuis sa déclaration, Christelle Morançais a réagi sur X (ex-Twitter) : « Je respecte la mobilisation des acteurs culturels qui contestent les baisses de subventions de la région, même si je regrette les "fake news" et les attaques personnelles propagées notamment par LFI. Mais le respect n’interdit pas la combativité : je ne laisserai pas dire que la dette et les déficits français ne sont pas un problème, et qu’ils concerneraient tout le monde sauf le secteur subventionné de la culture. Notre pays accumule une dette de 3 300 milliards et un déficit de 180 milliards d’euros en 2024. Personne ne fait pire que la France. Cette réalité s’impose à nous tous, et ceux qui font croire le contraire sont des démagogues. »
La pétition contre ce plan d'économies met en avant « un modèle français, qui repose sur le financement croisé des collectivités et de l’État, a produit partout émancipation, désenclavements et partage des savoirs ». Le texte ajoute : « C’est ce modèle qui a engendré la diversité culturelle et l’attractivité des régions et des villes de France que le monde entier nous envie. »
« Tout cela est aujourd’hui violemment attaqué par la région Pays de la Loire, qui sous couvert de la cure d’austérité imposée aux collectivités par le gouvernement Barnier, annonce 100 millions d’économies (quand on lui en demande 40), dont une bonne partie prise sur la culture, le sport, l’égalité Femme/Homme et les solidarités, arguant que "dans de nombreux domaines, la région n’a plus vocation à intervenir, ou à intervenir autant" », poursuivent les signataires de cette levée de boucliers.
Alors que l’actuel gouvernement est menacé de censure à l’Assemblée nationale dans les prochains jours, sur fond d’oppositions budgétaires, la pétition proteste contre « ce qui s’apparenterait à un plan social de la culture. Cette décision serait mortifère pour les 150 000 emplois concernés, qu’ils soient permanents ou intermittents, et pour tout un ensemble de professions libérales et de petites entreprises qui gravitent autour du secteur de la culture publique, hautement créateur d’emplois et de richesse économique. »
Les signataires demandent « que les mécanismes démocratiques soient respectés, et que les acteurs et actrices culturels·les soient concerté·es dans la prise d’une décision aussi lourde de conséquences pour l’ensemble des électeur·rices, citoyen·nes, usager·es ligériens et ligériennes. »