L’endroit est exceptionnel. 275 chutes d’eau, dont les plus importantes mesurent 82 mètres de hauteur, se répartissent le long d’une faille de 2,7 kilomètres, à la frontière entre le Brésil et l’Argentine, à proximité d’un troisième pays, le Paraguay. Les chutes d’Iguaçu, un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, ont accueilli en 2024 plus de 3 millions de visiteurs. C’est du côté brésilien, à quelques kilomètres de l’entrée du parc national d’Iguaçu et à proximité immédiate de l’aéroport international de Foz do Iguaçu / Cataratas, que va s’élever le Centre Pompidou Paraná, première antenne de l’établissement parisien en Amérique latine. Du jeudi 4 au samedi 6 septembre 2025 a été organisé sur place un premier événement réunissant des écoliers qui ont pu mouler des briques avec la terre locale. « Nous avons baptisé cette étape "De la brique au musée", a affirmé Luciana Casagrande Pereira, secrétaire d’État à la Culture de l’État du Paraná lors d’une cérémonie sur place, le 5 septembre, réunissant les acteurs du projet et Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou. Ce n’est pas qu’un événement, c’est la première invitation à la communauté à participer à cette aventure. C’est une graine que nous semons ensemble dans le sol fertile de Foz do Iguaçu, ville de rencontre, de diversité et d’intégration entre les nations ». Le musée est pensé comme un centre culturel pour la région des trois frontières (Brésil, Paraguay, Argentine) et s’adressera autant aux habitants qu’aux nombreux touristes de la région.
L’architecte choisi, Solano Benítez, lauréat en 2008 du Prix d’architecture international BSI, vient du Paraguay voisin. « Ce musée a une particularité rare : il s’implante au seuil d’une réserve forestière. Ce choix est porteur de sens. Nous avons longtemps imaginé que l’homme dominait la nature. Mais la vérité, c’est que nous sommes la nature. Si nous voulons continuer à exister, nous devons réinventer nos liens avec elle », a-t-il déclaré le 5 septembre. Et de poursuivre : « Le musée sera conçu dans cet esprit : il célébrera la présence puissante de la nature et servira de pont vers l’avenir, un avenir où nos divisions s’effaceront au profit de nouvelles formes de coexistence. Ainsi, la majorité des matériaux utilisés pour sa construction proviendront de la terre même du site. Tout ce qui n’a pas besoin d’être transparent sera fabriqué avec les ressources locales. Ce musée sera bâti avec les mêmes briques que celles qui servent à construire les maisons des habitants. Ce choix affirme une idée forte : la dignité des matériaux et l’égalité des moyens pour bâtir l’avenir. Ce musée n’est pas seulement un bâtiment. Il incarne une promesse : celle de changer l’histoire de nos enfants et de créer un futur commun ».

Vue d’artiste du futur Centre Pompidou Paraná. Architecte : Solano Benítez. Courtesy Centre Pompidou Paraná
Implanté sur un terrain de 24 000 m², le bâtiment lui-même offrira un espace de 10 000 m², dont une grande galerie de 1 000 m² pour les œuvres contemporaines de différents médiums et une autre de 1 500 m² pour les formats d’exposition plus traditionnels. La construction sera organisée autour d’un grand patio central, un espace public commun qui offrira des vues dégagées et une forte intégration dans le paysage. « Dès le début du projet, le choix du site a été motivé par la volonté d’articuler le musée avec le territoire environnant, en particulier la réserve naturelle, précise Gabriel Hildebrand Tomich, coordinateur en architecture du Centre Pompidou Paraná. Les briques utilisées pour le bâtiment seront fabriquées avec la terre extraite sur place, renforçant le lien entre architecture, territoire et communauté locale. C’est également le concept des ateliers pédagogiques organisés avec les enfants et les habitants, pour fabriquer ces briques et leur permettre de participer symboliquement à la construction ». Au sous-sol, un auditorium modulable sera conçu pour accueillir des performances, en lien avec les besoins culturels de la ville de Foz do Iguaçu. Deux ateliers pédagogiques sont aussi prévus pour les écoles et les programmes communautaires. Viendront s’y ajouter un laboratoire de création dédié aux résidences d’artistes, avec une relation directe au paysage, et un observatoire et une médiathèque, espace de recherche, documentation et médias, conçu comme un pôle scientifique associé au musée. Selon Gabriel Hildebrand Tomich, la programmation artistique sera développée par une équipe curatoriale locale indépendante, en dialogue avec la collection du Centre Pompidou à Paris. Les travaux de construction commenceront cette année et le musée devrait ouvrir en 2027.
Ce projet de musée lancé depuis plusieurs années par le gouvernement de l’État du Paraná, situé au sud du Brésil, a bénéficié de l’action de Marc Pottier qui a assuré la coordination entre le Centre Pompidou et les autorités locales. Un protocole-cadre a été conclu en 2022, avant la signature le 28 mai 2025 d’un protocole d’accord pour la création du Centre Pompidou Paraná à Foz do Iguaçu. La capitale de l’État, Curitiba, possède le Musée Oscar Niemeyer (MON) qui a bénéficié en 2021 de la donation d’environ 1 700 œuvres d’art africain issues de la Collection Ivani et Jorge Yunes (CIJY), à l’initiative de Beatriz Yunes Guarita, collectionneuse et mécène brésilienne elle-même membre du conseil d’administration des Amis du Centre Pompidou et ambassadrice de l’IC Latin America, le cercle international d’acquisition dédié à l’art latino-américain.
« Cette année marque les 200 ans des relations diplomatiques entre le Brésil et la France. Et une relation bicentenaire ne peut se construire que sur la confiance mutuelle, a déclaré lors de la cérémonie du 5 septembre le gouverneur de l’État du Paraná, Carlos Roberto Massa Júnior. Je vous remercie profondément, M. Le Bon, pour la confiance que vous accordez au Paraná, à mon équipe et à ce projet d’une ampleur exceptionnelle, qui transforme la culture brésilienne et inscrit le Brésil, et tout particulièrement notre État, sur la carte mondiale de la culture, de l’art et du tourisme. Et c’est précisément la vitalité de ces liens que nous honorons également à travers la Saison France-Brésil organisée dans tout le pays, après le succès de la saison du Brésil en France qui s’est tenue de mars à août ». En conclusion, Laurent Le Bon a évoqué la fermeture de 2025 à 2030 du Centre Pompidou de Paris et le programme « Constellation » mis en place pendant cette période. « Et où sera la plus belle étoile ? a demandé le président de l’établissement. À Paraná ! »

