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Analyse

Les architectes au chevet de la planète

À Venise, la 19e Biennale internationale d’architecture fait le point sur les innovations du secteur sous les angles du naturel, de l’artificiel et du collectif en mettant au cœur l’être humain.

Christian Simenc
30 juin 2025
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Vue de l’exposition « Intelligens. Natural. Artificial. Collective », Arsenale, 19e Biennale internationale d’architecture, 2025. Courtesy La Biennale di Venezia. Photo AVZ/Andrea Avezzù

Vue de l’exposition « Intelligens. Natural. Artificial. Collective », Arsenale, 19e Biennale internationale d’architecture, 2025. Courtesy La Biennale di Venezia. Photo AVZ/Andrea Avezzù

Mieux vaut-il avoir le cœur solidement accroché pour visiter la 19e Biennale internationale d’architecture de Venise ! Car entre réchauffement climatique, inondations, éruptions volcaniques, sécheresses, mégafeux et conflits armés, c’est à un désastre planétaire auquel convie cette édition 2025, un mur de maux dans lequel le monde semble toujours foncer tête baissée et que seules des intelligences croisées pourraient sauver. Du moins est-ce le sentiment de son commissaire général, Carlo Ratti, qui l’a intitulée « Intelligens, Natural, Artificial, Collective », insistant sur l’ultime syllabe – « gens » – du néologisme « Intelligens », qui met l’accent sur le vocable latin signifiant « les gens, les personnes », à savoir... nous !

L’architecte et ingénieur turinois à la tête du Senseable City Lab au Massachusetts Institute of Technology (États-Unis) invite « différents types d’intelligences à travailler ensemble pour repenser l’environnement construit. En cette période d’adaptation, l’architecture est au centre. Elle a besoin de tirer parti de multiples formes d’intelligences : naturelle, artificielle et collective ».

Le vaste Pavillon italien des Giardini, qui accueille habituellement l’exposition principale, étant en travaux, celle-ci a été délocalisée à l’Arsenale. Un sentiment de trop-plein s’en ressent, notamment par la célébration parfois trop caricaturale de l’intelligence artificielle (IA) et ses robots humanoïdes interactifs. Cette révolution de l’IA engendre une course folle à la construction de centres de données. Certains, tel l’architecte suédois Carl Fredrik Svenstedt avec Stone Clouds : European Data Centers, enrobent le problème en enjolivant l’enveloppe de ces structures. D’autres, comme le collectif sud-coréen IVAAIU City avec Lunar Ark, proposent de les implanter sur la Lune...

Repenser les matériaux

Tout au long du parcours de cette édition, les vocables employés donnent le ton : résilience, conception ou technologie à faible impact, circulaire, collectif... De fait, Carlo Ratti pose d’emblée une question essentielle : « Serons-nous jamais capables de concevoir un bâtiment aussi intelligent qu’un arbre ? »

Qui dit architecture, dit matériaux. Au rayon des matériaux naturels, la terre a le vent en poupe. Ainsi, le Sud-Africain Peter Rich a conçu avec des « tuiles » pressées les majestueuses « coques » du Mapungubwe Interpretation Centre, dans le parc national de Mapungubwe, à la frontière du Zimbabwe et du Botswana. De même, le studio chinois Zhu-Pei a érigé avec un stock de briques déclassées le Jingdezhen Imperial Kiln Museum, dans la province de Jiangxi, lui donnant la silhouette des anciens fours à briques.

Des matériaux étonnants font d’ailleurs leur apparition, telle la fibre de banane, qui serait ultra-résistante – 1 tonne de bananes générant 2 tonnes de déchets et la récolte annuelle du fruit dépassant les 150 millions de tonnes, la filière est juteuse. Plus original encore, la bouse d’éléphant, dont use le Thaïlandais Boonserm Premthada, sert à confectionner des briques compactées. Son installation poétique, Elephant Chapel, a obtenu une mention spéciale du jury, tandis que son complexe Elephant World, composé d’une tour d’observation, d’un espace culturel et d’un musée construits dans la province de Surin (Thaïlande), et qui place au premier plan la cohabitation hommes et animaux, est visible dans le Pavillon français.

Et si tout n’était finalement qu’une question de bon sens ? Il n’est alors pas étonnant que nombre de principes vernaculaires refassent surface. Pour le Pavillon espagnol, dans une scénographie élégante, l’agence Munarq présente la maison Ca na Pau, bâtie sur l’île de Majorque grâce à une technique de construction développée dans les années 1950 : le ballast, un mix de sol riche en argile, de graviers et de pierres, qui ne nécessite pas d’être damé pour devenir rigide. Chargé de la rénovation du pavillon du Danemark, l’architecte Søren Pihlmann a fait ce constat : « Le monde est saturé de matériaux. La restauration n’est pas simplement la préservation, c’est aussi un acte de création ; on peut façonner les matériaux en des formes nouvelles. » Avec Build of Site, il a mis la théorie en pratique en transformant les matériaux que lui offrait le lieu sous d’autres formes et usages. La démonstration est remarquable. Au royaume des matériaux en poudre, l’imprimante 3D est reine. L’architecte Hedwig Heinsman, fondatrice d’Aectual, à Amsterdam, projette d’agrémenter de Tiny Penthouses les toits-terrasses de la ville. Pour l’heure, l’esthétique de cette production 3D fait ressembler ces constructions à des châteaux de sable mouillés ayant la rugosité d’une termitière.

« En cette période d’adaptation, l’architecture est au centre. Elle a besoin de tirer parti de multiples formes d’intelligences : naturelle, artificielle et collective. »

Vue de l’installation de Boonserm Premthada, Elephant Chapel, Venise, Arsenale, 19e Biennale internationale d’architecture, 2025. Courtesy La Biennale di Venezia. Photo Marco Zorzanello

Créer avec le vivant

Ce n’est peut-être plus un défaut, tant l’idée, aujourd’hui, est de maintenir les surfaces architecturales « dynamiques ». Les notions de « vivant » et d’« intelligence naturelle » ont dès lors les honneurs. Secondé par des algues, des champignons et des bactéries, le collectif Epidermitecture prône une « approche microbienne de l’architecture ». L’agence Design & More International défend quant à elle une architecture « probiotique » et autosuffisante, qui régénère l’air et fournit de l’énergie (Probiotic Tower Cairo). Dans le Pavillon canadien, Andrea Shin Ling cultive des cyanobactéries marines et du picoplancton (Picoplanktonics) dans l’objectif de combiner ces organismes avec l’innovation technologique et de créer une plateforme de biofabrication capable d’imprimer robotiques des structures vivantes à l’échelle architecturale.

De son côté, le département architecture de la Technische Universität, à Munich, s’inspire des ponts en « racines vivantes » des indigènes Meghalaya (Inde) pour développer des structures conçues numériquement dénommées Baubotanikt. Dans le même registre, avec Interwoven, l’artiste Diana Scherer invente un « textile agricole » ou « biotissu » à partir de réels réseaux racinaires. La designeuse et chercheuse Agnes Parker s’inspire, elle, de la pomme de pin pour produire un voile textile qui réagit à l’humidité et à la chaleur, collecte la pluie, refroidit par évaporation et produit passivement de l’ombre (Rain + Shine). L’idée de fabriquer sa propre biosphère fait en effet son chemin. C’est ce que proposent le paysagiste Bas Smets et le neurobiologiste Stefano Mancuso qui ont empli de 200 plantes des régions subtropicales le Pavillon belge. Building Biospheres, leur proposition, explore comment l’intelligence naturelle des plantes peut être utilisée pour produire un « climat intérieur », a contrario de l’habituel « climat artificiel » présent au cœur des bâtiments. À Bruxelles, dans la tour de logements moderniste Panta ou dans l’immeuble de bureaux Glaverbel, des Climate Rooms se proposent de générer un air neuf et frais.

Enfin, le maître mot « résilience » se décline tous azimuts : résilience urbaine face au problème de gestion de l’eau et résilience en zones de conflits. Le premier cas est illustré par Watercities des Mexicains de Taller Capital qui ont métamorphosé en terrasses de pierre volcanique 20 hectares du parc du Bicentenaire, à Ecatepec de Morelos, dans l’État de Mexico, pour « apprivoiser » les eaux de ruissellement. C’est aussi la Thammasat University, près de Bangkok (Thaïlande), qui loge sur son toit la plus grande ferme urbaine au monde (quelque 22 000 m²) permettant de ralentir les eaux de pluie jusqu’à vingt fois plus qu’une toiture traditionnelle. Le second cas est porté par des collectifs œuvrant à faire des ruines des espaces « habitables », tels le groupe Part (Palestine Regeneration Team) pour le Pavillon britannique (le film de Yara Sharif et Nasser Golzari qui y est projeté suit les Gazaouis dans leur activité continuelle de récupération et de recyclage des matériaux pour reconstruire), ou encore, pour le Pavillon ukrainien, le collectif Livyj Bereh, lequel s’attache à réparer les toits – élément essentiel d’un habitat, et pourtant le premier détruit –, dans la région de Kharkiv notamment (DAKH (ДАХ). Vernacular Hardcore). De la régénération comme un acte politique !

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19e Biennale Architettura, « Intelligens. Natural. Artificial. Collective », 10 mai-23 novembre 2025, Giardini, Arsenale et divers lieux, Venise, Italie, labiennale.org

ExpositionsBiennale internationale d’architecture de VeniseArt et écologieCarlo RattiArchitectureVenise
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