À l’aube d’une nouvelle décennie dans l’histoire de la Luxembourg Art Week, l’heure est plus que jamais à la double dialectique du régional et du mondial – même si celui-ci s’avère de proximité. Selon sa directrice, Mélanie de Jamblinne de Meux, il s’agit « de refléter la diversité de la population du pays à travers l’ambition de la Foire : nous souhaitons proposer un panorama représentatif de la création contemporaine en accueillant des galeries internationales. De la même façon, nous attachons une grande importance à la valorisation des enseignes nationales en leur offrant la possibilité de présenter leur programme à un public élargi. » Pour ôter toute ambiguïté, on notera que celui-ci ne se limite pas à la promotion du travail des artistes originaires ou établis au Luxembourg.
La meilleure preuve en est l’expansion des enseignes luxembourgeoises les plus renommées à travers le monde. Ainsi Nosbaum Reding Gallery – dirigée par Alex Reding, le fondateur de la Foire – bénéficie depuis 2021 d’une belle adresse dans le quartier de l’avenue Louise à Bruxelles, tandis que Zidoun Bossuyt est aussi implantée à Dubaï et à Paris (rue de Seine, dans le 6e arrondissement), depuis 2022. Installée au Luxembourg dès 2008, la galerie française Ceysson & Bénétière y dispose de ses espaces d’exposition et de stockage les plus importants. Quant à la Stems Gallery, d’origine luxembourgeoise, elle est présente tant à Paris qu’à Bruxelles, avec un programme d’envergure internationale.
La Luxembourg Art Week
Pour sa 11e édition, la Foire compte 77 exposants, dont 22 primoparticipants, témoignant du profond renouvellement de son offre. L’aire géographique des enseignes reste à peu près similaire à celle des années précédentes. Elle se divise en 5 groupes, avec une large majorité en provenance des contrées voisines : 21 viennent de France, 18 de Belgique, 12 d’Allemagne, 10 du Luxembourg, les 12 autres se répartissant entre 8 pays (dont la Suisse, le Maroc, l’Italie, l’Irlande, le Liban, l’Espagne, etc.).
Parmi les galeries parisiennes présentes dans la Main Section, citons Lelong, Zlotowski, Sobering, Maria Lund, Loo & Lou, Nathan Chiche, auxquelles s’ajoute la strasbourgeoise EAST. Dans le secteur le plus expérimental, Take Off, dédié à la création émergente et aux jeunes marchands se trouvent les Français Modulab (Metz), Au Cube (Mâcon), Pauline Renard (Lille), Robert Dantec (Nantes), Porte B. et The Bridge (Paris), ainsi que les Belges Grège, EDJI et Hangar (Bruxelles), Quai4 (Liège), Lage Egal Curatorial Projects (Bruxelles, Berlin) et le Luxembourgeois Reuter Bausch Art.
Tous les deux ans désormais, une section Focus met en lumière la scène artistique d’une métropole étrangère. Après Bruxelles et Vienne, la ville de Montréal est à l’honneur et représentée par quatre galeries : Art Mûr, Bellemare Lambert, Chiguer art contemporain et Duran Contemporain.
Depuis ses débuts, la Luxembourg Art Week s’est largement professionnalisée et élargie aux institutions locales, tels le Casino Luxembourg (et sa célèbre soirée d’inauguration) et la Konschthal, le centre d’art d’Esch-sur-Alzette, ou voisines comme l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy. Dans un même souci d’ouverture au public, un important programme de tables rondes et de conférences permet d’aborder des questions autour des collections, des placements financiers ou des nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle.
Eleanor Antin au Mudam
Ce déploiement international se retrouve dans la programmation du musée d’Art contemporain du Luxembourg (Mudam), lequel propose la première grande rétrospective européenne consacrée à l’Américaine Eleanor Antin (née en 1935), dont l’œuvre s’étend sur cinq décennies depuis les années 1970. C’est alors l’époque de l’art conceptuel et de l’usage expérimental par les artistes de la photographie, du film Super 8 et de la vidéo pour capter, sous la forme de séquences narratives souvent de petit ou de court format, les parcelles autobiographiques qu’ils et elles expriment à travers la performance.
Si l’exposition consacrée à Eleanor Antin n’est pas chronologique, la salle présentant ses premières œuvres permet de saisir les concepts primordiaux de sa démarche, laquelle s’avérera largement multidisciplinaire et transversale par la suite – au risque de s’y perdre. L’installation des célèbres 100 Boots (1971-1973) dans le grand hall d’entrée du musée peut ainsi être perçue comme la métaphore d’un parcours labyrinthique incluant tant l’écriture, la performance, la sculpture, la peinture que des dispositifs filmiques et scénographiques. Eleanor Antin, qui se rêvait actrice, devient le personnage principal de sa vie. Elle en explore l’identité, artistique et personnelle, qu’elle invente d’abord puis incarne avec de plus en plus de moyens – sa série d’alter ego pouvant aller jusqu’à la mascarade. Le fil rouge – parfois emmêlé – de ses nombreuses transformations suit des identités multiples, croisant les genres, les rôles et s’approchant plus étrangement, à certains moments, de la reconstitution historique.
Par sa démarche, Eleanor Antin démonte les préjugés et hiérarchies sociales, dénonce les humiliations subies par les minorités, quelles qu’elles soient, amplifie le sens du tragique, celui du monde, mais aussi celui de son propre héritage, elle qui est issue d’une famille juive originaire d’Europe de l’Est. En privilégiant cette approche diversifiée, la rétrospective, foisonnante, plonge le visiteur dans les méandres de la pensée et de la pratique de la plasticienne. Elle rend également compte de l’importance de cette dernière dans l’histoire artistique des mouvements féministes.
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Luxembourg Art Week, du 21 au 23 novembre 2025, champ du Glacis, 1628 Luxembourg, luxembourgartweek.lu
« Eleanor Antin. A Retrospective », du 26 septembre 2025 au 8 février 2026, musée d’Art moderne Grand-Duc Jean – Mudam, 3, Park Dräi Eechelen, 1499 Luxembourg- Kirchberg, mudam.com
