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Wes Anderson va recréer l’atelier new-yorkais de Joseph Cornell à Paris

La galerie Gagosian présentera une douzaine d’œuvres emblématiques de l’artiste américain dans son espace de la rue de Castiglione.

Anny Shaw
6 novembre 2025
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Wes Anderson (à gauche) va recréer l’atelier de Joseph Cornell (à droite) à la galerie Gagosian, rue de Castiglione, à Paris. Photo DR

Wes Anderson (à gauche) va recréer l’atelier de Joseph Cornell (à droite) à la galerie Gagosian, rue de Castiglione, à Paris. Photo DR

Wes Anderson

Les films de Wes Anderson ont souvent été rapprochés de l’univers de Joseph Cornell : la même minutie quasi maniaque, le goût pour les compositions miniatures et la profusion de références à l’histoire de l’art. Pourtant, jusqu’à présent, le cinéaste n’avait jamais reconnu publiquement l’influence de Cornell sur son travail – du moins, pas avant aujourd’hui.

Le mois prochain, à l’occasion de Noël et de l’anniversaire de l’artiste, né un 24 décembre, Wes Anderson recréera l’atelier new-yorkais de Joseph Cornell dans la vitrine de la galerie Gagosian, rue de Castiglione à Paris. L’installation réunira une douzaine de ses œuvres les plus connues – les célèbres shadow boxes, ces boîtes vitrines construites à la main, mêlant bois, verre et objets trouvés – accompagnées de centaines, voire de milliers d’artefacts et de curiosités. Les visiteurs pourront observer l’ensemble depuis la rue, sans pénétrer dans l’espace.

« C’est avant tout une installation de vitrine », précise le commissaire Jasper Sharp, collaborateur de longue date de Wes Anderson, qui a récemment travaillé avec lui pour sélectionner les œuvres originales présentes dans son dernier film, The Phoenician Scheme. « Et nous l’organisons à Noël, la période que Cornell affectionnait tout particulièrement. Il est né la veille de Noël. Leo Castelli, Peggy Guggenheim et ses autres galeristes lui offraient souvent des expositions à cette époque de l’année, convaincus que ses boîtes constituaient de parfaits cadeaux de Noël, à la fois poétiques et accessibles », précise-t-il.

Parmi les ensembles majeurs présentés figureront Pharmacy (1943), autrefois la propriété de Teeny et Marcel Duchamp, inspiré d’une ancienne armoire d’apothicaire. D’autres pièces emblématiques incluent Untitled (Pinturicchio Boy) (vers 1950), issue de la célèbre série des Medici de Cornell, et A Dressing Room for Gille (1939), un hommage à Gilles (1721) de Jean-Antoine Watteau, conservé au musée du Louvre, situé à quelques pas de la galerie. Blériot II (vers 1956), pour sa part, célèbre Louis Blériot, l’inventeur français qui fut le premier à traverser la Manche en avion motorisé.

Joseph Cornell, Pharmacy, 1943. © 2025 The Joseph and Robert Cornell Memorial Foundation/Licensed by VAGA at Artists Rights Society (ARS), New York. Photo Dominique Uldry. Courtesy of Gagosian

« Pour le reste, confie Jasper Sharp, nous procédons un peu comme des archéologues à rebours. » Avec Wes Anderson, il a passé plusieurs semaines à étudier les descriptions des visiteurs de l’atelier de Cornell, ainsi qu’à scruter de nombreuses photographies d’époque. « En réalité, nous faisons ce que Cornell faisait lui-même : écumer les marchés aux puces et acheter les mêmes types d’objets, raconte Sharp. Il avait, par exemple, un merveilleux mur de boîtes à chaussures blanchies à la chaux, où il rangeait ses coquillages, ses morceaux de bois flotté et d’autres trésors. Nous recréons aujourd’hui ces boîtes à la main. »

Les peintres d’enseignes qui collaborent aux films d’Anderson ont étudié l’écriture manuscrite de Joseph Cornell et reproduiront son graphisme sur les étiquettes des boîtes. Un autre artisan du cinéma participe au vieillissement des matériaux. « Il ne s’agit pas d’une fouille archéologique ni d’une reconstitution à l’identique de l’atelier, précise Jasper Sharp, mais plutôt de recréer son esprit et son atmosphère. Et Wes ne voulait surtout pas que cela ressemble d’une "exposition Wes Anderson". Il n’a pas créé sa version de l’atelier de Cornell. »

L’exposition coïncidera avec une autre présentation, consacrée aux archives de Wes Anderson, qui ouvrira le 20 novembre 2025 au Design Museum de Londres.

Sans formation artistique académique et après avoir exercé divers métiers manuels pour subvenir aux besoins de sa famille après la mort prématurée de son père, Joseph Cornell décida, à l’âge de 37 ans, de se consacrer entièrement à l’art. Il installa alors son atelier dans le sous-sol de la maison qu’il partageait avec sa mère et son frère, dans le quartier de Flushing, à Queens, y aménageant un établi, plusieurs tables, des armoires et des étagères pour ses collections d’objets. Il travaillait aussi ailleurs dans la maison – dans le garage ou sur la table de la cuisine. « Il faisait parfois cuire certains matériaux au four pour les vieillir et leur donner une craquelure, raconte Sharp. Mais très peu de personnes étaient autorisées à descendre dans son atelier. »

Les rares personnes admises dans l’atelier de Cornell appartenaient toutes à une certaine élite artistique : Max Ernst et Dorothea Tanning, Yayoi Kusama – que l’artiste a considéré un temps comme sa compagne, selon Jasper Sharp –, mais aussi Andy Warhol, qui acheta une de ses œuvres, et Robert Rauschenberg, alors jeune manutentionnaire, venu chercher des pièces pour une exposition. Parmi les autres visiteurs, ont figuré Susan Sontag, John Lennon, Yoko Ono, Billy Wilder et Tony Curtis.

Atelier de Joseph Cornell au sous-sol de la maison familiale, dans le quartier du Queens à New York, 1971. © Harry Roseman, Wes Anderson

C’est précisément parce que l’atelier de Joseph Cornell demeurait invisible au reste du monde – connu seulement à travers quelques photographies en noir et blanc – que Jasper Sharp et Wes Anderson ont voulu « le ramener à la vie, dans cette ville [Paris] dont Cornell rêvait depuis toujours, mais qu’il n’a jamais pu visiter ».

Artiste solitaire, Joseph Cornell était également scientiste chrétien, cinéaste expérimental et magicien autoproclamé. Il ne s’aventurait guère au-delà d’un trajet de métro jusqu’à Manhattan. « Il était, je crois, profondément timide, observe Sharp. L’une des dernières choses qu’il a dites avant de mourir fut : "J’aurais aimé ne pas avoir été aussi réservé". »

Et pourtant, sans jamais y avoir mis les pieds, Cornell connaissait Paris comme s’il l’avait parcourue. Grand lecteur de guides touristiques et collectionneur de cartes postales, il nourrissait une fascination pour la capitale française. Jasper Sharp évoque une anecdote rapportée par Marcel Duchamp, son ami de longue date : « Lors de leur première conversation, ils ont "flâné" ensemble dans Paris pendant une demi-heure — en imagination. À la fin, Cornell lui a dit : "J’aimerais tant visiter Paris un jour". Duchamp en resta stupéfait : cet homme avait une mémoire photographique d’une ville qu’il n’avait jamais vue. »

C’est cette précision quasi maniaque, alliée à un sens poétique du détail, qui a séduit Wes Anderson. Jasper Sharp souligne que la même exigence l’a guidé sur le tournage de The Phoenician Scheme, pour lequel il a obtenu le prêt d’un Renoir de la famille de collectionneurs Nahmad, ainsi que de plusieurs chefs-d’œuvre issus de la Hamburger Kunsthalle.

« Rien n’était gratuit dans ces emprunts, explique-t-il. Tout relevait de la méthode de Wes : pousser le réalisme jusqu’à l’extrême, afin d’extraire de chaque décor la charge émotionnelle la plus juste. »

Il cite une scène du film où Mia Threapleton, dans le rôle de Liesl, est réveillée par Benicio del Toro, lampe torche à la main. Del Toro incarne Zsa-Zsa Korda, un marchand d’armes et collectionneur d’art. « Mia porte une chemise de nuit ancienne, elle dort sur un matelas rembourré de crin de cheval, et derrière elle se trouve un véritable tableau de Renoir. Tout est construit avec une précision obsessionnelle – matériaux, textures, objets authentiques – pour susciter une émotion différente de celle qu’aurait produite un décor artificiel en bois de balsa », raconte Jasper Sharp.

Pour préparer l’exposition à la galerie Gagosian, Jasper Sharp et Wes Anderson effectuent actuellement un montage test de l’atelier de Cornell dans un entrepôt de la banlieue parisienne. Malgré des mois de préparation minutieuse, ils laissent tout de même une part d’improvisation au projet. « Beaucoup de choses resteront en mouvement jusqu’à une heure avant l’ouverture, conclut Jasper Sharp. C’est la nature même de ce genre d’aventure. »

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« THE HOUSE ON UTOPIA PARKWAY. Joseph Cornell’s Studio Reimagined by Wes Anderson », du 16 décembre 2025 au 14 mars 2026, Galerie Gagosian, 9 rue de Castiglione, 75001 Paris

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