Quelques semaines après le spectaculaire vol des bijoux survenu le 19 octobre 2025 dans la galerie d’Apollon, la gestion du Louvre fait l’objet de virulentes critiques dans un rapport de la Cour des comptes publié ce jeudi 6 novembre. Ce rapport, réalisé avant le cambriolage, semble témoigner des carences qui ont conduit à cet événement.
Lors d’une présentation à la presse aujourd’hui, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a pointé le « rythme très insuffisant » de la rénovation des équipements de sécurité du plus grand musée du monde, ainsi que le manque d’investissements en matière de sécurité.
La politique menée de 2018 à 2024 (sous les mandats de Jean-Luc Martinez, puis de l’actuelle présidente, Laurence des Cars) n’aurait pas suffisamment pris en compte les questions de sécurité. « Tout au long de la période sous revue, le musée a privilégié les opérations visibles et attractives (en particulier d’acquisition d’œuvres et de réaménagements muséographiques) au détriment de l’entretien et de la rénovation des bâtiments et des installations techniques, notamment de sûreté et de sécurité, pourtant indispensables pour assurer un fonctionnement pérenne de l’institution et garantir des conditions satisfaisantes d’accueil des visiteurs, de travail pour les agents et de protection des œuvres », souligne la Cour des comptes.
Alors que le Louvre s’est engagé dans « Nouvelle Renaissance », un énorme chantier pluriannuel évalué à plus de 1 milliard d’euros sur quelque dix ans, le musée devra réorganiser ses priorités et mieux flécher ses dépenses. « Malgré d’abondantes ressources, le musée, par défaut de hiérarchisation de ses nombreux projets, est confronté à un mur d’investissements qu’il n’est pas en mesure de financer », pointe le rapport.
Ce dernier préconise de rediriger une partie des revenus du Louvre vers des domaines qu’il juge plus importants. Ainsi, le musée « a poursuivi une politique ambitieuse d’enrichissement de ses collections, avec l’acquisition de 2 754 œuvres en huit ans, dont cependant moins d’une sur quatre est exposée. Il y a investi des moyens financiers considérables : 145 millions d’euros cumulés entre 2018 et 2024, dont 105 millions sur ses ressources propres », constate le rapport. Et de suggérer un changement notable : « La Cour recommande de supprimer la règle, inscrite dans les statuts de l’établissement, qui prévoit d’affecter 20 % des recettes de billetterie aux acquisitions d’œuvres, afin de réorienter les ressources propres du musée vers des dépenses prioritaires comme la rénovation et la sécurisation du musée ». Les dépenses de rénovation des aménagements muséographiques ont, eux, eux, coûté 63,5 millions d’euros. Par contraste, seuls 26,7 millions d’euros sont allés aux travaux d’entretien et 59,5 millions pour les restaurations au titre des monuments historiques.
La Cour des comptes estime par ailleurs « que le musée du Louvre n’a pas besoin de financements supplémentaires de l’État pour mettre en œuvre son schéma directeur de rénovation intitulé Louvre Demain » (visant à remettre à niveau ses installations techniques, restaurer le palais en tant que monument historique et adapter le musée aux défis du changement climatique). En effet, « le musée dispose de ressources financières importantes et d’un taux élevé de ressources propres, de 60 % en moyenne, notamment la billetterie (près de 125 millions d’euros en 2024). Il doit également s’appuyer davantage sur son fonds de dotation, qui a vocation à redevenir l’instrument de financement des investissements de long terme du musée. C’est pourquoi la Cour recommande que les produits de la licence de marque Louvre Abou Dhabi, encaissés et à venir, soient intégralement reversés au fonds de dotation de façon à assurer le financement des travaux de rénovation et de modernisation sur la durée ». Et notamment engager des travaux liés à la sécurité, volet fondamental pour un musée qui abrite des trésors inestimables… et impossibles à remplacer.
