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Opinion

Une leçon béninoise

Faisant dialoguer images d’époque, objets patrimoniaux et œuvres d’artistes africains contemporains, l’exposition « Bénin aller-retour. Regards sur le Dahomey de 1930 » entame une réflexion sur notre rapport à l’histoire coloniale.

Emmanuel Tibloux
17 décembre 2025
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Ishola Akpo, Trace d’une reine I, 2020, collage, couture sur papier et fil de coton, collection Marie-Cécile Zinsou, Ouidah, Bénin. © Ishola Akpo. Courtesy de Marie-Cécile Zinsou

Ishola Akpo, Trace d’une reine I, 2020, collage, couture sur papier et fil de coton, collection Marie-Cécile Zinsou, Ouidah, Bénin. © Ishola Akpo. Courtesy de Marie-Cécile Zinsou

Le Bénin occupe une place à part sur la scène artistique mondiale. Aux avant-postes de la question de la restitution des biens culturels par la France, dont il constitue à ce jour le seul exemple d’envergure, l’ancien Dahomey incarne la conscience critique et la politique réparatrice du pays des droits de l’homme à l’égard de son passé colonial*1. Berceau du vaudou et riche de la longue histoire de ses royaumes, le Bénin peut en outre compter sur une scène artistique en plein essor, que l’on a pu découvrir en2024 à la Biennale de Venise, dans son premier pavillon national, et à la Conciergerie, à Paris, à travers l’exposition « Révélation ! Art contemporain du Bénin*2 ».

À la fois complexe et passionnant, ce composé singulier de création artistique et d’histoire politique et culturelle se déploie à présent au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Menée par le missionnaire catholique Francis Aupiais et le photographe et opérateur Frédéric Gadmer, l’expédition sur laquelle repose l’exposition « Bénin aller-retour. Regards sur le Dahomey de 1930 » s’inscrit dans les gigantesques Archives de la Planète financées par le banquier philanthrope Albert Kahn. Participant de la folle ambition de documenter toutes les pratiques et cultures de son temps, elle se focalise principalement sur ce que Francis Aupiais appelle le « cérémonialisme », aussi bien celui du pouvoir royal dahoméen que celui, religieux, du vodún, qu’il considère comme un « terreau fertile » sur lequel la religion catholique pourra « germer*3 ».

FAIRE DROIT À L’AUTRE

Plus que jamais, nous sommes ici, selon les mots de Walter Benjamin repris par Georges Didi-Huberman, devant l’image comme devant du temps. Le temps qui nous regarde, à travers les films et les photographies, est un temps enchevêtré où se mêlent évangélisation, colonialisme et naissances conjointes de l’ethnographie, du cinéma et de la photographie. La dramaturgie symbolique du noir et du blanc, l’irréalité de la couleur des autochromes, et le mélange d’artifice et de naturalisme de scènes à la fois captées et jouées avivent aussi bien le regard que la pensée. De même en va-t-il des œuvres d’artistes contemporains qui revisitent, corrigent ou déconstruisent la représentation occidentale des corps noirs dans la fresque du colonialisme et de l’évangélisation.

Plus que des images, ce sont finalement des gestes que rassemble l’exposition. Ici, des prises de vue, des danses, des sacrements, des divinations, des prières, des parades ; là, des œuvres en forme de contre-effectuation, chorégraphiant la pose d’un chef de canton face à l’objectif (Thulani Chauke) ou combinant photographie contemporaine, iconographie historique et broderie pour faire sortir de l’oubli une ancienne reine effacée des généalogies royales (Ishola Akpo). Tel est l’un des grands enseignements de cette exposition : en régime colonial comme en contexte décolonial, les images sont des gestes performatifs. C’est là une leçon qui gagne à être méditée au regard de ce que l’on peut attendre aujourd’hui de l’art et de la culture : faire droit à l’autre dans son irréductible souveraineté – esquisser en somme un évangile de l’amour du lointain*4.

*1 Le 24décembre 2020 a été promulguée la loi relative à la restitution de vingt-six biens culturels au Bénin, par dérogation au principe d’aliénabilité des collections publiques françaises. L’acte de transfert physique de propriété a été signé le 9 novembre 2021. Le lendemain, les vingt-six œuvres des trésors royaux du Dahomey arrivaient à Cotonou, capitale du Bénin. Voir à ce sujet le très beau documentaire de Mati Diop, Dahomey (2024).

*2 Du 4 octobre 2024 au 5 janvier 2025.

*3 Sur cette mission, antérieure d’une année à la célèbre expédition Dakar-Djibouti, il faut lire, en plus du très riche catalogue de l’exposition, l’ouvrage passionnant de Valérie Perlès, laquelle a dirigé le musée départemental Albert-Kahn de 2011 à 2019, Un roman dahoméen. Francis Aupiais et Bernard Maupoil, deux ethnologues en terrain colonial (B42, 2023).

*4 C’est aussi l’objet même de l’ethnographie, comme le montre une exposition plus modeste au Collège de France, réunissant notamment des carnets de terrain de Lucien Sebag, Claude Lévi-Strauss et Philippe Descola, et prolongeant de façon instructive le propos de celle du musée départemental Albert-Kahn: « Du terrain au texte. Publier l’ethnologie et ses images », 14 novembre 2025 - 6 février 2026, Institut des civilisations, Collège de France, 1, place Marcelin-Berthelot, 75005 Paris.

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« Bénin aller-retour. Regards sur le Dahomey de 1930 », 14 octobre 2025 - 14 juin 2026, musée départemental Albert-Kahn, 2, rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt.

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