Erika Verzutti a découvert l’espace de son exposition intime à l’Hôtel Balzac avant même de songer à y intégrer la figure de l’écrivain dans la trame de son projet. Elle recherchait un lieu baigné de lumière, offrant des volumes capables de bousculer la manière dont ses œuvres sont habituellement montrées. En collaboration avec Julie Boukobza, commissaire du programme « Pourquoi Paris ? », l’artiste a passé une année à concevoir une installation in situ mêlant œuvres nouvelles et pièces antérieures, où se déploient des thèmes chers à Erika Verzutti : le désir, le voyeurisme et l’intimité.
Le programme Pourquoi Paris ? investit chaque année des lieux inattendus de la capitale pendant Art Basel Paris. Julie Boukobza, également responsable du programme de résidences de LUMA Arles, invite les artistes à confronter leur pratique à des sites singuliers, afin de créer des dialogues inédits entre les œuvres et l’espace.
L’artiste et la commissaire souhaitaient un lieu lumineux, doté d’une salle de bains spectaculaire pouvant accueillir les sculptures. En découvrant l’Hôtel Balzac, rue Balzac, dans le 8e arrondissement de Paris, leur vision a pris corps. « Sculptures Last Night » s’y déploie comme une installation mêlant sculptures et vidéos, inspirée des derniers mois de vie d’Honoré de Balzac, qu’il passa dans cette demeure auprès de la femme de sa vie, Éveline Hańska.
« Aucune décoration n’a été ajoutée à la chambre, rien n’a été modifié ni remplacé. La pièce est restée telle quelle, et les sculptures s’y sont installées. L’enjeu, c’est de disposer les œuvres sur différents supports : c’est ce qui rend l’hôtel si fascinant », explique Erika Verzutti.
En arrivant devant la chambre 103, on découvre Breakfast (2025), posé à la porte comme un plateau-repas abandonné, repoussé à l’extérieur pour préserver l’intimité de la pièce. Plus loin, des oranges – A Dozen Oranges (2025) – sont éparpillées dans la chambre : le visiteur se trouve face à une scène privée figée, que l’artiste et la commissaire recommandent d’explorer seul, comme s’il surprenait un couple. Ces œuvres guident le regard à travers ce qui semble être une succession d’épisodes : Dog (2025), un chien docile attendant près de la porte, ou encore Romana in the Shower(2025).
En exploitant pleinement la singularité du lieu, Erika Verzutti instaure de nouvelles tensions entre ses sculptures, tandis que son film The Life of Sculptures montre ses œuvres en extérieur alors que la lumière du jour se transforme au fil des heures.
« Ces œuvres sont entièrement nouvelles, même si certaines reprennent des compositions que j’ai déconstruites, comme si tout repartait de zéro. J’appelle cette pièce Dog, une sculpture soumise attendant près de la porte… Ce sont avant tout des prétextes pour explorer d’autres formes de perception. J’ai longuement mûri ces réflexions liées à la chambre, et je suis reconnaissante au projet de m’avoir offert cet espace de recherche », confie l’artiste.
L’installation interroge la forme et la texture dans un espace qui devient un véritable terrain narratif. La chambre, avec ses supports divers, propose autant de cadres d’expérimentation : sur le lit, la sculpture préexistante Tower of Eggs with News(2024) dialogue avec la nouvelle pièce Relaxed Painted Lady (2025), conçue pour venir s’unir délicatement à la première dans un geste de tendresse et d’unité.
Chaque œuvre – qu’elle soit tapie dans un recoin, accrochée au mur ou placée dans la douche – devient le fragment d’un récit que le visiteur semble interrompre ou surprendre en entrant dans la chambre.
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« Sculptures Last Night par Erika Verzutti », jusqu’au 26 octobre 2025, Hôtel Balzac, 6 rue Balzac, 75008 Paris
