À une époque particulièrement difficile économiquement, les musées en régions doivent souvent composer avec des budgets d’acquisition contraints. Ainsi, selon le dernier bilan du Service des musées de France publié fin juillet, sur l’ensemble des 1 161 établissements labellisés Musées de France – comprenant donc aussi les grandes institutions –, seuls 396 ont procédé à des acquisitions en 2024, soit environ 34 % d’entre eux. Faute de pouvoir enrichir leurs collections, ces établissements se tournent vers des dépôts pour compléter leurs présentations permanentes.
Le musée du Louvre a depuis sa création pour mission de pourvoir en œuvres les musées un peu partout sur le territoire national, grâce à des dépôts accordés pour une période de cinq ans renouvelables. Le plus grand musée du monde déclare ainsi déposer plus de 27 000 œuvres dans 600 lieux, en comptant aussi les pièces prêtées à l’étranger. Le Centre Pompidou/musée national d’Art moderne, dans son bilan 2023, déclare avoir mis en dépôt 5 325 œuvres dans des établissements en régions. Le Centre national des arts plastiques, tout à la fois épinglé par la Cour des comptes mais pouvant devenir l’outil majeur de la promotion de la scène française selon le rapport de Martin Bethenod, met déjà en dépôt 22 400 œuvres dans des musées et établissements culturels, sur un fonds qui compte plus de 108 000 pièces.
Face à ces grands établissements nationaux, les musées de la métropole Rouen Normandie viennent de prendre une initiative tout à fait innovante. Sous l’impulsion de Robert Blaizeau, directeur de l’entité arrivé à sa tête en 2023, l’établissement va proposer un catalogue d’œuvres disponibles pour des dépôts dans des musées, pas seulement en Normandie, une première au niveau territorial. « Chaque conservateur va sélectionner dix œuvres de qualité qui pourront être mises en dépôt pour une période de dix ans renouvelables, explique le directeur. Ces dépôts ont pour objectif de renforcer les collections permanentes d’autres musées », notamment des petites structures qui ont souvent des difficultés à enrichir leurs parcours. « La répartition des collections dans le pays est l’un des grands sujets actuels », affirme encore Robert Blaizeau. Une initiative qui pourrait en appeler d’autres.

