Le philanthrope, financier et collectionneur milliardaire Thomas S. Kaplan est en pourparlers avancés pour diviser la Leiden Collection, la plus vaste collection privée au monde de peintures de l’âge d’or hollandais, et l’introduire en Bourse (IPO).
« J’examine la possibilité d’introduire l’intégralité de la collection en Bourse, confie-t-il à The Art Newspaper. Je pense que des actifs tels que les chefs-d’œuvre de l’art vont voir leur valeur multipliée, parce qu’ils sont véritablement rares. Et comme il y a énormément d’argent en quête de placement, cela constitue une proposition de valeur exceptionnelle. À mes yeux, la meilleure façon de faire rayonner Rembrandt est d’offrir à des millions, peut-être même à des dizaines de millions de personnes ordinaires la possibilité de posséder un Rembrandt. »
La plateforme, encore en cours d’élaboration, est déjà surnommée Project Minerva, « en hommage à la déesse de la sagesse et de la guerre », précise Thomas S. Kaplan, en référence à Minerva in her Study (Minerve dans son étude) (1635) de Rembrandt, l’un des nombreux chefs-d’œuvre de cet ensemble riche de 220 œuvres, baptisé Leiden Collection en référence à la ville natale de l’artiste.
Constituée au cours des deux dernières décennies avec son épouse Daphne, la collection réunit 17 Rembrandt, mais aussi le tableau considéré comme la dernière œuvre de Vermeer, ainsi que des compositions de Gerrit Dou, Jan Lievens, Jan Steen et Frans van Mieris.
Les Kaplan ont d’abord choisi de prêter leurs œuvres anonymement à des musées, avant d’organiser une tournée mondiale de leurs chefs-d’œuvre : au musée du Louvre à Paris, au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, au Long Museum de Shanghai, au Louvre Abu Dhabi et au H’Art Museum d’Amsterdam cette année même. Prochaine étape : le Norton Museum, à West Palm Beach (Floride), dès le 25 octobre.
L’introduction en Bourse de la collection constitue pour Thomas S. Kaplan une manière de préparer sa succession : « J’ai trois enfants, deux sont encore à l’université, mais aucun ne porte d’intérêt pour les objets matériels. Et même s’ils trouvent incroyable ce que ma femme et moi avons accompli avec cette collection, ils n’ont aucune idée de ce qu’il faudrait en faire. Ils m’ont demandé de trouver une solution pour l’avenir. »
Selon Thomas S. Kaplan, cette idée lui est venue pendant la pandémie, en observant le phénomène des NFT, qui l’a inspiré pour imaginer la division en parts de sa collection. Sa fortune s’est construite grâce à des investissements dans des actifs rares, en particulier l’argent et l’or. Il reste persuadé que la valeur naît avant tout de la rareté. À ses yeux, Rembrandt et Vermeer sont de véritables « marques ».
« Dans toutes les listes des dix plus grands artistes figurent Rembrandt et Vermeer, et je possède ces deux noms ! », souligne-t-il, rappelant qu’il détient 17 des quelque 40 Rembrandt encore conservés dans des collections privées.
Dès 2020, Thomas S. Kaplan avait déposé des demandes d’enregistrements de marques pour plusieurs appellations, dont Rembit et Rembitcoin (Rembrandt bitcoin). Ces noms pourraient devenir ceux des jetons proposés dans le cadre de son projet de division, qu’il espère lancer au premier semestre 2026. Les parts seraient cotées en Bourse, par exemple au New York Stock Exchange, tandis que sa famille conserverait une participation majoritaire afin de garantir la mission fondatrice de la collection : demeurer la seule banque de prêt dédiée aux maîtres anciens, souligne-t-il.
Se définissant comme un « évangéliste » de Rembrandt, Thomas Kaplan voit dans ce projet non seulement une réponse à la question de l’avenir de la collection, mais aussi une manière d’assurer la postérité de l’artiste.
« Ce projet pourrait garantir les quatre prochains siècles de Rembrandt, tout en ouvrant le maître hollandais à un public beaucoup plus large, explique-t-il sans détour. Si nous permettons aux gens d’acquérir une part de propriété de Rembrandt, ils s’y intéresseront nécessairement – et c’est ainsi que je peux m’assurer qu’il reste l’un des artistes les plus importants de tous les temps. Project Minerva devient, je crois, l’expression ultime de ma capacité à rendre ce que j’ai reçu. »
