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Thomas S. Kaplan : « l’école de Rembrandt me passionne depuis toujours »

Le collectionneur présente l’exceptionnel ensemble d’œuvres hollandaises du XVIIe siècle qu’il a réuni dans l’exposition « From Rembrandt to Vermeer, Masterpieces from The Leiden Collection » au H’ART Museum à Amsterdam. Il revient sur la genèse de ces acquisitions démarrées en 2003.

Propos recueillis par Amandine Rabier
16 juillet 2025
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Thomas S. Kaplan. Credit photo Aad Hoogendoorn

Thomas S. Kaplan. Credit photo Aad Hoogendoorn

Comment est née votre passion pour Rembrandt ?

Tout a commencé par une première rencontre, alors que j’avais 6 ans. Un week-end, ma mère m’a emmené au Metropolitan Museum of Art [Met], à New York. Les œuvres de Rembrandt que j’y ai découvertes m’ont immédiatement fasciné. Dès lors, j’ai insisté pour y retourner chaque week-end. Je passais un long moment devant les tableaux de Rembrandt, puis nous allions acheter un hot-dog chez un vendeur ambulant – c’était devenu un rituel entre ma mère et moi.

Puis, ma mère a jugé bon de diversifier mon goût en me montrant d’autres formes d’art. Elle m’a donc emmené au MoMA [Museum of Modern Art]. Arrivé devant une grande toile blanche traversée par un trait rouge, j’ai levé les bras au ciel en réclamant que l’on me ramène au Met !

Je ne me souviens plus précisément du tout premier Rembrandt que j’ai vu. Mais, je me rappelle très bien celui qui m’a marqué lorsque je suis retourné au Met – alors que je souffrais de stress post-traumatique après mon expérience de l’art contemporain… Il s’agissait d’Aristote contemplant le buste d’Homère. Dès que je me suis retrouvé face à cette œuvre, j’ai ressenti un apaisement immédiat.

Des années plus tard, à l’occasion d’un voyage en Europe pour rendre visite à ma sœur à Madrid, j’ai demandé à mes parents que nous allions à Amsterdam : « C’est là qu’a vécu Rembrandt. » La tradition est née ainsi.

Qu’est-ce qui vous a incité à constituer votre collection ?

Cela a commencé au début de ma quarantaine. J’avais été invité en Croatie par la sœur de l’un de mes meilleurs amis, Francesca von Habsburg. Lors d’un dîner, je me suis retrouvé assis à côté d’un personnage particulièrement étonnant : Sir Norman Rosenthal, alors secrétaire des expositions à la Royal Academy of Arts à Londres. Il m’a demandé si je collectionnais. Ma femme [Daphne Recanati Kaplan] collectionnait déjà le design du XXe siècle – Jean Prouvé, Charlotte Perriand, et quelques designers italiens que j’appréciais moi aussi beaucoup… Mais en ce qui me concernait, non. Il m’a alors lancé : « Et si vous collectionniez, ce serait quoi ? ». J’ai évidemment répondu l’école de Rembrandt qui me passionnait depuis toujours – tout en étant persuadé qu’il était impossible d’acquérir de telles œuvres. Norman Rosenthal m’a rapidement convaincu du contraire. Ma première acquisition fut un portrait signé Gerrit Dou. La collection était lancée.

La Collection Leiden a été exposée pour la première fois au musée du Louvre à Paris, en 2017. Depuis, avez-vous fait de nouvelles acquisitions ?

Je dirais qu’une vingtaine de tableaux sont venus enrichir la collection depuis l’exposition au Louvre, dont cinq Rembrandt. Le rythme n’est toutefois plus le même : pendant les cinq premières années, nous achetions presque un tableau par semaine ! À l’époque, lorsque je cherchais un Metsu, un [Gerrit] Dou, ou un Rembrandt d’ailleurs, une œuvre finissait par m’être proposée. Nous sommes arrivés au bon moment : la passion et l’argent nous ont permis d’assouvir notre goût particulier pour la peinture néerlandaise. C’était un moment unique et une telle collection ne pourrait plus être reconstituée aujourd’hui.

Quels ont été les critères pour construire votre collection ? Ces critères ont-ils évolué avec le temps ?

Lorsque l’on observe la collection, on remarque qu’il n’y a ni paysages à proprement parler, ni natures mortes : elle est entièrement consacrée à la figure humaine. Ce n’était pas un choix délibéré au départ, mais cela s’est imposé naturellement. Il peut s’agir de scènes historiques, de scènes de genre ou de portraits, souvent enrichis de magnifiques paysages ou natures mortes en arrière-plan – mais il y a toujours une présence humaine. C’est le premier critère.

Sur le plan esthétique, bien sûr, il est important que ma femme et moi aimions le tableau. Mais, il nous est aussi arrivé d’acquérir des œuvres qui ne m’avaient pas immédiatement séduit sur le plan esthétique. Prenez par exemple La mère de Rembrandt : il m’a fallu du temps pour l’apprécier. Plus je l’ai contemplée, plus j’ai perçu sa modernité. Certaines œuvres sont aussi importantes à acquérir sur le plan scientifique. En revanche, la question décorative n’entre jamais en considération : il ne s’agit jamais de réfléchir si « cela ira bien au-dessus du canapé ». La collection n’est pas non plus encyclopédique. De nombreux artistes de cette époque n’y figurent pas. Parfois, nous n’avons qu’une ou deux œuvres d’un même peintre, mais le plus souvent, nous en possédons dix ou quinze, couvrant l’ensemble de sa carrière, de la jeunesse à la maturité. Je dirais donc que lorsque nous aimons un artiste, nous l’aimons profondément !

Rembrandt van Rijn, Buste d’un vieil homme barbu, 1633, huile sur toile. New York, Leiden Collection.

Avez-vous des obsessions en termes d’acquisition ?

La chose qui s’est approchée le plus d’une obsession, c’est ce Buste du vieil homme barbu de Rembrandt. Sans doute parce que son propriétaire refusait de me le vendre…

C’était devenu une quête… ?

Dans ce cas précis, oui, c’était clairement une quête.

Comme lorsque vous cherchez la panthère des neiges… [Thomas Kaplan a également une passion pour les félins et a créé une ONG – Panthera - pour leur sauvegarde.]

Oui ! Je peux vous montrer quelques vidéos !…

Dans le catalogue de l'exposition au H'ART Museum, vous citez la fameuse phrase que Dostoïevski fait dire au prince Mychkine dans L’Idiot : « la beauté sauvera le monde ». Avez-vous une définition de la beauté ?

Pour moi, la beauté, c’est ce qui touche l’âme. Et ce n’est d’ailleurs pas toujours ce que l’on qualifierait spontanément de « beau ». Vous vous souvenez peut-être de cette célèbre photo de Robert Capa, celle du soldat espagnol, les bras en croix, saisi au moment de sa mort ? C’est religieusement sublime. Ne vous méprenez pas : je n’aime pas que l’on soit choqué. Pour autant, cette photo est d’une beauté incroyable à cause de son impact sur nos cœurs.

Mais, ce n’est pas une définition commune de la beauté. Rembrandt, lui, touche à la beauté universelle. C’est toute la différence. Quand le prix Nobel de littérature russe, Alexandre Soljenitsyne, évoque cette phrase de Dostoïevski dans son discours de Stockholm, c’est d’abord pour en déplorer la vacuité, car la beauté ne sauve rien. Mais ensuite, il en vient à évoquer cette trinité que forment la vérité, la bonté et la beauté. Or, lorsque la vérité et la bonté viennent à disparaître, c’est sur la beauté que repose le poids des deux autres. J’ai alors compris que ce que Dostoïevski disait, ce n’était pas une tirade creuse, mais une noble prophétie. Et le dénominateur commun de ce qui m’émeut profondément dans ma vie, c’est précisément cela : la beauté. Rien d’autre que la beauté.

--

« From Rembrandt to Vermeer, Masterpieces from The Leiden Collection », jusqu’au 24 août 2025, H’ART Museum, Amstel 51, Amsterdam, Pays‑Bas

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