Apparu dans le sillage de L’appartement 22, créé à Rabat par Abdellah Karroum en 2002, et de La Source du Lion de Hassan Darsi, lequel a ouvert en 2008 son atelier de Casablanca, Le Cube – Independent Art Room célèbre son 20e anniversaire. À son actif, 111 expositions ayant accompagné à leurs débuts la fine fleur des artistes contemporains marocains (de Mohamed Arejdal à M’ barek Bouhchichi, en passant par Khadija El Abyad ou Safaa Erruas), mais également 70 résidences proposées à des créateurs aussi bien nationaux qu’étrangers et un réseau de 80 institutions internationales partenaires.
Du centre autrichien d'information...
Conçu par Elisabeth Piskernik, formée en histoire de l’art à l’université de Vienne, Le Cube a pris la place d’un espace destiné à promouvoir la culture autrichienne. « Je me suis installée à Rabat en 2004 et, très rapidement après mon arrivée, j’ai fondé le centre autrichien d’information, en collaboration avec l’ambassade d’Autriche de la ville. C’est après avoir accueilli le photographe Tom Platzer que j’ai rencontré plusieurs artistes marocains, dont Safaa Erruas, Younes Rahmoun et Hassan Echair », précise la directrice du lieu. Une aubaine pour ces derniers qui souffraient à l’époque d’un manque de visibilité : « Ils exprimaient alors un réel besoin de se rassembler autour d’un projet commun et de disposer d’une plateforme pour diffuser leur travail. » De cette rencontre naît le Collectif 212 (indicatif téléphonique international du Maroc) qui regroupe sept artistes parmi lesquels Amina Benbouchta et Myriam Mihindou. Une exposition collective, « L’Inspiration en partage », marque en 2005 les débuts de l’espace d’art. « Les sept premiers mois du Cube ont été entièrement consacrés aux artistes du collectif, se rappelle sa fondatrice. Cela a donné naissance à des œuvres majeures telles que Les Oreillers de Safaa Erruas, installée à l’Institut du monde arabe, à Paris, en 2014, ou Markib de Younes Rahmoun [récemment présentée au Smith College Museum of Art, à Northampton (Massachusetts, États-Unis), dans le cadre de sa monographie “Here, Now”]. »

Younès Rahmoun, Markib (Barque), installation, papiers calque, diodes, câbles et électricité, 2005.
Courtesy de l’artiste et du Smith College Museum of Art, Northampton
Très vite, Le Cube trouve sa place dans un écosystème en plein essor, développant différents programmes de résidences à destination des artistes marocains mais aussi étrangers. En 2007 est conçu New Generation, mettant à l’honneur des artistes émergents, suivi en 2011 par le Summer’s Lab qui s’ouvre à ceux de la diaspora et au-delà. Saïd Afifi, Mustapha Akrim, Amine El Gotaibi, Soukaina Joual, Abdessamad El Montassir ou encore Mouhcine Rahaoui, la plupart des artistes marocains en devenir passent par Le Cube. « J’avais remarqué que de nombreux jeunes créateurs ne disposaient ni d’un atelier ni d’un lieu de travail et de production, explique Elisabeth Piskernik. Ils avaient rarement l’occasion d’explorer de nouveaux médiums ou de mener des recherches sans la pression d’un résultat à exposer ou à vendre.» Collaborant régulièrement avec Le Cube depuis sa sortie des Beaux-Arts de Tétouan en 2013, Hanane El Farissi, établie à Bruxelles depuis une dizaine d’années, vante cet « espace de liberté et de créativité où l’énergie est tellement sacrée, douce ». Pour le photographe Ziad Naitaddi, lequel y prépare pour le mois de novembre 2025 une proposition en collaboration avec l’Autrichienne Anja Manfredi, Le Cube pallie le manque de structuration de la scène marocaine : « Ce lieu répond selon moi au sentiment d’absence de direction artistique dans la carrière d’un artiste. »
... Au Cube expanded
Plus discret, mais non moins emblématique, le programme Curator’s zone, instauré en 2013, invite des commissaires de tous horizons à poser un regard sur la scène locale, à travers des expositions ayant fait date. En 2018, Le Cube accueillait ainsi le concept « Bauhaus Imaginista » coorganisé par Marion von Osten et Maud Houssais, en compagnie de Kader Attia, qui interrogeait les liens entre le Bauhaus et l’art moderne au Maroc. En 2022, l’exposition « Les Palmiers fatigués », sous la houlette de l’Autrichien Markus Waitschacher, regroupait des artistes de divers pays, parmi lesquels Seif Kousmate et Ghita Skali, autour d’une plante en voie d’extinction. Reprise en 2024 à l’Art Sonje Center, à Séoul, l’exposition témoigne de ce désir du Cube de s’ouvrir à l’international à travers le programme Le Cube Expanded. Des collaborations ont ainsi eu lieu avec le centre d’art contemporain La Villa du Parc, à Annemasse, le MAXXI – Museo nazionale delle arti del XXI secolo (musée national des Arts du XXIe siècle), à Rome (Italie), ou la galerie DÍNAMO, à Porto (Portugal). « C’est une manière de renouveler le dialogue artistique, de nourrir les pratiques locales avec des perspectives globales et d’inscrire les artistes marocains dans des réseaux transversaux », conclut Elisabeth Piskernik, consciente du chemin parcouru.
