Roger Pailhas, collectionneur averti et entrepreneur dynamique, né à Marseille en 1945, n’a eu de cesse de promouvoir l’art d’aujourd’hui dans sa ville. Cet esthète, dont la collection d’art contemporain voisine avec une bibliothèque de Charlotte Perriand et une salle à manger de Jean Prouvé, fonde dès 1982 l’association ARCA (Action régionale pour la création artistique) pour soutenir les jeunes artistes marseillais (Richard Baquié, Gérard Traquandi). En 1986, il ouvre sa première galerie sur le Cours Julien, avec une exposition inaugurale rassemblant entre autres des œuvres de Daniel Buren, Toni Grand, Jannis Kounellis, Sol LeWitt, Mario Merz et Bruce Nauman. Il montrera aussi Dan Graham, Jeff Wall, Joep van Lieshout, Pierre Huyghe, Jim-mie Durham, Marie Bovo, parmi bien d’autres.
Participant à de nombreuses foires internationales (FIAC à Paris, Art Basel, Arco à Madrid, l’Armory Show à New York), il inscrit de facto Marseille sur la carte de l’art contemporain en Europe. Il réalise en fait dans le secteur privé ce qu’au niveau institutionnel avaient réussi à faire Jean-Louis Froment avec le CAPC à Bordeaux (1973), Jean-Louis Maubant avec le Nouveau Musée / IAC à Villeurbanne (1978), Xavier Douroux et Franck Gautherot avec Le Coin du Miroir, l’ancêtre du Consortium, en 1977 à Dijon : faire de ces villes des étapes incontournables pour un réseau d’artistes, de collectionneurs, de professionnels et d’amateurs français comme étrangers.
Comme quelques autres galeristes établies en région, il ouvre un lieu à Paris en 1990 (rue Quincampoix, près du Centre Pompidou) inauguré avec John Knight, tout en prenant soin de garder son espace marseillais. Il déménage ce dernier en 1996 sur le Vieux-Port et passe à une dimension supérieure avec une superficie de 1 000 m2. Il ferme en 1998 son enseigne parisienne qui avait entre-temps déménagé en étage rue Saint-Martin pour se concentrer sur Marseille. Habitué à fréquenter les foires – où il proposait des stands « curatés » – et à leur brassage des publics, il avait créé deux ans plus tôt, toujours à Marseille, un Salon atypique, « Art Dealers », conscient de l’importance de la présence des galeries et de l’attractivité d’une foire d’art pour une métropole. Il invite alors huit de ses confrères parisiens et internationaux dans son espace, la sélection étant renouvelée chaque année. L’événement a lieu au mois de mai, chaque galerie disposant d’un stand identique.

Art Dealers 2004, stand de la galerie Catherine Bastide, Bruxelles. Photo D.R.
À la disparition de Roger Pailhas en 2005, Jérôme Pantalacci et Gaïd Beaulieu, qui travaillaient à ses côtés, décident de poursuivre l’aventure de ce salon hors normes. Deux ans plus tard, ils lancent Art-o-rama, son héritière directe, mais amplifiée, qui occupe depuis une place incontournable et singulière dans le paysage français. Pour l’hommage rendu cette année à Roger Pailhas – « une personne avant tout curieuse, exigeante, mais aussi très drôle, espiègle et surtout très généreuse et empathique », nous précise Jérôme Pantalacci –, il a été fait appel à Gabrielle Bryers, galeriste new-yorkaise complice de longue date. Celle-ci a réuni, dans le même esprit collaboratif, huit galeries qui ont marqué l’histoire d’« Art Dealers ». Elles partagent un stand commun en exposant chacune une œuvre de leur choix. Il s’agit des Parisiennes Air de Paris, Art : Concept, Les filles du calvaire, Loevenbruck, Mennour, de l’ex-Bruxelloise et désormais Marseillaise Catherine Bastide et des galeries internationales Continua et Esther Schipper.
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Art-o-rama, du 29 au 31 août 2025, Friche La Belle de Mai, 41, rue Jobin, 13003 Marseille.
