Née en 67 avant notre ère à Alexandrie, Cléopâtre, la septième du nom, baigne dès sa jeunesse dans un univers cultivé, à l’ombre de la bibliothèque et du musée, « sorte de CNRS avant l’heure », selon l’expression piquante de l’égyptologue Christiane Ziegler. Elle n’est alors âgée que de 17 ans lorsqu’elle accède au trône d’Égypte et est ainsi officiellement divinisée.
L’on sait en réalité très peu de choses sur l’existence de cette souveraine d’origine macédonienne, que les auteurs romains ont parfois affublée des pires défauts à des fins de propagande. « Parlait-elle sept langues ? S’était-elle vraiment cachée dans un tapis pour rencontrer Jules César ? A-t-elle tenté de séduire Octave après la bataille d’Actium ? Est-on même certain de son suicide ? » s’interroge ainsi Claude Mollard, le commissaire général de l’exposition.
L’IMAGE D’UNE REINE
Confrontant les dernières données de l’archéologie aux nombreux fantasmes qui ont construit la « légende cléopâtrienne », le parcours a des allures de kaléidoscope aux multiples facettes. Vêtue « à l’égyptienne » (comme sur le mur sud du temple dédié à la déesse Hathor à Dendérah) ou « à la grecque » avec une coiffure en « côtes de melon », Cléopâtre cristallise à elle seule la
rencontre entre deux mondes : celui de la dynastie ptolémaïque fondée en 323 avant notre ère, et, en face, celui de Rome et ses appétits grandissants de conquêtes et de pouvoir. Elle est aussi un « mystère », pour reprendre le titre quelque peu racoleur de l’exposition.
Tantôt décrite comme une souveraine dotée de facultés intellectuelles hors norme, tantôt comme une femme fatale s’adonnant aux plaisirs érotiques et à la luxure, la figure de Cléopâtre n’a cessé de nourrir haine et fascination. « Réduire la reine à sa seule condition féminine et attribuer à son apparence physique ses succès auprès des hommes puissants, c’est s’inscrire dans les pas d’Octave et de sa propagande hostile. […] Cléopâtre est la souveraine du plus riche royaume de Méditerranée antique, elle se conduit en chef d’État, et c’est une femme intelligente et cultivée », souligne ainsi Christiane Ziegler dans le catalogue*1.
L’exposition déroule alors ce flot de peintures qui, de la Renaissance au XIXe siècle, contribuent à forger l’image d’une reine aux allures d’Ève pécheresse, et dont le suicide, par une morsure de serpent au sein, hésite entre trépas et orgasme. Le cinéma s’empare à son tour de la plus célèbre des Égyptiennes – incarnée par les actrices Claudette Colbert ou Monica Bellucci, en passant par l’indétrônable Elizabeth Taylor –, avant qu’elle ne devienne au XXIe siècle une icône du féminisme et de la cause noire. Plus prosaïque, le portrait de Cléopâtre s’affiche également aux quatre coins du monde sur des produits de beauté, des paquets de cigarettes et des savons…
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*1 Claude Mollard, Christian-Georges Schwentzel et Christiane Ziegler, Le Mystère Cléopâtre, Paris, Institut du monde arabe et Skira, 2025, 240 pages, 29 euros.
« Le Mystère Cléopâtre », 11 juin 2025-11 janvier 2026, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard / place Mohammed-V, 75005 Paris.
