Depuis 2022, la Villa Médicis à Rome se prête à une métamorphose mesurée, qui conjugue sensibilité contemporaine et respect du passé. Intitulé « Réenchanter la Villa Médicis » et bénéficiant du soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, ce programme fait dialoguer arts décoratifs, architecture et savoir-faire au sein d’un édifice traversé par une épaisseur historique d’exception. Après les salons de réception repensés en 2022 par Kim Jones et Silvia Venturini Fendi, puis les chambres historiques réaménagées en 2023 par India Mahdavi, c’est au tour de l’aile sud d’accueillir aujourd’hui six nouvelles chambres d’hôtes. Ce projet s’inscrit dans la dynamique plus large initiée par Sam Stourdzé, directeur de l’Académie de France à Rome depuis 2020 et renouvelé le 18 juillet jusqu’en 2028. Ce dernier s’est attaché à redéfinir la Villa comme une résidence vivante plutôt qu’un monument figé. « Ce projet est l’une des plus grandes campagnes de réagencement que la Villa n’ait jamais connues. Il ne s’agissait pas de faire table rase du passé, mais d’enrichir ce bâtiment Renaissance par des interventions contemporaines », précise-t-il. Loin de toute muséification, son approche s’inscrit dans la continuité de ses illustres prédécesseurs : de Balthus, dans les années 1960, il retient l’attention portée aux conditions de vie et au temps long de la création ; de Richard Peduzzi, au début des années 2000, l’articulation réfléchie du geste contemporain avec le bâti ancien.
Cette nouvelle étape prolonge l’engagement de l’Académie de France à Rome en faveur de la création, de la recherche et de l’expérimentation dans le champ des arts décoratifs et des savoir-faire d’excellence, tout en réactualisant la relation au lieu et à son histoire.
Dévoilées le 13 juin 2025, les six chambres d’hôtes incarnent ce dialogue feutré entre passé et présent. Ces espaces, utilisés au XVIe siècle comme garde-meuble, furent transformés au début du XIXe siècle en ateliers-logements pour les pensionnaires de l’Académie de France, fonction demeurée inchangée pendant plus de deux siècles. Longtemps réservées aux peintres pour leur double exposition nord-sud offrant une vue spectaculaire sur Rome et la façade intérieure de la Villa, elles accueillent depuis 2009 les visiteurs de passage.
D’une surface de 40 m2 en moyenne, chacune des chambres a été confiée à une équipe composée d’architectes et de designers travaillant en étroite collaboration avec des professionnels des métiers d’arts. Tous ont conféré à ces volumes une tonalité propre dans le respect des éléments structurels d’époque. Il ne s’agissait pas tant de rénover que d’interpréter, et c’est pourquoi les sols en brique posés en chevron, les fenêtres à double battant, les mezzanines et les plafonds à caissons ont été conservés, non comme simples décors, mais comme des points d’appui porteurs de continuité entre l’existant et les interventions actuelles.
Le Studio Sabourin Costes a conçu, avec Isola, une chambre décloisonnée, structurée autour d’une table centrale en bois massif réalisée avec l’atelier Estampille 52. Inspirée des appartements-ateliers, elle devient un espace de vie et de retrait, propice à la conversation comme à l’élaboration silencieuse de la pensée.
Dans un tout autre registre, Camera Fantasia, signée par le duo GGSV, formé par Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, enveloppe le regard dans une cartapesta, pâte à papier des Pouilles travaillée par Matthieu Lemarié, qui recouvre murs et mobilier dans un écho discret aux parements de pierre de la Villa. Radicalement ornementale, cette approche interroge la frontière entre architecture et décor.
La plus petite chambre, confiée à Constance Guisset, adopte les allures d’une cabine de bateau. Baptisée Stratus Surprisus, elle entrelace, comme l’indique son nom, les strates historiques du lieu à une série d’interventions discrètes : modulations de perspective, effets de patine, détails en bronze. Dans cet espace resserré, chaque geste affûte la perception des volumes et compose une spatialité mobile.
À leurs côtés, Zanellato/Bortotto, Rocas avec l’Atelier Misto, et le studio Pool explorent, chacun à leur manière, les ressources du verre, du métal, du bois, de la céramique ou des enduits muraux, affirmant, dans des registres contrastés, la vitalité des savoir-faire d’aujourd’hui.

Le jardin des citronniers réaménagé par Bas Smets, en collaboration avec Pierre-Antoine Gatier. Ligne de mobilier Cosimo de’ Medici créée par Muller Van Severen et éditée par Tectona pour le jardin des citronniers de la Villa Médicis. © Daniele Molajoli
Ce nouvel acte du programme « Réenchanter la Villa Médicis » se déploie également à l’extérieur. Le jardin des citronniers, recomposé par Bas Smets, architecte de paysage, en collaboration avec Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, met en valeur l’ancien jardin secret de Ferdinand de Médicis, avec sa vue panoramique sur Rome et ses agrumes emblématiques. Une pergola de vingt-six mètres accueille des citronniers Lunario, tandis que le mobilier conçu par Muller Van Severen pour Tectona accompagne cette relecture paysagère. Dans le jardin des parterres, vingt pots en terre cuite réalisés par l’artiste céramiste Natsuko Uchino accueillent chacun un citronnier. Leurs socles, gravés d’un mot, forment ensemble un poème de Laura Vazquez, ancienne pensionnaire et prix Goncourt de la poésie 2023, rappelant que la Villa Médicis, ainsi réenchantée, demeure entre nature et culture un lieu où l’accueil se tisse à la mesure du paysage et de la pensée.
--
« Réenchanter la Villa Médicis », dévoilement de 6 chambres d’hôtes et de 2 jardins historiques, Académie de France à Rome – Villa Médicis, Viale della Trinità dei Monti, Rome, Italie.
