Abonnements
Rechercher
ePaper
Newsletter
Profile
Abonnements
ePaper
Newsletter
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
Rechercher
Patrimoine
Actualité

Des mosaïques cachées de Fernand Léger en Belgique

Un trésor artistique méconnu du milieu du XXe siècle du peintre et décorateur français est à redécouvrir dans la crypte du Mardasson, à Bastogne.

Bernard Marcelis
11 juillet 2025
Partagez
Fernand Léger devant une de ses mosaïques conçues pour la crypte du Mémorial de Mardasson, à Bastogne, lors de son inauguration en 1950. Photo D.R.

Fernand Léger devant une de ses mosaïques conçues pour la crypte du Mémorial de Mardasson, à Bastogne, lors de son inauguration en 1950. Photo D.R.

Le 16 juillet 1950 – il y a exactement soixante-quinze ans – étaient inaugurées à Bastogne (province du Luxembourg belge) trois mosaïques de Fernand Léger, lesquelles sont ensuite tombées dans l’oubli pendant plus de soixante ans. Ces œuvres ont été commandées à l’artiste pour rendre hommage aux près de 77 000 officiers et soldats américains tués, blessés ou disparus lors de la dernière offensive allemande sur la Belgique en décembre 1944, connue sous le nom de la « bataille des Ardennes ». Elles sont situées dans une crypte bâtie au pied du monumental Mémorial du Mardasson. Celui-ci a été érigé en remerciement de l’intervention des États-Unis, dont les bataillons sont parvenus à arrêter l’offensive. Un large escalier creusé dans la roche mène à une crypte protégée par une lourde porte grillagée en fer forgé et en bronze et longtemps restée accessible uniquement sur demande, ce qui a certainement préservé cet ensemble artistique de premier plan de tout acte de vandalisme. Ainsi, rien n’a changé depuis l’inauguration des lieux.

Un ensemble exceptionnel

Ce trésor constitue un ensemble exceptionnel – unique en Belgique et rare en Europe – méconnu du public et même des amateurs d’art. L’existence de cette crypte, redécouverte grâce à l’équipe du centre culturel de L’Orangerie de Bastogne en 2014, inscrit la ville sur la carte d’un patrimoine artistique européen moderne restant à partager et à valoriser.

Cette réalisation fait partie des quelques autres intégrations architecturales commandées à Fernand Léger, à l’instar de celle que lui a passée le père Marie-Alain Couturier pour la vaste façade de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce sur le plateau d’Assy (Passy, Haute-Savoie), achevée en 1949. Son architecte, Maurice Novarina, est l’auteur également de l’église du Sacré-Cœur d’Audincourt (Doubs), célèbre pour les dix-sept vitraux de la Passion du Christ conçus par Fernand Léger qu’elle abrite, alors qu’une mosaïque monumentale, exécutée en 1951 par Jean Bazaine, décore sa façade. En 1954, Fernand Léger crée un nouvel ensemble de vitraux pour l’église de Courfaivre, non loin de là, dans le Jura suisse. On lui doit aussi, l’année suivante, une mosaïque d’envergure pour le siège de Gaz de France à Alfortville (Val-de-Marne), une autre œuvre mosaïquée ainsi que des vitraux pour l’université de Caracas (Venezuela), tandis que deux de ses peintures murales ornent depuis 1952 la grande salle de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York.

Artiste engagé et novateur, Fernand Léger a souvent mis son art au service de causes patriotiques et mémorielles, mais encore sociales et culturelles, notamment par ses intégrations conçues en étroite association avec les architectes des bâtiments concernés, en restant toujours attaché aux formes nouvelles.

Fernand Léger, mosaïque du culte juif dans la crypte du Mémorial de Mardasson, à Bastogne. Photo Jean-Pierre Ruelle

La crypte et son décor

La crypte où se trouve le triptyque n’était pas prévue dans le projet initial du Mémorial du Mardasson, tel qu’il fut lancé en 1946 et inauguré officiellement en 1950. Ce n’est qu’en 1949 que des femmes américaines (mères, sœurs ou veuves des soldats américains tués ou blessés) souhaitant disposer d’un lieu de recueillement, et non pas seulement d’un mémorial militaire, en firent la demande auprès de l’ambassade des États-Unis en Belgique.

Une crypte fut alors creusée en face du Mardasson, en contrebas de l’esplanade, selon les plans du même architecte, le Liégeois Georges Dedoyard (1897-1988). Cet espace carré, dont un des côtés fait office d’entrée, se trouve au bas d’un escalier monumental. Sur les trois autres côtés, des arcades délimitent des niches qui accueillent chacune une mosaïque représentant les trois grands cultes pratiqués à l’époque aux États-Unis : le culte juif sur la paroi à gauche de l’entrée, le culte protestant au centre et le culte catholique à droite. Au milieu de chaque niche est installé un sobre autel de marbre à partir duquel s’articulent les compositions mosaïquées. Le plafond de la crypte prend la forme d’une coupole éclairée par une dalle de verre située à son sommet.

Fernand Léger a trouvé, avec la mosaïque et la céramique, des supports lui permettant de réaliser des œuvres de grande envergure.

Ces trois fresques s’inscrivent dans la pratique du peintre à la fin des années 1940. Les grands aplats de couleurs primaires qu’il a apposés structurent la composition en bandes verticales partant de la tablette de l’autel ; elles sont tout à fait désolidarisées des symboles religieux et des portraits de femmes qui complètent l’ensemble. Ces derniers apparaissent dessinés au trait noir et imposent ainsi leur présence par la force elliptique de la ligne. À cet égard, l’exceptionnel traitement de la chevelure et des mains, éléments corporels courants chez l’artiste à cette époque, est remarquable.

En raison des circonstances qui ont présidé à l’édification de cette crypte, les seules figures humaines représentées sur les mosaïques sont féminines. Fernand Léger leur offre un vibrant hommage, tant à leur courage qu’à leur douleur, elles qui sont à l’origine de cette réalisation. L’invitation faite à Fernand Léger d’intervenir dans la crypte est fondée sur deux périodes de sa vie : celle où il fut soldat dans les tranchées en 1914 – ce qui lui valut une réelle et éprouvante expérience physique de la guerre, comme en témoignent ses nombreuses lettres – et celle de l’artiste reconnu qu’il était devenu trente ans plus tard. Fernand Léger était aussi passionné par l’Amérique, où il séjourna plusieurs fois – y exposant et y donnant des conférences –, ce qui lui amènera indirectement cette commande.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste, comme d’autres de sa génération, a trouvé, avec la mosaïque et la céramique, des supports lui permettant d’élaborer des œuvres de grande envergure sous la forme d’intégrations architecturales. Ces techniques lui ont également garanti, pour ces ensembles conçus en extérieur, la stabilité des couleurs, et plus particulièrement des tonalités pures auxquelles il était attaché, lui qui s’est toujours considéré avec ses pratiques artistiques « au service du peuple » ; la dimension œcuménique est manifeste à Bastogne.

-

Crypte du Mardasson, Mémorial du Mardasson, route de Bizory 1, 6600 Bastogne.

PatrimoineCrypte du MardassonFernand LégerMosaïqueCéramiqueBelgiqueBastogne
Partagez
Abonnez-vous à la Newsletter
Informations
À propos du groupe The Art Newspaper
Contacts
Politique de confidentialité
Publications affiliées
Cookies
Publicité
Suivez-nous
Facebook
Instagram
Twitter
LinkedIn
Ce contenu est soumis à droit d'auteurs et copyrights