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Analyse

La Fondation Etrillard récompense les arts numériques

Installée à Genève depuis 2015, cette très discrète fondation active dans le soutien à la création culturelle, surtout dans les champs médiéval et classique, se projette dans l’art du futur.

Emmanuel Grandjean
25 novembre 2025
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Jonas Lund, MVP (Most Valuable Painting), 2022, installation de 512 écrans. © Jonas Lund

Jonas Lund, MVP (Most Valuable Painting), 2022, installation de 512 écrans. © Jonas Lund

Des antiphonaires gothiques aux 512 écrans de l’artiste Jonas Lund, plus qu’un grand écart, c’est « un fossé vertigineux », admet Miguel Pérez de Guzmán, délégué général de la Fondation Etrillard. Celle-ci a décerné, le 22 octobre 2025, son tout premier prix des Arts numériques, en partenariat avec l’Académie des beaux-arts, à Paris.

Créée par Gilles Etrillard à Genève, l’institution privée a fêté discrètement cet été son 10e anniversaire dans l’un de ces hôtels particuliers très chics qui bordent le parc des Bastions. Passionné d’art classique, collectionneur d’objets du XVIIIe siècle et mécène porté sur le patrimoine et la musique, le banquier d’affaires s’aventure depuis quelque temps vers des terres plus contemporaines. « Faire dialoguer le passé et le présent est notre mission, reprend Miguel Pérez de Guzmán. Cela se traduit à travers notre soutien à certains projets, comme la récente restauration des Très Riches Heures du duc de Berry ou l’étude de la musique médiévale en association avec la Fondation Royaumont [pour le progrès des sciences de l’homme, installée dans l’abbaye d’Asnières-sur-Oise], mais aussi le concours Âmes d’Œuvres qui invite des artisans et designers contemporains à revisiter une pièce de nos collections. »

Prendre des risques

En 2025, pour ce concours doté de 40 000 francs suisses (43 170 euros), il s’est agi de repenser une bergère attribuée à Georges Jacob, immense ébéniste du XVIIIe siècle. Sa réinterprétation organique par le menuisier en sièges Louis Monier a séduit le jury. Pour sa seconde édition, c’est un vase italien de 1780 agrémenté de deux lions spectaculaires accrochés à son col de marbre breccia corallina qui servira d’inspiration aux professionnels venus de toute l’Europe. « Nous ne sommes pas des nostalgiques du passé, pas plus que des aventuriers du futur, insiste Miguel Pérez de Guzmán. Dans le cas du prix des Arts numériques, nous nous engageons dans un domaine nouveau pour la Fondation, car nous nous devons de prendre quelques risques. L’audace n’est-elle pas inscrite dans nos valeurs ? »

Voilà en effet un secteur artistique qui pose question, avec du bon grain, mais aussi beaucoup d’ivraie pas toujours aisée à trier. « Ces enjeux sont également ce qui a intéressé l’Académie, une institution certes créée en 1816, mais qui s’est ouverte à l’art contemporain, poursuit le délégué général. Nous avons reçu près de 430 dossiers, dont ceux de pionniers de cet art que l’on croit récent, à tort, puisqu’il remonte aux expérimentations électroniques des années 1960. Nous avons voulu que les critères de sélection soient peu contraignants quant à la forme de l’œuvre, pour laisser une grande liberté aux artistes. »

Trois d’entre eux ont été retenus : la Française Justine Emard, concourant avec Hyperphantasia. Des origines de l’image, une installation récemment exposée au Jeu de Paume (« Le Monde selon l’IA », du 11 avril au 21 septembre 2025), à Paris, et les Suédois Thomas Marcusson, avec A.I. Ball, et Jonas Lund, avec MVP (Most Valuable Painting). C’est ce dernier qui a remporté les 20 000 euros de ce prix annuel et verra sa création prochainement présentée en France et en Suisse. « L’installation consiste en 512 écrans qui réagissent en fonction des images et des œuvres NFT que les gens “likent” et achètent en ligne, explique Miguel Pérez de Guzmán. Cette pièce, de prime abord facile d’accès, invite à une réflexion plus profonde sur la nature même de l’art numérique et les processus qui sous-tendent sa création. Au-delà de l’efficacité formelle de l’œuvre et de son lien avec la peinture abstraite, le jury a été conquis par son intelligence et sa production, laquelle se fait l’écho des goûts du public en temps réel. »

À l'heure de l'IA

Qu’en est-il de l’emploi par les candidats de l’intelligence artificielle (IA) dont on sait la capacité phénoménale qu’elle a de tromper le monde, surtout lorsqu’elle touche aux outils numériques ? « Nous n’avons pas voulu interdire son usage, au contraire, précise Miguel Pérez de Guzmán. Nous avons estimé qu’il revenait au jury de choisir l’œuvre gagnante, en tenant compte de cette possibilité certes, mais en récompensant avant tout une démarche artistique créative pleine de finesse et de véritable intelligence. » Selon lui, « l’IA doit être utilisée en complément d’un projet. Elle devrait également pouvoir se mettre au service de notre capacité à regarder une œuvre et ainsi éveiller notre sens critique sur ce que nous voyons, en nous faisant prendre conscience de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. »

En cela, le statut ambigu de l’art numérique rappelle celui qu’a connu au XIXe siècle la photographie, une technologie tout autant décriée au moment de son avènement, au point d’avoir mis longtemps à trouver sa place dans le champ de l’art. Cet argument résonne particulièrement chez ce spécialiste de l’image fixe, grand admirateur de Luigi Ghirri. « Absolument, renchérit-il. C’est un domaine artistique encore jeune et qui se cherche, avec ses emballements et ses ajustements. Christie’s vient d’ailleurs de fermer son département d’art numérique. Peut-être ce prix apportera-t-il de la crédibilité et de la clarté à cette discipline. Espérons-le ! »

Fondation Etrillard, 8 rue Saint-Léger, 1205 Genève, Suisse, fondationetrillard.ch

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