Le monde de l’urbanisme a perdu en ce mois d’octobre 2025 l’une de ses grandes figures, Henri-Édouard Ciriani. L’architecte péruvien, d’origine italienne et Français d’adoption, est décédé ce 3 octobre 2025 à l’âge de 88 ans, à Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne. Le Monde a salué un « personnage charismatique au destin romanesque », qui aura marqué l’architecture des années 1970-2000.
Né le 30 décembre 1936 à Lima, ce petit-fils d’architecte embrasse à son tour la profession dès la fin de ses études à l’Universidad Nacional de Inégniera, dans la capitale péruvienne. Alors que son professeur Fernando Belaunde Terry est élu président de République, Henri Ciriani, qui s’appelle alors Enrique Eduardo Ciriani, entre au ministère des Travaux publics à l’âge de 26 ans et construit des logements à Lima. L’année suivante, il quitte le Pérou pour la France, d’où il ne repartira plus.
Il entre dans l’atelier d’André Gomis, puis rejoint en 1968 l’Atelier d’urbanisme et d’architecture de Bagnolet (AUA), laboratoire de recherche sur le logement social. Influencé par Le Corbusier, par la Tendenza, grand mouvement architectural italien de l’après Seconde Guerre mondiale, ainsi que par une architecture plus industrielle, il y développe un « nouveau discours », selon Alice Agostini, qui a soutenu en 2024 une thèse sur Henri Ciriani à Sorbonne Université.
En 1976, Il crée son agence au sein de l’AUA. Il construit en France de nombreux logements sociaux, comme à Noisy-le-Grand (La Noiseraie, en 1980, et le George Sand, en 1981), ou à Saint-Denis (La Cour d’Angle, en 1982). Il est également à l’origine du Palais de Justice de Pontoise, de l’annexe du ministère des Finances à Paris, de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, ou encore du musée de l’Arles antique. Ce dernier présente d’ailleurs actuellement l’exposition « Le musée bleu : une architecture couleur du temps » qui rend hommage à son architecte (jusqu’au 2 novembre 2025). Sa dernière construction est un immeuble rue Croulebarbe, dans le 13e arrondissement de Paris, qu’il habitera lui-même et qui synthétise tous les projets de sa vie.

Le palais de justice de Pontoise.
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En parallèle, l’architecte a enseigné tout au long de sa carrière, notamment à l’Énsa de Paris-Belleville (anciennement UP8), de 1978 jusqu’à son départ à la retraite en 2002. L’école a salué une « figure fondatrice » et un « pédagogue majeur » dont l’œuvre « continue d’inspirer ». Naturalisé Français en 1975, il a été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1997. Il a reçu de nombreux prix, dont le Grand prix national de l’architecture en 1983 et le Grand prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts (prix Charles Abella) en 2021.
Son histoire d’amour avec la France ne l’a pas empêché d’entretenir une relation avec le Pérou tout au long de sa vie. Il s’y rendra pour enseigner, continuera d’y construire des villas, et sera nommé docteur honoris causa dans plusieurs universités du pays, dont celle où il fit ses études.
