Franz Erhard Walther : Les couleurs sont des actions de la lumière
Franz Erhard Walther a, à partir des années 1960, inventé et développé un corpus unique de travaux en toiles de coton colorées unissant la peinture, la sculpture et la participation du spectateur. « Les Couleurs sont des actions de la lumière » offre un juste aperçu des thèmes et des concepts de cette œuvre à travers des pièces de trois types. Le premier est un ensemble de 76 dessins de travail de 1972, une série de représentations sur les usages et les idées développées à partir d’un des 58 éléments de l’Erste Werksatz (1963-1969), le premier set de sculptures en toile. Les dessins représentent des actions où figurent des schémas de pensée, et sont exécutés au crayon, à l’encre et au café. Le tout fait un bloc très intense.
Les quatre œuvres de type Wandformation (formation murale) exécutées entre 1980 et 1994 offrent chacune un caractère distinctif. Schwarz-Gelb, fünf Stellen (1980) présente quatre parallélépipèdes de toiles jaunes disposés comme un accrochage de tableaux sur une toile écrue, mais avec, au sol, une sorte de bac de toile noire qui pourrait servir de socle à un spectateur. Ergänzen und brechen zugleich est une pièce modulable ayant l’aspect de huit caissons de toile couleur brique disposés en une double rangée. Deux jeux de sept carrés de toile, l’un de même couleur, l’autre vert, permettent de fermer partiellement ou totalement chacun des caissons et de décider de sa couleur. Le caisson inférieur droit ne participe pas à ces variations, mais, chez lui, l’absence d’une paroi suggère que quelqu’un de pas trop grand pourrait s’y insérer.
Für Körper invite davantage à l’activation. Autour d’une paroi de toile couleur brique, haute de 2,45 m, se déploient deux niches. De part et d’autre d’un panneau frontal tapissé de la même toile, deux panneaux latéraux, également brique, dessinent des alcôves qui se détachent sur un fond de toile brute. L’une d’elles est occupée par un cylindre de toile orange suspendu, l’équivalent d’un bloc de matière. L’autre est laissée vacante et peut accueillir le spectateur. Selon la perspective, on peut entrer dans l’œuvre, se laisser absorber ou simplement se mesurer au bloc orange. C’est un autre type de relation et d’appréhension. La sculpture cesse d’être ce autour de quoi l’on tourne ou ce contre quoi l’on se cogne, pour être l’objet d’un rapprochement étroit, presque intime.
Les récents travaux de la série Probenähungen (échantillons de couture) de 2021 sont des reliefs muraux de taille moyenne ou petite alignant des rouleaux de tissus verticaux de différentes couleurs. Les proportions se rapportent aux bras, mains et doigts, soit une autre façon d’associer le corps à la peinture et à la sculpture.
Du 13 septembre au 30 octobre 2025, Galerie Jocelyn Wolff, 1 rue de Penthièvre, 75008 Paris

Vue de l’exposition « Marina De Caro : Avant la forme, j’écoute les plaintes » chez In Situ Fabienne Leclerc, Grand Paris. Courtesy Marina De Caro & Galerie In Situ-fabienne leclerc, Grand Paris. Photo © Pauline Assathiani
Marina De Caro : Avant la forme, j’écoute les plaintes
Chromo-activiste, Marina De Caro unit dans son travail la peinture avec la performance ou la manifestation de rue. Utopiste déclarée, elle croit que l’art peut nous aider à conjurer le sort et servir à faire advenir une autre réalité. « Avant la forme, j’écoute les plaintes » se déploie sur trois niveaux avec, au terme du parcours, cette phrase écrite blanc sur noir au mur : « Mouvements minimes pour des rêves qui semblaient impossibles ». L’exposition réunit de très grands et de petits dessins et des sculptures ou des reliefs réalisés avec du fil d’aluminium coloré. Elle s’inscrit dans le prolongement du projet développé l’année dernière au Mac Val, à Vitry-sur-Seine, et qui invitait Olympe de Gouges et Charles Fourier. Les grands dessins sont composés de blocs de couleurs, parfois rehaussés de hachures claires, et de grandes silhouettes noires qui semblent des esprits incarnés plutôt que des humains. Les hachures ont un effet dynamique et font écho aux trames d’aluminium. Celles-ci sont la projection du dessin dans l’espace, aussi bien pour y étendre une sorte de filets que pour y faire apparaître une figure grotesque et hurlante. L’ensemble est porté par une danse virtuelle, et le fait que le fil métallique soit bon conducteur d’électricité y ajoute en énergie. En parfait accord également avec dessins et sculptures, est présentée la vidéo d’une danse exécutée par une silhouette devant un front de mer au petit jour. La silhouette mi-humaine, mi-animale, porte perruque ou crinière ; elle est dédoublée par superposition d’une deuxième séquence légèrement décalée. On est tenté d’y voir une force qui s’éveille en un rituel improvisé.
Du 14 septembre au 25 octobre 2025, In Situ-fabienne leclerc, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville

Vue de l’exposition « Emmi Whitehorse » chez White Cube, Paris. © the artist. Photo © White Cube (Nicolas Brasseur).
Emmi Whitehorse
Il y a plus de quarante ans qu’Emmi Whitehorse peint ce qu’elle connaît le mieux : les paysages du sud-ouest des États-Unis, celui du peuple Navajo auquel elle appartient. Son art entend rompre avec une approche possessive du paysage. Sa manière, faite de proximité et même d’empathie, mêle différents points de vue et différents codes figuratifs. Travaillant principalement sur papier, elle commence par brosser sur la feuille un fond lumineux et fluide à la peinture à l’huile. Ce fond, de teinte ocre, azur ou couleur de terre, donne de l’espace et peut évoquer, selon les cas, la terre, l’eau ou à une certaine qualité de la lumière. La délicatesse des tons n’empêche pas qu’on y voie la marque de la brosse et, avec elle, le refus de l’illusionnisme. Au crayon de couleur, au pastel, à la craie, Emmi Whitehorse dessine des représentations simplifiées de plantes ou d’animaux, des références aux objets et aux techniques du tissage navajo, des traits qui ressemblent à des relevés topographiques, des signes abstraits. La description s’associe à des jeux d’écritures asémiques, le paysage se construit par une succession de notes et d’impressions. L’artiste a raconté qu’avant de déterminer l’axe de sa création, elle avait beaucoup regardé la façon dont les peintres avaient représenté les Indiens des États-Unis. Si elle eut vite fait de rejeter ce réalisme folklorique, on peut penser que sa vision écologiste et féministe s’est formée aussi en réponse à l’expressionnisme abstrait, marqué à l’origine par l’art amérindien.
Du 10 septembre au 8 octobre 2025, White Cube, 10 avenue Matignon, 75008 Paris

Vue de l’exposition « Sofia Salazar Rosales : L’insularité prend tout son sens Nous retrouver entourés d’eau » chez Bremond Capela, Paris. Courtesy of ChertLüdde, Bremond Capela, Sofia Salazar Rosales. Photo Nicolas Brasseur
Sofia Salazar Rosales : L’insularité prend tout son sens Nous retrouver entourés d’eau
Ayant grandi en Équateur, de père cubain, se partageant aujourd’hui entre Amsterdam et Paris, Sofia Salazar Rosales inscrit cette mobilité géographique et culturelle au cœur de son travail. « L’insularité prend tout son sens Nous retrouver entourés d’eau » a son origine dans le souvenir d’un voyage à Cuba, et se construit en différentes stations-installations. C’est un chemin très personnel parsemé de rappels de l’histoire. Dans la cour sont installées deux fleurs de yagrumo en cuivre et aluminium, plantés dans des bonbonnes en plastiques lestées de plâtre et dorées.
Un deuxième seuil est marqué à l’intérieur de la galerie par une grille en carton, couverte de paraffine, inspirée d’un modèle en fer forgé vu à La Havane. Dans la seconde salle, on découvre trois structures faites de tiges d’armature pour béton. Elles servent de présentoir à différents objets, dont une robe de poupée géante et des branches de palmier en filasse et carton. On voit aussi suspendues dans un filet de perles de verre, des bananes en ciment. Cette suspension, tout comme celle, présentée un peu plus loin, d’un contour de machette en clochette, pointe la réalité d’un travail et honore celui-ci. La machette fut aussi une arme au moment de l’indépendance cubaine, époque glorieuse dont le rayonnement n’est pas éteint aux yeux de Sofia Salazar Rosales. L’ultime étape de ce voyage tant sentimental que politique adopte la forme d’un ponton. En plaques d’acier, qui claquent sous les pas, il nous élève à une cinquantaine de centimètres du sol. Autour de lui, une centaine de bougies votives ont formé à leur base une large flaque de paraffine multicolore. C’est, selon l’artiste, une marque de spiritualité et d’humilité.
Du 4 septembre au 11 octobre 2025, Bremond Capela, 13 rue Béranger, 75003 Paris
