Suzan Frecon : The Light Factory
Découvrir « The Light Factory », ce n’est pas simplement regarder des tableaux mais aussi entrer dans le champ d’action des peintures de Suzan Frecon. Les géométries asymétriques, généralement ovoïdes dont elle détermine les proportions avec la plus grande précision, ne sont pas des figures sur des fonds. Il s’agit d’espaces positifs et négatifs qui intervertissent leur rôle selon l’angle de vue. Les bords sont nets, mais la manière d’appliquer la peinture fait voir des variations de teinte et bien souvent l’empreinte légère de la brosse ; parfois une surface mate s’unit à une autre brillante. À l’origine de chaque tableau, il y a le choix des couleurs et la recherche d’un équilibre dans laquelle l’intuition et l’effet visuel viennent corriger le calcul mathématique. Quand l’équilibre est trouvé, le tableau se place « off the wall », selon les mots de l’artiste.
Dans le grand espace de la galerie, un seul tableau est disposé sur chacun des murs et aucune lumière artificielle ne vient s’ajouter à celle que diffuse la verrière. Ce sont des œuvres de grand format en deux panneaux de dimensions égales superposés à l’horizontale ou accolés à la verticale. Il ne s’agit pas de diptyques et les formes ovoïdes ou demi-ovoïdes peuvent se trouver à cheval entre deux panneaux.
Figure dans l’exposition une œuvre de la série Embodiment of red qui occupe l’artiste depuis de nombreuses années et dans laquelle elle met à chaque fois en relation quatre pigments différents de rouge. Dans une interview ancienne, l’artiste expliquait : « la magnifique diversité des terres rouges dans la peinture, la nature, l’architecture, la façon dont elles changent avec la lumière, je voulais amener cela dans ma peinture ». Strictement non-figuratifs, les tableaux de Suzan Frecon réveillent en nous d’autres expériences par le seul jeu des couleurs entre elles. Une vitrine présentant un certain nombre d’œuvres sur papier, pour certaines des études, offre un précieux éclairage sur le processus d’élaboration des tableaux.
Du 30 août au 4 octobre 2025, David Zwirner, 108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris
Présentation du livre le samedi 6 septembre 2025

Vue de l’exposition « Rita Ackermann : Doubles », Hauser & Wirth, Paris. © Rita Ackermann. Courtesy the artist and Hauser & Wirth. Photo Dario Lasagni
Rita Ackermann : Doubles
La figure de nymphette, avatar d’elle-même, que Rita Ackermann invente au début des années 1990, la démultipliant et lui donnant toutes sortes de rôles, appartient à l’histoire de la jeune scène artistique new-yorkaise de cette décennie. Au rang des révélateurs de sa personnalité artistique, qu’elle met encore en avant aujourd’hui, figurent les écrits de Paul Virilio et quelques films d’auteur, ceux de Jean-Luc Godard principalement. Depuis une dizaine d’années, elle s’est engagée dans une voie plus ouvertement picturale, s’approchant de l’abstraction sans toutefois s’en réclamer. L’exposition « Doubles » témoigne de son intérêt pour l’expressionnisme abstrait et de sa conception du travail de peintre en relation étroite avec le cinéma. Certains des tableaux de cette série, où la sérigraphie est venue s’ajouter à l’huile et à l’acrylique, renouent avec l’imagerie ancienne et montrent une assemblée de nymphettes simplement tracées sur lesquelles sont superposés des plans de couleur. Dans d’autres tableaux, Rita Ackermann peint à gros traits de rouge, bleu, jaune, noir, une furieuse agitation au centre de la toile, laissant çà et là apparaître le dessin d’un visage ou la forme d’une jambe. Aussi abstraites qu’elles nous apparaissent, ces compositions sont construites sur le modèle des œuvres ouvertement figuratives, à la façon dont opérait de Willem de Kooning. Dans chacun de ces tableaux est grossièrement tracée la tête de Michael Jackson au chapeau noir, figure qui fascine l’artiste depuis de nombreuses années. Comme un commentaire apporté à ses œuvres, Rita Ackermann montre Listen to the image (le titre est une citation de Jean-Luc Godard), une longue vidéo faite principalement d’extraits de films et d’interviews de cinéastes filmés sur l’ordinateur. Une insistance particulière est mise sur Robert Bresson et Mouchette, et Michael Jackson fait des incursions aussi brèves que répétées.
Du 11 juin au 4 octobre 2025, Hauser & Wirth, 26 bis rue François 1er, 75008 Paris

Vue de l’exposition « Laurent Proux : The Nature Poem », Semiose, Paris. Photo Aurélien Mole
Laurent Proux : The Nature Poem
Laurent Proux poursuit son exploration d’un monde édénique et banal, avec un mélange d’exaltation et de cocasserie dans la peinture des corps nus inondés de lumière. The Nature Poem, qui donne son titre à l’exposition, est une composition monumentale en trois panneaux. Au centre est représentée l’entrée d’une grotte d’où s’échappe un mince cours d’eau, réservoir des secrets, métaphore sexuelle, ou l’allégorie qu’on voudra. À gauche, on voit en plongée un corps d’homme à la renverse auquel le raccourci donne un aspect étrange, et à droite un couple faisant l’amour à la verticale, derrière des branches. En célébrant ici la nature, cette œuvre apporte comme une respiration au milieu de tableaux où la figure humaine semble prendre toute la place. Laurent Proux construit ses compositions avec des dessins de corps en morceaux qu’il agence, superpose, met en scène en prenant quelque liberté avec l’anatomie. Il en résulte une étrange combinaison de réalisme et de stylisation qui est une forme de réflexion sur le métier de peintre. Les larges traits de bleu ou d’orangé, les masses de blanc par lesquels l’artiste traduit les effets de la lumière sont autant de marques de sa présence et de son implication dans ces œuvres dont l’ironie n’exclut pas une forme de gravité.
Du 30 août au 11 octobre 2025, Semiose, 44, rue Quincampoix, 75004 Paris

Nefeli Papadimouli, The Calm That Keeps Us Awake. Courtesy de l’artiste et de la galerie The Pill
Nefeli Papadimouli : The Calm That Keeps Us Awake
Formée à l’architecture avant d’entreprendre une carrière d’artiste, Nefeli Papadimouli conçoit des vêtements-sculptures à usage collectif pour des performances qui donnent vie à l’œuvre et invitent à réfléchir à la question de la collectivité. Trois de ces vêtements sont ici suspendus aux murs dans l’attente de leur activation. Avec les Capsules, l’artiste s’inspire des amphores méditerranéennes pour concevoir des habitacles ouverts en trois ou quatre éléments de terre cuite. Ces sculptures télescopent l’Antiquité et la science-fiction pour suggérer un voyage spatiotemporel. Au mur et sur le sol est déployée une double rangée de huit panneaux de toiles colorées (liées entre elles par des bandes de tissu noir) représentant chacun un motif différent d’amphore. Cette pièce textile est une œuvre autonome et comme un catalogue de projets qui accroît la portée de cette construction imaginaire.
Au sous-sol est projeté The Calm that Keeps us Awake. Dans un paysage de montagne, on découvre peu à peu un très large vêtement orné de dix mille grelots que le corps d’une performeuse fait tinter au rythme de sa respiration avant de se mettre en marche. Le vêtement est ici le moyen d’une rencontre avec la terre et le vent.
Du 3 au 27 septembre 2025, The Pill, 4 place de Valois, 75001 Paris
