Depuis 2018, l’Institut national d’histoire de l’art, à Paris, mène un chantier d’étude novateur sur les méthodes et systèmes de notation de la danse. Sous la direction de Pauline Chevalier, enseignante-chercheuse à l’université de Franche-Comté, et en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, à Paris, et le Centre national de la danse, à Pantin, le programme de recherche*1 – animé par des historiens du dessin, de la danse, des sciences, mais aussi des chorégraphes et autres artistes du mouvement – rencontre le grand public à la faveur d’une exposition alliant plus de 250 œuvres, carnets, croquis, photographies et documents d’archives, complétés de nombreux ateliers et spectacles.
ENTRER DANS LA DANSE
Conçue en partenariat avec le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon qui l’accueille entre ses murs, l’exposition « Chorégraphies. Dessiner, danser (XVIIe-XXIe siècle) » nous enseigne d’emblée que le terme « chorégraphie », forgé à partir du grec ancien khoreia, « danse », et graphia, « écriture », a d’abord signifié « l’art d’écrire la danse ». Son usage s’est instauré en 1700, avec la publication du manuel de Raoul Auger Feuillet, maître de danse, intitulé Chorégraphie ou l’Art de décrire la dance, par caractères, figures et signes démonstratifs, avec lesquels on apprend facilement de soy-même toutes sortes de Dances. Ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle que le mot prend son acception actuelle.
En l’absence de système standardisé, à la différence de la notation musicale, la notation chorégraphique déploie une immense richesse formelle. Au fil du temps, près d’une centaine de méthodes se développent en Occident, avec, en tête des plus répandues, la Movement Notation de Rudolf et Joan Benesh, le « solfège corporel » de Pierre Conté et la fameuse cinétographie de Rudolf Laban, adoptée encore aujourd’hui par de nombreux praticiens, telles Myriam Gourfink ou la compagnie Labkine. En parallèle, de multiples langages chorégraphiques demeurent propres à leur créateur : des notes utilitaires de Merce Cunningham, qu’il considère comme une « paperasse », aux partitions géométriques de Lucinda Childs ou d’Anne Teresa De Keersmaeker et, plus récemment, les codifications hiéroglyphiques de Lenio Kaklea.
À l’intersection de la trace et du mouvement, de l’incarnation et de la représentation, ces innombrables techniques et formes de notation font avant tout office de supports de travail, au service de la création, de la mémorisation, de la conservation, de la diffusion ou encore de la protection de droits d’auteur lesquels, historiquement, ont tardé à être établis (ainsi, la Labanotation – la notation de Rudolf Laban – a dernièrement été utilisée pour faire reconnaître officiellement la contribution d’un jeune chorégraphe à une composition conçue avec et pour la chanteuse Beyoncé). Ici, danses dites « savantes » et danses populaires, chorégraphies classiques ou expérimentales cohabitent dans une présentation réjouissante qui s’adresse autant aux professionnels qu’aux amateurs, et où un vaste corpus graphique invite dans un même élan émancipateur à entrer dans la danse.
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*1 Programme de recherche « Chorégraphies. Écriture et dessin, signe et image dans les processus de création et de transmission chorégraphiques (XVe-XXIe siècles) »
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« Chorégraphies. Dessiner, danser (XVIIe-XXIe siècle) », 19 avril - 21 septembre 2025, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, 1, place de la Révolution, 25000 Besançon.
