Après « Atopolis » (dans le cadre de Mons2015, capitale européenne de la Culture), « Le Musée absent » (2017) et « Risquons-Tout » (2020- 2021), « Réalisme magique : imaginer la nature en dés/ordre » poursuit le cycle des ambitieuses expositions montées par le WIELS, à Bruxelles, au cours des dix dernières années. Elles reflètent en quelque sorte les grandes questions à l’ordre du jour liées à la situation géopolitique et à l’agenda diplomatique international, vues à travers le regard des artistes. Cette programmation engagée conforte la position de l’institution comme plateforme de réflexion critique et, autant que possible, anticipative, dans un monde traversé de soubresauts multiples, de catastrophes écologiques en désastres humanitaires, où la « vérité » d’un jour n’est plus forcément celle du lendemain. Ces vastes manifestations thématiques constituent une sorte de vue en coupe de la création actuelle, aussi foisonnante que mondialisée, dans lesquelles les artistes sont représentés par des ensembles conséquents à considérer comme autant de solo shows.
"Réalisme magique" au Wiels
Le parcours de « Réalisme magique : imaginer la nature en dés/ordre » est divisé en trois parties aux ambiances différentes. La première, sous le titre « La nature indomptée », esquisse, selon les commissaires, « une image de la nature comme un flux désordonné de relations qui refuse les frontières figées et les territoires gouvernables ». Qu’elles soient éclatées ou d’apparence déstructurée, les propositions s’appuient sur des pratiques maîtrisées des matières et des supports les plus divers. Les interventions ou installations de Suzanne Jackson, Otobong Nkanga, Jumana Manna, Adrián Villar Rojas, Edith Dekyndt ou encore Minia Biabiany constituent des réponses subtiles ou des énoncés percutants face aux défis environnementaux. On y ajoutera le rapport de l’humain à la nature, exploré dans les années 1970 par Barbara et Michael Leisgen, dont le travail photographique authentique se voit ainsi réévalué et réactualisé.
En contraste avec ce qui précède, la section intitulée « La sorcière » plonge le visiteur dans un univers pétri des contradictions qui reflètent notre monde où le tellurique le dispute au scientifique, le démoniaque au poétique, l’incantatoire au recyclage, au travers de démarches aussi variées que celles de Gaëlle Choisne, Daniel Steegmann Mangrané (avec sa « Pensée Férale »), Bianca Baldi, Ann Veronica Janssens, mountaincutters ou encore Elizabeth A. Povinelli (avec l’installation multimédia The Museum of Tardigrade Prehistory).
Enfin, la dernière partie, dénommée « Le voyageur temporel », traverse différentes strates, comme si les lignes du temps fusionnaient, le passé infiltrant le futur de façon peut-être moins troublante que l’assurent les esprits cartésiens. Formes abstraites et représentations plus illustratives déclinent des paysages multiples, à l’image des impressionnants artefacts « techno-organiques » d’Anne Marie Maes (son installation OIKOS est une des révélations de la manifestation), de l’environnement textile de Cecilia Vicuña, des tapisseries d’Annie Ratti aux frontières de l’archive, de l’écologie et de la science, comme le diptyque de feutres brodés de Suzanne Husky. Ces démarches flirtent toujours avec la picturalité, à l’instar de la fresque architecturale abstraite de Kicsy Abreu Stable partant à l’assaut des hautes cimaises et faisant écho aux mythologies cubaines qui l’ont influencée.
Cette exposition s’appuie sur des œuvres au long cours et au temps lent, à l’opposé de l’immédiateté quotidienne, favorisant un vaste champ de prises de conscience.
RendezVous - Brussels Art Week
La nouvelle mouture de la manifestation, qui lance la saison de l’art contemporain à Bruxelles, développe et diversifie son offre à tous les acteurs de la scène locale, quel que soit leur statut – privé, public ou alternatif. Son point fort reste l’inauguration des événements de la rentrée dans les galeries et la plupart des institutions – à l’exception du WIELS, d’Argos, du Van Buuren Museum & Gardens et des Fondations Boghossian et CAB, qui voient leurs expositions briller de leurs derniers feux estivaux.
Parmi les nouveautés de la semaine de l’art bruxelloise figure le Salon de RendezVous, un point de rencontre central qui se tient dans un lieu bien connu des amateurs d’art contemporain : le 67 de la rue de la Régence, à proximité du Sablon. Cet hôtel de maître et son arrière-bâtiment ont été pendant plusieurs années un hub accueillant, au gré de leurs allées et venues, des galeries telles Sorry We’re Closed, Jan Mot, Micheline Szwajcer, Catherine Bastide, Montoro12, Dvir, Waldburger Wouters ou encore les éphémères enseignes françaises Mon Chéri et Jeanroch Dard. Zoe Williams, artiste britannique multidisciplinaire basée à Marseille, a été invitée à y concevoir une installation environnementale sous la forme d’un bar très cosy, le site étant destiné à abriter tables rondes, performances et DJ sets. La première édition du Brussels City Guide for Art Lovers, réalisée en collaboration avec le magazine Glean et publiée par MER. Books, sera lancée à cette occasion. Le nouvel hôtel The Standard rejoint également le parcours de cette édition. Situé entre la gare du Nord et Tour & Taxis, il accueille performances et conférences organisées par Bozar et Kanal – Centre Pompidou.
Hormis lors de la soirée de vernissage (le jeudi 4 septembre), le programme s’articule autour de trois zones géographiques : les artist-run spaces et les plateformes nomades sont particulièrement présents dans le centre et le bas de la ville (« Downtown », le vendredi 5), mais aussi dans les communes de Forest et Saint-Gilles (« Midtown », auquel est associé le quartier du Sablon, le samedi 6), tandis que les galeries sont établies de part et d’autre de l’avenue Louise, à Ixelles (« Uptown », le dimanche 7). Des circuits guidés quotidiens sont prévus dans ces différents quartiers ainsi que des visites d’ateliers. Tout au long du week-end, la plupart des enseignes ont planifié des événements dans leur espace : rencontres avec les artistes ou les commissaires, petits-déjeuners et performances. Enfin, un pass permet aux visiteurs d’accéder aux expositions des musées partenaires.
Parmi les solo shows à voir en galeries, citons Kenny Scharf (Almine Rech), Hélène Delprat (Christophe Gaillard), Thomas Jeppe (Conradi), Sol LeWitt et Liam Everett (Greta Meert), Nicholas Bierk (Gladstone), Johanna Mirabel (Nathalie Obadia), Julien Creuzet (Mendes Wood DM), Bernd Lohaus (Nosbaum Reding), Alfredo Jaar (La Patinoire Royale – galerie Valérie Bach), Adrien Vescovi (Sorry We’re Closed), Charline von Heyl (Xavier Hufkens), Matthieu Ronsse (Templon) ou encore Jean-Marie Bytebier (La Forest Divonne).
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« Réalisme magique : imaginer la nature en dés/ordre », du 29 mai au
28 septembre 2025, WIELS, avenue Van Volxem, 354, 1190 Bruxelles, wiels.org et Argos, rue du Chantier, 13, 1000 Bruxelles.
RendezVous – Brussels Art Week, du 4 au 7 septembre 2025, divers lieux, 1000 Bruxelles, rendezvousbxl.com
