C’est une démarche rare et exceptionnelle : la directrice du Musée Van Gogh d’Amsterdam a averti le 27 août 2025 que l’institution pourrait être « contrainte de fermer » si le ministère néerlandais de la Culture ne lui accordait pas de financements supplémentaires. Selon Emilie Gordenker, sans prise en charge des travaux nécessaires, le musée « ne pourra plus garantir la sécurité des collections, des visiteurs et du personnel ».
Dans un message adressé aux soutiens du musée — qui constitue l’une des principales attractions touristiques des Pays-Bas et attire chaque année près de 1,8 million de visiteurs —, Emilie Gordenker a prévenu : « Un nuage sombre se profile à l’horizon. »
Interrogée par le New York Times, elle précise que des travaux cruciaux sont indispensables : modernisation du système de régulation climatique, remplacement des ascenseurs, amélioration de la sécurité incendie et renforcement des dispositifs de sûreté et de durabilité. Ce cri d’alarme public intervient après deux années de négociations infructueuses avec le gouvernement néerlandais.
Le bâtiment principal du Musée Van Gogh, conçu par Gerrit Rietveld et inauguré en 1973, accueillait à ses débuts moins de 500 000 visiteurs par an. L’ouverture, en 1999, de l’aile imaginée par Kisho Kurokawa – dotée d’un nouvel espace d’accueil et de salles pour les expositions temporaires – a marqué un tournant. Depuis, la fréquentation n’a cessé de croître, atteignant un record de 2,6 millions de visiteurs en 2017, ce qui a conduit l’institution à instaurer des quotas d’entrées pour préserver la qualité de l’expérience du public.
Aujourd’hui, les deux bâtiments nécessitent une rénovation d’ampleur. Le musée prévoit des travaux majeurs entre 2028 et 2031, pour un coût estimé à 104 millions d’euros, selon son Masterplan 2028.
Durant cette période, le musée espère maintenir l’un des bâtiments ouvert, ce qui se traduira par une forte réduction de sa capacité d’accueil. Les contraintes d’espace entraîneront également une limitation des expositions temporaires au profit d’un focus accru sur la collection permanente. L’institution anticipe des pertes d’au moins 50 millions d’euros, un coût qu’elle devra entièrement absorber.
En vertu d’un accord signé en 1962, la famille Van Gogh a cédé à la Fondation Vincent van Gogh l’ensemble de sa collection : 200 peintures, 500 dessins, 900 lettres de l’artiste, ainsi que 150 œuvres de ses contemporains. En contrepartie, l’État néerlandais s’engageait à financer la construction et l’entretien d’un musée destiné à préserver et exposer ce patrimoine.
Aujourd’hui, l’intégralité de la collection familiale est conservée au musée Van Gogh. Près de 85 % des ressources de l’institution proviennent de ses recettes propres – un niveau exceptionnel pour un musée public aux Pays-Bas – mais elle reste dépendante des subventions de l’État pour boucler son budget.
Actuellement, le musée perçoit 8,5 millions d’euros par an pour l’entretien de ses bâtiments. Cependant, pour sa directrice, Emilie Gordenker, il est désormais indispensable de porter cette subvention structurelle à 11 millions d’euros. Elle rappelle que, puisque l’État néerlandais est propriétaire des bâtiments, il a la responsabilité légale de les entretenir. Elle exhorte aujourd’hui le gouvernement à « honorer ses obligations prévues par la loi ».
Le Musée Van Gogh a déposé une plainte contre l’État néerlandais, dont l’examen est prévu le 19 février 2026. L’institution reproche au gouvernement de ne pas respecter l’accord conclu en 1962 avec la famille Van Gogh. Dans un communiqué, la Fondation Vincent van Gogh a réaffirmé son « soutien total » au musée, ajoutant : « L’État doit garantir le financement d’infrastructures durables permettant de rendre la collection pleinement accessible aux générations actuelles et futures. »
Contacté par The Art Newspaper, un porte-parole du ministère néerlandais de l’Éducation, de la Culture et des Sciences a répondu que, selon une étude approfondie menée par des experts indépendants, la subvention actuelle est suffisante pour couvrir les coûts d’entretien. Concernant l’action en justice, le ministère précise qu’il examine la situation et répondra dans le cadre de la procédure judiciaire.
L’annonce choc du Musée Van Gogh intervient dans un contexte politique particulièrement instable aux Pays-Bas. Le 23 août, le parti centriste Nouveau Contrat Social (NSC) a annoncé son retrait de la coalition gouvernementale. Parmi les ministres démissionnaires figurait Eppo Bruins, en charge de l’Éducation, de la Culture et des Sciences, remplacé à titre intérimaire par Sophie Hermans, membre du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD, conservateur).
Des élections législatives anticipées sont prévues le 29 octobre, ce qui pourrait retarder la prise de décision concernant le financement du Musée Van Gogh jusqu’à la formation du prochain gouvernement.
