La Japan Art Association a annoncé les lauréats de la 36e édition du Praemium Imperiale. Sont distingués cette année, dans les cinq catégories : Marina Abramović (Sculpture), Peter Doig (Peinture), Eduardo Souto de Moura (Architecture), András Schiff (Musique) et Anne Teresa De Keersmaeker (Arts vivants et Cinéma).
Créé en 1988, le Praemium Imperiale est considéré comme le « Nobel des arts ». Le prix « récompense les plus grands artistes pour l’ensemble de leur œuvre, leur contribution à l’enrichissement des arts et de la culture et leur rayonnement international », précise la Japan Art Association. Plus ancienne fondation culturelle du Japon, née en 1887 en l’honneur du prince Takamatsu (1905-1987), elle organise de nombreuses expositions d’art, notamment au Musée royal Ueno, dans le parc Ueno à Tokyo.
À ce jour, 180 artistes dont 24 Français ont reçu cette haute distinction (Sophie Calle en 2024 dans la catégorie Peinture, Balthus, Pierre Soulages, Zao Wou-Ki, Matta, Daniel Buren, Martial Raysse, Pierre Alechinsky, Sebastiāo Salgado, César, Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Marta Pan, Christian Boltanski, Annette Messager, Jean Nouvel, Dominique Perrault, Christian de Portzamparc…).
Figure pionnière de l’art corporel, Marina Abramović (née le 30 novembre 1946 à Belgrade, en Serbie, ex-Yougoslavie) n’a eu de cesse de remettre en question les frontières de l’art à travers une approche radicale, allant parfois jusqu’à mettre sa vie en danger. L’artiste a attiré l’attention internationale avec Rhythm 0 (1974), livrant littéralement son corps au public. Dans une autre performance ayant fait date, Rest Energy (1980), elle fait face à son compagnon d’alors, Ulay, qui tient un arc tendu, la flèche dirigée vers son cœur. En 2010, au musée d’Art moderne de New York (MoMA), elle a présenté The Artist Is Present, une performance silencieuse au cours de laquelle elle est restée assise face aux visiteurs pendant plus de 700 heures. L’œuvre a battu les records de fréquentation du musée. Établie à New York, elle a fondé en 2012 le Marina Abramović Institute (MAI), dédié aux performances de longue durée et à l’interdisciplinarité.
Lauréat dans la catégorie Peinture, Peter Doig (né le 17 avril 1959 à Édimbourg, en Écosse, Royaume-Uni) est reconnu sur la scène internationale comme l'une des figures de proue de la Nouvelle peinture figurative. À partir de souvenirs personnels et d’images, il crée un récit onirique dans des paysages et personnages aux couleurs vives. L’artiste a grandi sur l'île de Trinidad dans les Caraïbes puis au Canada. « Ces expériences de vie ont eu un impact considérable sur ma peinture, déclare-t-il. Je pense que mes peintures sont profondément liées à ma vie. Elles sont comme un voyage, une expression de la vie que j'ai vécue ». Célébré comme l'un des peintres vivants les plus importants, Peter Doig partage aujourd'hui son temps entre Londres et Trinidad. Lors de l’exposition « Reflets du siècle » (du 17 octobre 2023 au 21 janvier 2024), le musée d’Orsay l’avait invité à présenter ses œuvres dans le cadre des salles à coupole et à dialoguer avec sa collection.
Lauréat dans la catégorie Architecture, Eduardo Souto de Moura (né le 25 juillet 1952 à Porto, au Portugal) est une figure majeure de la discipline. Ce proche d'Álvaro Siza (lauréat du Praemium Imperiale en 1998) a créé son propre cabinet en 1980. Réputé pour sa conviction qu'« il n'y a pas d'architecture universelle, [que] tout est enraciné dans un lieu particulier », il s’attache à créer des bâtiments en résonance avec leur époque et le contexte dans lequel ils s’insèrent, sélectionnant les matériaux en tenant compte des traditions et des cultures locales. Parmi ses principaux projets figurent la Pousada Mosteiro de Amares (1997), un monastère cistercien du XIIe siècle reconverti en hôtel, le stade municipal de Braga (2003) et la superbe Casa das Histórias Paula Rego (2009) à Cascais, un musée dédié à la défunte artiste peintre d’origine lisboète, installée à Londres, passée maître dans l’art du pastel. Eduardo Souto de Moura a reçu le prix Pritzker en 2011 et le Lion d'or de la Biennale de Venise en 2018. En 2024, il a été décoré de l'Ordre des Arts et des Lettres par la France.
Enfin, ont également été distingués András Schiff (né le 21 décembre 1953 à Budapest, en Hongrie) dans la catégorie Musique et Anne Teresa De Keersmaeker (née le 11 juin 1960 à Mechelen, en Belgique) dans la catégorie Arts vivants et cinéma.
Pianiste célébré pour ses interprétations de compositeurs qui vont de Bach à Bartók, le premier a étudié à l’Académie Franz Liszt de Budapest, avant de se perfectionner à Londres auprès du claveciniste George Malcolm. En 1999, András Schiff a fondé son propre orchestre de chambre, la Cappella Andrea Barca. Il est également investi dans la direction d’orchestres, convaincu que « diriger élargit l’horizon ».
Depuis la création de sa compagnie de danse Rosas, en 1983, Anne Teresa De Keersmaeker tient quant à elle une place de premier plan sur la scène de la danse contemporaine. Elle a étudié la danse à Mudra, l'école des arts du spectacle fondée par Maurice Béjart (lauréat du Praemium Imperiale en 1993), et à la Tisch School of the Arts de l'université de New York. À son retour en Belgique, la création de Fase (1982), sur la musique de Steve Reich (lauréat du Praemium Imperiale 2006), lui a valu d’être reconnue dans le monde entier. Parmi ses œuvres majeures figurent Rain (2001) et EXIT ABOVE (2023). En 2025, elle a collaboré avec le danseur et chorégraphe Solal Mariotte pour BREL, un duo inspiré par le chanteur et acteur belge. L’artiste entretient un lien de longue date avec le Japon : elle a notamment mis en scène l'opéra Hanjo de Toshio Hosokawa en 2004. Au cours des dix dernières années, son travail s’est illustré dans les arts visuels au Louvre, à la Tate Modern ou encore au MoMA.
Chacun des cinq lauréats recevra 15 millions de yens (environ 92 000 euros), ainsi qu'un diplôme et une médaille au cours d’une cérémonie qui se déroulera à Tokyo le 22 octobre 2025.
Par ailleurs, le Praemium Imperiale décerne un prix d’encouragement pour les jeunes artistes. En 2025, il est attribué au National Youth Theatre, sélectionné par le conseiller international Lord Patten of Barnes et son comité du Royaume-Uni. À cette occasion, le National Youth Theatre s'est vu remettre un diplôme et un prix de 5 millions de yens (environ 30 000 euros).
Chaque année, afin de désigner les lauréats, des conseillers internationaux déterminent, avec l’appui et l’expertise de leur propre comité, des propositions qu’ils soumettent à la Japan Art Association. En 2025, ces comités étaient présidés en Italie par Lamberto Dini (ancien Premier ministre), au Royaume-Uni par Christopher Patten (ancien chancelier de l’université d’Oxford), en Allemagne par Klaus-Dieter Lehmann (ancien président du Goethe-Institut), en France par Jean-Pierre Raffarin (ancien Premier ministre) et aux États-Unis par Hillary Rodham Clinton (ancienne Secrétaire d’État).
Le comité français 2025, présidé par Jean-Pierre Raffarin avec Marie-Claire Janailhac-Fritsch, vice-présidente, et Olivier Cazenave, s’est appuyé sur les experts : Dominique Perrault, architecte et urbaniste ; Gaëlle Lauriot-Prévost, architecte associée de Dominique Perrault ; Louis Langrée, directeur de l’Opéra-Comique et chef d’orchestre ; Éric Ruf, directeur de la Comédie-Française, comédien, scénographe, metteur en scène ; Jean de Loisy, commissaire d’exposition, directeur artistique de la Fondation Van Gogh à Arles ; Cécile Debray, présidente du Musée national Picasso-Paris.