Les sacs Birkin d’Hermès figurent parmi les accessoires de mode les plus convoités – et les plus précieux – au monde. Rares sont les objets de luxe à exercer une telle emprise sur la culture populaire. Comme le disait le personnage de Samantha Jones dans un épisode de la série américaine Sex and the City entièrement consacré à sa quête : « Ce n’est pas un sac, c’est un Birkin. »
C’est donc avec un certain faste que Sotheby’s a annoncé, le mois dernier, la mise en vente du tout premier Birkin, le prototype ayant appartenu à l’actrice franco-britannique Jane Birkin, muse qui a donné son nom au célèbre modèle. Et le 10 juillet 2025, l’engouement s’est confirmé : ce sac à main patiné par le temps, vieux de 50 ans, s’est envolé à 8,6 millions d’euros à Paris, un montant vertigineux.
Les enchères ont débuté à 1 million d’euros, arrachant un souffle de surprise au public présent dans la salle des ventes de Sotheby’s à Paris. Ce seul premier palier doublait presque le précédent record mondial pour un sac à main aux enchères, établi en 2021. Une bataille de dix minutes entre neuf collectionneurs – au téléphone, en ligne et dans la salle – a fait grimper le prix jusqu’à 8,6 millions d’euros, frais inclus. Le sac a finalement été adjugé à un collectionneur basé au Japon, selon la maison de ventes.
Mais qu’est-ce qui rend le sac Birkin – et son lien avec Jane Birkin – si exceptionnel ? L’histoire, devenue mythique, raconte que Jane Birkin se retrouva un jour assise à côté de Jean-Louis Dumas, alors président du groupe Hermès, sur un vol Air France. Se plaignant de ne pas trouver de sac adapté à sa vie trépidante de jeune mère, elle donna l’idée à Dumas de créer pour elle le sac parfait. En 1985, Hermès lui présenta un prototype et lui demanda la permission de lui donner son nom. Le reste appartient à la légende.
Les admirateurs du Birkin, tout comme de l’autre modèle iconique d’Hermès, le Kelly, attribuent leur succès à leurs lignes épurées, à leur fabrication artisanale d’exception et à leur rareté. Ces sacs sont aussi devenus de puissants symboles de statut. Au-delà de leur prix élevé, ils ne s’achètent pas en boutique comme n’importe quel article. Hermès impose à sa clientèle fortunée un parcours exigeant avant même de proposer ses modèles les plus prisés, avec des seuils de dépenses officieux pour pouvoir espérer y accéder.
La production limitée et les longues listes d’attente ont favorisé l’essor d’un second marché très lucratif, où les sacs se négocient souvent à des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les boutiques Hermès. Leurs propriétaires les manipulent avec le plus grand soin afin d’en préserver la valeur de revente et de sécuriser leur investissement. Une attitude qui n’est pas sans rappeler les codes du marché de l’art contemporain.
Mais ce n’était pas la démarche de Jane – l’actrice a porté ce prototype pendant des années, et son état en témoigne. Le sac d’origine est marqué par l’usage, patiné, et conserve les traces d’autocollants d’organisations caritatives telles qu’Unicef. Militante convaincue, Jane Birkin avait même demandé à Hermès de ne plus associer son nom à certains modèles, en protestation contre l’utilisation de peaux exotiques par la maison. Ils ont toutefois fini par se réconcilier.
Alors que les dépenses dans le secteur de l’art reculent, les maisons de vente aux enchères – et même certaines galeries commerciales – se recentrent sur les biens de luxe : joaillerie, sacs à main, voitures ou encore sneakers, dans l’espoir de séduire une nouvelle clientèle. Les sacs Hermès figurent désormais en bonne place dans les ventes dédiées au luxe chez Sotheby’s et Christie’s.
Pourtant, les sacs Birkin ne sont pas faits pour tout le monde. Ils n’étaient peut-être même plus faits pour Jane elle-même dans les dernières années de sa vie. En 2017, elle avait fait une confession inattendue : le sac qui porte son nom ne correspondait plus à son quotidien, et elle préférait ne plus porter de sac du tout. « C’est un sac très, très lourd, déclarait-elle à la BBC. Aujourd’hui, je remplis mes poches comme un homme. Comme ça, on n’a rien à porter. »
