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Des corps augmentés au pied des cimes

À Saint-Gervais-les-Bains, la Biennale Artocène invite douze artistes dans les massifs alpins.

Christian Simenc
10 juillet 2025
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Oliver Laric, Gypaète barbu, Artocene 2025. © Julien Gremaud

Oliver Laric, Gypaète barbu, Artocene 2025. © Julien Gremaud

L’art contemporain fait parfois prendre de la hauteur, au sens propre comme au figuré. C’est le cas de la 4e édition d’Artocène qui, après trois opus annuels organisés à Chamonix, délaisse la « Mecque de l’alpiniste » pour se déployer chez sa meilleure ennemie, Saint-Gervais-les-Bains, et se métamorphoser en un format biennal. Cette Biennale est un brin « sportive » certes, car elle se déploie dans une dizaine de lieux de la ville et des contreforts alentour, depuis une salle d’exposition logée dans une pile du pont franchissant les gorges du Bon Nant jusqu’à un hôtel-restaurant niché à 1 860 mètres d’altitude (Le Prarion), soit un dénivelé positif de quelque 1 500 mètres illustrant à merveille l’inscription de la manifestation dans ce territoire montagnard dominé par l’incontournable et majestueux Mont-Blanc.

Intitulée « Corps augmentés » et réunissant douze artistes, la manifestation a adopté une thématique, cette année, qui se penche sur l’évolution du/des corps par le biais de la science et de la technologie. « Cette édition 2025 est née de l’observation de ce massif alpin à la nature sauvage et à la puissance minérale, et de la manière dont l’humain a su constamment développer des moyens pour s’adapter à ce paysage et s’y élever, notamment à travers la pratique de l’alpinisme, explique Laurène Maréchal, fondatrice d’Artocène et co-commissaire de cette édition avec l’artiste Laetitia de Chocqueuse. Un livre nous a beaucoup inspirées : L’Homme augmenté du psychiatre Raphaël Gaillard, autour de l’hybridation entre l’homo sapiens et la machine, notamment sur l’IA. Ce milieu naturel extrême qui a d’abord été modifié par la technique – matériel sportif, remontées mécaniques –, puis par les outils numériques – GPS, data, objets connectés – peut aujourd’hui être vu comme emblématique de l’émergence de nouvelles relations aux corps. Quelle foi place-t-on en la technologie ? Le but est d’explorer la relation des corps au paysage. Qu’est-ce qu’un corps augmenté au XXIe siècle ? Et cette question ne concerne pas uniquement l’humain, mais aussi les espèces végétales et animales. » Près de 80 % des œuvres sont produites pour l’occasion. Budget total : 30 0 000,00 euros, dont environ la moitié de mécénat.

Allons-y donc crescendo, de bas en haut, à partir de la salle Pile Pont Expo dans la culée gauche du pont de Saint-Gervais. Dans ce parallélépipède de béton quasi aveugle et ingrat, Hugo Servanin, inspiré par l’histoire de l’alpiniste anglais George Mallory, disparu en 1924 sur la face Nord de l’Everest et dont la dépouille fut rendue par les glaces 75 ans après, a déployé une installation (Environnement 11) constituée de larges « caissons » de plâtre qu’il a, par endroits, excavés tel un archéologue pour faire émerger des fragments de corps, lesquels se font paysage. Paysage encore avec Amandine Guruceaga qui suspend cinq sculptures souples (Shell Soft Skin) dans le hall de la gare du Fayet, formes molles et anthropomorphes affublées de mousquetons, cordes et sacs de couchage aux couleurs fluo, clins d’œil appuyés aux grimpeurs. À deux pas, dans l’ancien buffet de la gare, d’autres « corps augmentés » s’activent, tels ce nageur (Swimmer) et ce personnage descendant un escalier (Steps), œuvres numériques de Rebecca Allen, l’une des pionnières, dans les années 1980, à faire se mouvoir un humain dans l’espace virtuel. Avec What The Heart Wants, Cécile B. Evans, elle, façonne un film dont le scénario mêle une hyper-intelligence, des souvenirs, une cellule immortelle, des soignants-robots et des enfants nés en laboratoire, suite d’émotions fictives dans un futur spéculatif.

En centre-ville – altitude : 850 mètres –, dans le Temple de la Vignette, une vidéo signée Camille Henrot (Psychopompe) superpose les dos déformés par l’effort de grimpeurs s’épuisant sur des murs d’escalades avec le corps de Frankenstein – roman fameux de l’écrivaine Mary Shelley qui passa l’été 1816 au pays du Mont-Blanc – tel qu’évoqué dans diverses adaptations filmiques, anatomies fatalement monstrueuses. Monstre encore, à La Cure, ex-presbytère devenu espace d’exposition, où Yan Tomaszewski hisse des tréfonds de l’océan un corps hybride de grès et de verre, mi-humain mi-animal (Fluviatile Beast).

Dans le hall de la gare des télécabines du Châtelet, Nefeli Papadimouli ressuscite une bête fabuleuse ou tirée d’un mythe populaire, à travers une chasuble sertie de 10 000 mini-grelots, en hommage aux clochettes des brebis qui résonnent dans les alpages, avec laquelle elle réalise une performance vidéo envoûtante (The Calm That Keeps Us Away), ici diffusée sur grand écran.

Giulia Cenci, Ombre bianche (Ombres blanches), Artocene 2025. © Julien Gremaud

Ne reste plus alors qu’à grimper vers les cimes. D’un côté, au Mont d’Arbois, Panos Profitis a disposé des sculptures à la musculature saillante telle la statuaire grecque en regard de roches informes (With The Stones Behind Us). L’aluminium raffiné, transformation ultime de la matière, le dispute à la brute bauxite. De l’autre, dans un pâturage du site de Bellevue – accessible via le tramway du Mont-Blanc –, Giulia Cenci a installé trois « sculptures-fontaines » en métal alimentées par une source proche et mixant éléments végétaux, visages humains, fragments de corps d’animaux et… pièces mécaniques (Ombres blanches). Ces œuvres « monstrueuses », elles aussi, sont appelées à devenir abreuvoirs pour les vaches de race Hérens du coin.

Mais l’œuvre la plus insolite reste celle d’Oliver Laric : Gypaète barbu, du nom de cet oiseau jadis disparu puis réintroduit en Haute-Savoie. Sur la télécabine Bettex-Mont d’Arbois, un « œuf » entier est occupé par cette « sculpture fragmentée imprimée en aluminium 3D et conçue selon un langage d’ingénierie proche des mécanismes de la télécabine », tournant en boucle. Une pièce aussi énigmatique que furtive.

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« Artocène 4 », du 28 juin au 14 septembre 2025, divers sites à Saint-Gervais-les-Bains et alentours

ExpositionsArt ContemporainArtocèneLaurène MaréchalLaetitia de ChocqueuseHugo ServaninAmandine GuruceagaCamille HenrotYan TomaszewskiGiulia Cenci Oliver Laric
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