Le Los Angeles County Museum of Art (Lacma) a accueilli ses premiers visiteurs dans son vaste nouveau bâtiment, les David Geffen Galleries, lors d’une série de visites en avant-première, avant les dernières finitions à apporter au bâtiment, l’installation des œuvres et l’ouverture officielle prévue en avril 2026. Près de 2 000 membres du musée et invités ont ainsi arpenté, vendredi 27 juin 2025, les méandres de ce vaisseau de béton, spacieux et sinueux, projetant leurs silhouettes sur les sols brillants. Pour l’occasion, le musicien Kamasi Washington avait réuni 100 musiciens de jazz, répartis en dix ensembles installés dans différents endroits du bâtiment, tous jouant une même composition pour ce qu’il a qualifié d’« avant-goût sonore ».
Conçue par l’architecte suisse Peter Zumthor, lauréat du prix Pritzker, cette structure surélevée en béton aux formes organiques s’étend au-dessus du boulevard Wilshire à Los Angeles. Son niveau principal, au 1er étage, offre quelque 10 200 m² d’espaces d’exposition, en enfilade et bordés de baies vitrées sur toute la hauteur, qui inondent les salles de lumière naturelle. Le rez-de-chaussée accueillera un auditorium de 300 places, des espaces éducatifs, des restaurants, une boutique ainsi que les locaux techniques du musée.
Le vendredi 27 juin, chacun des ensembles a interprété la suite de jazz en six mouvements Harmony of Difference. En l’absence d’œuvres, le nouveau bâtiment ressemblait à une vaste caverne creuse de béton coulé sur place et de verre. La cacophonie des saxophones, des voix et des cordes déferlait sur les visiteurs, se transformant parfois en harmonie envoûtante, entrant à d’autres moments en collision sonore, selon l’endroit où l’on se tenait dans le musée.

Les David Geffen Galleries au Lacma, vue depuis le niveau d’exposition côté nord-ouest, avec Levitated Mass (2012) de Michael Heizer à l’arrière-plan. Photo © Iwan Baan
Le 1er étage des Geffen Galleries offre une belle vue sur le pavillon japonais adjacent, dont les lignes organiques mêlent influences modernistes et asiatiques. Conçu par Bruce Goff – disciple de Frank Lloyd Wright – et inauguré en 1988, il a été épargné par les opérations de démolition menées pour dégager l’espace nécessaire au nouveau bâtiment. Autre heureuse décision : Smoke (1967), monumentale sculpture de Tony Smith, longtemps cantonnée dans l’atrium du Ahmanson Building, a été déplacée dans une cour en béton située au pied de l’escalier principal des Geffen Galleries. À terme, une sculpture florale de Jeff Koons sera également installée aux abords du nouvel édifice.
Le bâtiment des Geffen Galleries reflète les priorités de son architecte, Peter Zumthor, et du directeur général du musée, Michael Govan : repenser l’expérience muséale tout en répondant à des impératifs pratiques, financiers et curatoriaux. Son coût actuel s’élève à 720 millions de dollars, tandis que le Lacma a déjà levé plus de 800 millions dans le cadre de sa vaste campagne de financement baptisée Building Lacma.
Le long et complexe processus de transformation du campus du Lacma – allongé par la pandémie – a commencé au tout début du XXIᵉ siècle : un premier concours d’architecture avait été lancé dès 2001. Entre-temps, deux autres bâtiments ont vu le jour – le Broad Contemporary Art Museum et le Resnick Pavilion, tous deux signés par Renzo Piano Building Workshop –, tandis que des œuvres monumentales de Chris Burden et Michael Heizer ont été installées en extérieur. Le musée s’est également doté de nouveaux équipements, dont un parking, un restaurant et divers espaces d’accueil.

Vue aérienne du campus du Lacma, avec les David Geffen Galleries, au cœur du quartier de Miracle Mile. Photo © Iwan Baan
Même si le campus a connu de nombreuses transformations – dont la construction, à deux pas, de l’Academy Museum of Motion Pictures signée Renzo Piano –, rares sont les projets muséaux à avoir autant suscité la polémique, à chaque étape de leur conception et de leur réalisation, que celui des Geffen Galleries. Quatre bâtiments ont été démolis pour faire place au nouvel édifice : le Leo S. Bing Center, ainsi que les bâtiments Ahmanson, Hammer et Art of the Americas.
Selon le musée, ces démolitions étaient devenues inévitables en raison de fuites onéreuses à réparer et parce que ces constructions ne répondaient pas aux normes antisismiques. Mais cette décision a suscité une vive opposition de la part des défenseurs du patrimoine architectural, donnant naissance à des collectifs comme la Lacma Lovers League, Save Lacma ou encore la Citizens’Brigade to Save Lacma. Ce dernier est même allé jusqu’à organiser un concours d’architecture pour proposer des alternatives au projet de Peter Zumthor.
Dans son état actuel de coque brute en béton, le 1er étage du nouveau bâtiment ne compte qu’une douzaine d’espaces distincts. Pourtant, une fiche technique du musée indique qu’il accueillera à terme plus de 90 salles d’exposition. La façon dont ces espaces seront organisés demeure l’une des nombreuses questions en suspens à l’approche de la dernière phase des travaux. Autre incertitude : comment les œuvres accrochées dans les Geffen Galleries seront-elles protégées de l’exposition à la lumière naturelle, étant donné les immenses baies vitrées qui enveloppent le bâtiment ? Le musée assure que certaines galeries intérieures seront « entièrement protégées de la lumière du jour », mais les modalités concrètes restent à préciser. La manière dont ces questions seront résolues d’ici à l’ouverture prévue au printemps prochain, pèsera sans doute lourd dans l’appréciation finale du bâtiment.
