À Limoges, une ancienne imprimerie du XIXe siècle accueille désormais un projet institutionnel inédit dans le paysage des FRAC. Réhabilité par Jakob + MacFarlane – duo qui occupe actuellement le Pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise –, le bâtiment devient le nouvel écrin du FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine. Après plusieurs années de fermeture, l’institution rouvre ses portes en centre-ville, dans un cadre destiné à conjuguer espace d’exposition, plateforme numérique et artothèque ouverte au public. Une exception en France, où le prêt d’œuvres, souvent relégué en marge, devient ici un axe central de diffusion.
Dirigé par Catherine Texier, le FRAC-Artothèque regroupe deux collections jusque-là distinctes : celle du Fonds régional d’art contemporain du Limousin et celle de l’Artothèque du Limousin, soit plus de 7 500 œuvres au total. Pareille fusion prolonge les missions fondatrices assignées aux FRAC depuis leur création en 1982 : soutenir la création, la rendre accessible et accompagner sa réception. Implanté dans le tissu historique de Limoges, ouvert gratuitement et proposant des dispositifs de prêt (1 800 œuvres sur papier disponibles), de médiation et d’exploration numérique, l’ensemble poursuit cet élan initial et en reformule les principes dans un contexte renouvelé, adapté à de nouvelles formes d’appropriation concrète de l’art par le public.
Le projet se déploie sur 1 800 m² d’espaces ouverts. Ici, pas de geste ostentatoire ni de spectaculaire imposé : charpente métallique de type Eiffel, matériaux d’origine, hautes verrières, tout a été restauré avec précision, dans un respect mesuré de la mémoire industrielle du site. Ce souci d’équilibre se manifeste également dans les détails, où carreaux de ciment, parquets, rampes d’escalier ouvragées et lignes de force du bâti ont été conservés. Même le mobilier participe à cette attention, à commencer par les fauteuils du café-lecture, réalisés à partir de semelles de cuir recyclé de la manufacture Weston, installée dans la région. Accueillant les visiteurs dès l’entrée, ils s’intègrent avec justesse à une architecture réhabilitée avec retenue et précision.
L’atrium – vaste volume ceinturé de coursives et baigné de lumière zénithale – organise l’édifice sur deux niveaux. Véritable cœur organique du bâtiment, il accueille une boîte mobile en bois et en acier, conçue pour moduler les usages. Fermée, cette boîte de 36 m2 devient salle de projection ou de performance en quasi-obscurité ; ouverte, elle s’expose pleinement à la clarté. Cette structure abrite également la réserve numérique, un dispositif interactif et sensible, qui réagit aux mouvements du corps et permet d’explorer plusieurs centaines d’œuvres en haute définition, enrichies de textes, d’archives, de lectures et de documents audiovisuels. L’Atelier 360 relaye cette immersion à l’échelle réelle dans l’atelier d’un artiste. Le premier épisode, consacré à Anita Molinero, restitue un atelier transposé, habité, accessible au regard comme à l’écoute.

Vue de l’exposition « Paysages recommencés » au Frac Artothèque Nouvelle Aquitaine, à Limoges. Photo Aurelien Mole
Depuis la rue, le bâtiment s’ouvre aussi à l’image numérique. Sa façade accueille désormais un dispositif d’affichage composé de huit écrans LED, mobiles et programmables, conçus pour diffuser des œuvres multimédias directement dans l’espace public. Pensée comme une extension de l’activité artistique dans la ville, cette surface d’exposition en mouvement propose un autre mode de rencontre en dehors des horaires d’ouverture. Pour l’inauguration, l’artiste japonais Takao Minami a réalisé un montage à partir d’images tournées le long des rivières de Nouvelle-Aquitaine. Reflets, remous, passages d’eau retracent une cartographie mouvante, entre mémoire géographique et abstraction.
Ce prisme paysager irrigue aussi l’intervention in situ de la peintre Flora Moscovici, Fouler le sol, vaste dégradé mural du vert au bleu, réalisé dans la cage d’escalier principale dans le cadre du 1 % artistique. Il se retrouve également au sein de l’exposition inaugurale « Paysages recommencés », orchestrée par le commissaire et ancien directeur du FRAC Yannick Miloux. Empruntant son titre à une série d’André Raffray, elle est construite à partir d’œuvres des collections du FRAC-Artothèque, qui accompagnent les artistes dans la durée plutôt que dans une logique de représentativité. Riche d’un fonds photographique conséquent, le fonds témoigne d’un goût marqué pour les démarches conceptuelles, comme en attestent les célèbres typologies de Bernd et Hilla Becher. À leurs côtés, les œuvres de soixante-dix artistes, d’Yves Bélorgey à Julian Opie, de Nina Childress à Piero Gilardi, esquissent ensemble la trame d’une scène contemporaine qui, portée par l’action des FRAC depuis plus de quarante ans, renouvelle sans cesse notre regard sur le réel.
--
« Paysages recommencés », jusqu’au 20 septembre 2025, Frac Artothèque Nouvelle Aquitaine, 17 bis rue Charles Michels, 87 000 Limoges
