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Critique

Wax : une odyssée textile

Le musée de l’Homme, à Paris, dresse la saga de cet emblème de la culture africaine, en croisant les approches de disciplines aussi diverses que l’anthropologie, la mode, l’art contemporain et le design.

Bérénice Geoffroy-Schneiter
5 mai 2025
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Thandiwe Muriu, CAMO 43, 2022, impression jet d’encre. © Thandiwe Muriu

Thandiwe Muriu, CAMO 43, 2022, impression jet d’encre. © Thandiwe Muriu

Le 8 octobre 2011, Anna Wintour, la célèbre rédactrice en cheffe du magazine Vogue, arborait un trench Burberry en wax lors du défilé Louis Vuitton. Qui eût cru il y a encore quelques décennies que ce tissu en coton – dont le graphisme et les accords chromatiques semblaient jusqu’ici indissociables du continent africain – aurait pu séduire cette grande prêtresse de la mode occidentale ?

À l’aube du XXIe siècle, force est de constater que le wax est partout, non seulement dans les rues de Dakar, d’Abidjan et de Bamako, mais aussi dans les revues de décoration et les galeries d’art contemporain de Londres, de Paris ou de New York. Et pourtant, rien de plus complexe et de plus méconnu que l’histoire de ce tissu en coton devenu le symbole d’une « africanité » grâce à sa popularité tant en Afrique qu’auprès de la diaspora et des créateurs de mode. « Que se cache-t-il derrière cette évidence visuelle ? » interroge ainsi Manuel Valentin, le responsable des collections d’anthropologie culturelle au musée de l’Homme, à Paris, et l’un des commissaires de cette passionnante exposition.

Une histoire partagée entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie

Ainsi, le visiteur sera-t-il sans doute surpris d’apprendre que le wax (dont le nom dérive du mot anglais wax qui signifie « cire », en référence à sa technique de fabrication) est né non pas en Afrique, mais sur le continent asiatique, et plus précisément en Indonésie. C’est là que des entrepreneurs néerlandais cherchèrent à reproduire à moindre coût les traditionnels batiks à destination des populations locales.

Ironie du sort, c’est une autre clientèle qui sera séduite par ces tissus bon marché aux motifs envahissants. Au début du XIXe siècle, les nombreux conflits qui secouent les Indes orientales néerlandaises poussent en effet les administrateurs hollandais à recruter des auxiliaires sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Ils enrôlent, entre autres, des guerriers ashantis pour les envoyer combattre sur les îles de Java et de Bornéo. De retour dans leur pays, la Côte-de-l’Or (l’actuel Ghana), ces soldats emportent dans leur bagage ces copies de batiks indonésiens dont le graphisme séduit instantanément leurs compatriotes ! Les Européens décident alors de réorienter leurs productions vers leurs colonies ouest-africaines, inondant les marchés de ces tissus flamboyants, dont la palette comme le graphisme, nés dans les usines d’Angleterre ou de Hollande, vont de plus en plus épouser les goûts de cette nouvelle clientèle. « Peu à peu, les motifs s’éloignent des modèles indonésiens, tel celui appelé “les chaussures du Roi”. Connu dès le XIXe siècle, cet emblème du pouvoir se démocratise au point de devenir l’un des plus populaires au moment des indépendances », explique ainsi Manuel Valentin.

Avec un répertoire puisé dans la faune et la flore, les objets de la vie quotidienne ou les grands événements sociaux, ces « rébus visuels » délivrent un enseignement et des valeurs morales.

Vue de l’exposition «Wax», musée de l’Homme, Paris, 2025. © MNHN. Photo A. Iatzoura

Un vecteur d’émancipation et de réappropriation

L’un des plus grands mérites de l’exposition est précisément d’aider le visiteur à déchiffrer les messages cryptés que recèlent ces graphismes éclatants, que l’œil occidental aurait tendance à juger purement décoratifs. Avec un répertoire puisé dans la faune comme dans la flore, les objets de la vie quotidienne ou les événements sociaux majeurs, ces « rébus visuels » délivrent un enseignement et des valeurs morales qui soulignent l’appartenance à la communauté.

Une main ponctuée de pièces de monnaie et entourée de doigts coupés est par exemple associée au dicton « l’union fait la force » et signifie qu’il est préférable de travailler ensemble pour réussir. Permettant de rafraîchir les habitations tout en éloignant les moustiques, le ventilateur électrique a longtemps été l’apanage d’une élite. Son image sur un tissu wax crédite ainsi son porteur d’une certaine aisance sociale. Le motif « œil de ma rivale » exprime la jalousie et les tensions dans le domaine conjugal, notamment entre coépouses. « Le pagne énonce ce que la bouche ne peut pas dire librement », explique Manuel Valentin. A contrario, le motif d’une poule entourée de ses poussins fait écho à l’unité de la cellule familiale, et souligne le rôle essentiel des femmes dans la construction et le bien-être du foyer. Véritables miroirs de la société, les wax ne sont pas exempts d’allusions sexuelles, tel le motif appelé « tu sors, je sors », évoquant la possibilité pour l’épouse trompée de s’envoler de sa cage pour punir son époux volage ! Se draper d’un wax portant le motif « mari capable » (des lèvres arborant un large sourire) est également une façon de clamer aux yeux de tous que son mariage est solide, en même temps qu’un avertissement lancé aux rivales susceptibles de le menacer. Quant au motif « le sac de Michelle Obama » (dont raffoleraient bien des créatrices de mode !), c’est un vibrant hommage à l’épouse du 44e président des États-Unis – et premier Africain-Américain à cette fonction.

Bien plus qu’un simple produit de consommation, le wax est un langage identitaire, un symbole d’appartenance et un vecteur d’émancipation. L’exposition met ainsi l’accent sur le rôle joué par les « Nana Benz », ces femmes d’affaires influentes qui contrôlèrent, de 1960 aux années 1990, une grande partie du commerce du wax au Togo. Riches, puissantes et proches des milieux politiques, elles participèrent pleinement à la réappropriation africaine de ce tissu en tant qu’acheteuses, diffuseuses et distributrices. C’est désormais au tour des artistes de détourner les codes traditionnels du wax pour mieux les réinventer. À contempler les masques-bidons du plasticien béninois Romuald Hazoumé, les créations du styliste malien Lamine Badian Kouyaté (le fondateur de la marque XULY.Bët), ou bien encore les clichés pop du photographe sénégalais Omar Victor Diop, l’épopée de ce tissu de coton semble bien loin d’être terminée !

«Wax», 5 février-7 septembre 2025, musée de l’Homme, 17, place du Trocadéro, 75016 Paris, muséedelhomme.fr

ExpositionsMusée de l'HommeArt AfricainModeanthropologieDesignLe wax
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