C’est au Centre Pompidou qu’a eu lieu ce 12 décembre l’annonce des artistes nommés pour le Prix de dessin de la Fondation d’art contemporain Daniel & Florence Guerlain devant une petite « communauté » créée au fil des ans autour de la Fondation et des mécènes, comme l’a souligné le directeur du musée national d’art moderne, Xavier Rey. Trois artistes européens sont en lice pour l’édition 2025, la 18e pour cette récompense lancée en 2006 et dotée de 25 000 euros pour le lauréat et de 5 000 euros pour les deux autres nommés. Cet axe international est assumé par le couple de collectionneurs et mécènes, Daniel Guerlain soulignant lors de la cérémonie d’annonce, le 12 décembre 2024, la volonté « de mettre en avant en France des artistes étrangers qui y sont peu ou pas connus ».
Irlandaise née en 1956, diplômée de l’Université de Belfast et de l’École de l’Art Institute de Chicago, Alice Maher a notamment représenté son pays à la 22e Biennale de São Paulo, au Brésil. « Par différents médiums, dont le dessin demeure la racine, Alice Maher plonge dans les histoires ancestrales, les mythes et les inconscients. Elle tente de comprendre qui nous sommes et d’où nous venons. Elle affirme la place du corps féministe, en symbiose avec le monde animal et végétal, écrit la commissaire et critique Marie Maertens. Quand elle débute dans le milieu de l’art des années 1980, Alice Maher découvre l’impertinence des artistes Louise Bourgeois ou Helen Chadwick, qui lui donnent l’élan de parler non seulement de la cause féminine, mais plus largement des problématiques de domination et de colonisation. Ainsi, ses paysages témoignent de son Irlande natale qui fut spoliée et dont la langue fut interdite et remplacée… ». Elle est représentée par les galeries David Nolan (New York), Kevin Kavanagh (Dublin) et Purdy Hicks (Londres).
Belge né en 1970, Gideon Kiefer est diplômé des Beaux-Arts d’Anvers. « Virtuose du dessin depuis toujours, il plonge son spectateur dans un monde aux confins de l’onirique et du réel. Parlant de l’enfance, de paysage ou d’histoire de l’art, son atemporalité quelque peu romantique a néanmoins pour but de nous alerter… en douceur, sur la crise écologique », écrit la commissaire et critique Marie Maertens. Et d’ajouter : « Gideon Kiefer va bousculer lui-même ses dessins qui pourraient être si parfaits, en les effaçant ou en ajoutant un autre médium ou des citations. Il se fait conceptuel quand il s’impose de concevoir une œuvre par jour ou que ses phrases détournent l’attention du trait ou de la couleur. Par ce biais, il espère sensibiliser au réchauffement climatique et arrêter une course folle qui mène à la perte de la planète ». Il est représenté par les galeries Martin Kudlek (Bruxelles et Cologne), Barbé (Gand) et Maskara (Bombay). Comme celui d'Alice Maher, son travail a été présenté lors de l’exposition d’un volet inédit de la collection de Florence et Daniel Guerlain au musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun, à l’été 2024.
Enfin, l’Italien Ettore Tripodi, né en 1985, est diplômé quant à lui de l’Académie des Beaux-Arts de Brera à Milan. Il est un coup de cœur récent de Florence et Daniel Guerlain. L’artiste, le benjamin de cette sélection, « marie des références classiques de l’histoire de l’art à des scénographies proches du septième art. Il décrypte et redéfinit le quotidien, pour en extraire une inquiétante étrangeté qu’il n’a jamais fini d’interroger…, souligne Marie Maertens. En un très fin trait de feutre ou d’encre de Chine, parfois accompagné d’aquarelle, il brosse une vie quotidienne et quelque peu rêvée, que chacun peut reconnaître. Il y décrit des intérieurs aux coupes de fruits garnies ou peuplés de protagonistes qui se prélassent au lit… Il y imagine des routes, des voyages ou des arrêts sur images dans la nuit, observés par divers animaux… ». Il est représenté par la galerie OPR à Milan.
Le lauréat du prix sera annoncé le 27 mars dans le cadre du Salon du dessin, au Palais Brongniart, à Paris. Alors que le Centre Pompidou vient d’inaugurer un nouvel accrochage de la donation de plus de 1 200 feuilles contemporaines consenties par Florence et Daniel Guerlain (avec des œuvres de Penny Hes Yassour, Renie Spoelstra, Georg Baselitz, Pavel Pepperstein et Kcho), le couple prépare d’autres projets. À l’horizon 2026, le musée national des arts de Riga, en Lettonie, accueillera une exposition importante de cette donation, nouvelle étape d’une tournée internationale entreprise depuis plusieurs années.