L’objectif principal était de rendre plus accueillant ce musée ouvert en 1994 et situé au sud de la ville. Les travaux de rénovation, pour un coût de 5,4 millions d’euros, financés par le département des Bouches-du-Rhône et la Ville de Marseille, ont été confiés à BAM - Bureau Architecte Méditerranée. « C’est un projet qui avait comme objectif la requalification de l’identité du musée », explique Frédéric Roustan, cofondateur du BAM.
Les architectes ont apporté trois modifications importantes au bâtiment : un hall vitré de près de sept mètres de hauteur qui relie l’avenue de Haïfa d’un côté au jardin de sculptures de l’autre ; un espace d’exposition supplémentaire, la MAC Room, qui s’étend sur 290 m2 et est aménagé en lieu et place d’un ancien entrepôt ; une terrasse sur le toit.
La lumière naturelle pénètre généreusement dans le nouveau hall transparent. Lors de la soirée inaugurale, le Ballet national de Marseille s’y est produit et, pendant le week-end d’ouverture début avril, quelque 5 000 visiteurs ont franchi ses portes avec enthousiasme.
Rendre le MAC accessible à la diversité de la population marseillaise fait partie intégrante de ses missions. Les familles ont été encouragées à venir le premier dimanche, où de jeunes artistes ont proposé des ateliers créatifs pour les enfants. « Si à la fin de cette journée-là, on a fait comprendre à quelques enfants qu’ils pourraient se sentir bien ici, recueillir leur point de vue et imaginer qu’ils reviennent, c’est gagné », a déclaré Nicolas Misery, nommé directeur des Musées de Marseille l’année dernière, à The Art Newspaper. « Les réservations pour les visites scolaires sont déjà complètes pour les cinq premiers mois de réouverture du musée », ajoute-t-il. Il explique que pendant la fermeture du bâtiment, des médiateurs se sont rendus dans les écoles de Marseille, y compris dans les quartiers défavorisés, pour discuter avec les enfants et les enseignants d’œuvres d’art, notamment de vidéos.
C’est Xavier Rey, actuel directeur du musée national d’art moderne-Centre Pompidou et ancien directeur des Musées de Marseille, qui a porté ce projet de rénovation aux côtés de Thierry Ollat, directeur sortant du MAC, qui prend sa retraite après avoir été à la tête du musée depuis 2006. « On retrouve le public fidèle, c’est très plaisant, témoigne Thierry Ollat. On a le sentiment d’avoir réussi l’opération pour redonner vie à ce musée et le réinstaller dans le paysage Marseillais ».
L’institution ouvre avec une exposition personnelle de l’artiste Paola Pivi, née en Italie et basée en Alaska. Intitulée « It’s not my job, it’s your job / Ce n’est pas mon travail, c’est votre travail », la manifestation est stimulante, engageante et doucement politique. Elle illustre la manière dont le MAC cherche à toucher un large public intergénérationnel.
Dans le hall est présenté Lilies (2018), une installation composée d’une trentaine de roues de bicyclettes tournantes, de tailles différentes, ornées de plumes d’oiseaux divers, des paons aux flamants roses. Cette œuvre magique et cinétique rappelle les capteurs de rêves des Amérindiens. Dans l’espace principal figure une installation sculpturale que Paola Pivi a créée spécialement pour l’exposition : Free Land Scape (2023) – un labyrinthe surélevé et ondulant en jean sur lequel les visiteurs peuvent marcher, glisser et faire des culbutes. Le tissu est un clin d’œil à l’origine du denim issu de la ville voisine de Nîmes. Plus loin, les populaires ours polaires aux couleurs vives de Paola Pivi (réalisés entre 2013 et 2023) semblent participer à une dernière fête avant l’apocalypse. Est également présentée une installation hypnotique de petites sculptures murales délicates faites de perles de culture dans des tons dégradés allant du blanc au noir en passant par des roses pâles.
L’institution a porté son dévolu sur Paolo Pivi parce qu’elle souhaitait inviter une artiste femme de la région méditerranéenne pour son exposition inaugurale. Les Musées de Marseille avaient déjà accueilli l’exposition de « 25 000 Covid Jokes (It’s not a joke) » de Paola Pivi dans la Chapelle du Centre de la Veille Charité à Marseille en 2021. Ils entendent en effet privilégier le soutien à un artiste plutôt que d’accueillir des expositions les unes après les autres. « Je souhaite que nous ne fassions pas de 'one shot', dit Nicolas Misery. J’aimerais que nous travaillions avec les artistes et apportions un soutien à leur création sur le long terme, pour être comme des compagnons ».
L’exposition de Paola Pivi mène de manière fluide à la présentation permanente. L’accrochage présente environ 150 œuvres de la collection du MAC, qui compte quelque 900 pièces. L’objectif est d’effectuer une rotation des œuvres tous les quatre ou cinq mois. Dans une démarche pédagogique, l’exposition « Parade » est organisée autour de six thèmes en liens avec l’art contemporain : peinture, matériaux, lieux, sujets, réalités/fictions et interdisciplinarité.
Une quarantaine d’œuvres ont été restaurées pendant la rénovation du musée. Parmi elles, Rotozaza (1967) de Jean Tinguely, une machine-sculpture qui lance des balles ; Étude pour le jardin noir (1975) d’Anne et Patrick Poirier, composée de feuilles séchées sur fond noir ; ou encore La DS (1997) de Gabriel Orozco, une Citroën DS découpée pour la rendre plus étroite, sans siège passager à l’avant.
César occupe une place importante dans le parcours. Outre son Pouce, un agrandissement en bronze poli du doigt de l’artiste, figurent plusieurs Compressions. Le MAC possède 30 œuvres de l’artiste, qui a fait un don important à sa ville natale, espérant à l’origine pouvoir bénéficier d’un musée dédié à son œuvre. « Le musée César, à proximité de l’Hôtel de Ville, a été abandonné car les conditions de la donation qui l’aurait constitué n’étaient plus remplies », indique-t-on dans l’entourage du MAC.
Parmi les autres œuvres remarquables présentées, figurent King of the Zulus (1986) de Jean-Michel Basquiat ; Cabane éclatée n°2 (1982) de Daniel Buren ; des œuvres vidéo de Zineb Sedira et de Marie Bovo et des peintures de Djamel Tatah. Enfin, une salle du MAC accueille l’installation Hooliganisme (1997) de Malachi Farrell, composée de bouteilles vides et de débris.
Dans un avenir proche, le MAC prévoit une exposition sur le dessin intitulée « Le sentiment du dessin » (du 31 août au 26 novembre 2023), organisée par Chiara Parisi, Jean de Loisy et Gérard Traquandi. Son ouverture coïncidera avec Paréidolie - Salon international du dessin contemporain, à Marseille. Le musée entend en effet favoriser les relations avec d’autres acteurs culturels de la ville. Le MAC souhaite aussi s’associer avec des musées et des festivals de la région méditerranéenne. « L’objectif est de nous tourner vers l’autre côté de la Méditerranée et de tisser des liens avec des musées en Algérie, en Tunisie et au Liban », affirme Nicolas Misery. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une volonté visant à permettre aux Musées de Marseille de jouer un rôle plus important à l’avenir dans la région, notamment en organisant des résidences d’artistes.
Ces ambitions témoignent d’un nouvel élan pour le MAC, qui a longtemps semblé éclipsé par le Mucem conçu par Rudy Ricciotti, souffrant d’un manque d’identité. La création du MAC dans les années 1990 a été le fruit d’un concours de circonstances. À l’origine, le bâtiment avait été construit pour abriter la collection du Docteur Rau, ce dernier faisant finalement don de l’édifice à la Ville de Marseille en 1992. Sous l’impulsion de Bernard Blistène, à l’époque directeur des Musées de Marseille, le musée d’art contemporain ouvre ses portes en 1994. Il sera successivement dirigé par Philippe Vergne (1994-1997), Véronique Legrand (1998 à 2000) et Nathalie Ergino (2001-2005), avant que ne soit nommé Thierry Ollat en 2006.
« Il y avait beaucoup d’interrogations sur la pertinence de garder un musée contemporain ici, témoigne Thierry Ollat. Tout notre travail a été de confirmer auprès des politiques et de la ville que ce musée avait un intérêt. C’est pour cela que nous y avons installé la collection permanente à partir de 2008 ».
Après le départ de Thierry Ollat, une nouvelle directrice – Stéphanie Airaud, ancienne chargée des publics et de l’action culturelle au MAC VAL, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) – prendra les rênes de l’institution en juillet. Elle aura pour mission de renforcer l’action du musée aux niveaux local, national et international dans les années à venir.
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MAC-Musée d’art contemporain, 69 avenue de Haïfa, 13008 Marseille