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Critique

Olivier Antoine choisit « Les Bêtes » d'Hubert Duprat

Tandis que le musée d’Art moderne de Paris s’apprête à montrer une ample rétrospective de cet artiste peu connu, son galeriste dit son attachement à un singulier bestiaire de silex.

Anaël Pigeat
11 juin 2020
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Hubert Duprat, Sans titre, série Les Bêtes, 1992-1999, silex. © Fabrice Gousset

Hubert Duprat, Sans titre, série Les Bêtes, 1992-1999, silex. © Fabrice Gousset

L'objet de...

Chaque mois, dans le mensuel The Art Newspaper édition française, des personnalités nous présentent un objet qui leur est cher et nous dévoilent leur relation intime et particulière à cette œuvre d'art.

« J’ai toujours rêvé d’en avoir un, mais il n’y en a pas de disponible ! »
Olivier Antoine évoque Les Bêtes, une série de petites sculptures réalisées par Hubert Duprat entre 1992 et 1999. C’est précisément en 1992 qu’il ouvre la galerie Art : Concept à Nice, avant de s’installer à Paris en 1997, à quelques mètres de la rue Louise-Weiss, dans le 13e arrondissement, puis dans le Marais. La rencontre avec Hubert Duprat remonte à une exposition niçoise en 1994, dont le commissariat était assuré par le peintre Denis Castellas : les Trichoptères y figuraient. Les liens entre Olivier Antoine et Hubert Duprat se sont étoffés et, dix ans plus tard, ce dernier a fait son entrée parmi les artistes de la galerie. « Hubert est très exigeant et très droit. Il doute des gens mais, une fois qu’il fait confiance, c’est à vie », raconte Olivier Antoine.

Un travail partagé

« Une des premières questions que je me pose quand j’envisage de travailler avec un artiste est d’imaginer comment son travail sera vu dans cinquante ans. » Les pièces d’Hubert Duprat ont ce caractère atemporel et insaisissable : « Ces objets vivent d’eux-mêmes, ils restent à décrypter, et c’est là l’essence de l’œuvre d’art. » Une grande cohérence se dégage des engagements pris par Olivier Antoine depuis presque trente ans. « Un certain nombre d’artistes que je représente ont en commun de faire des œuvres apparemment peu bavardes, mais qui donnent lieu à toutes sortes de récits sur l’humanité. C’est le cas de Michel Blazy, de Julien Audebert, d’Alexandre Singh... Hubert Duprat a été parmi les premiers d’entre eux. »

Olivier Antoine se souvient d’une visite du site de la grotte Chauvet qu’ils ont faite ensemble l’été dernier, non loin de la maison d’Hubert Duprat, dans les environs de Nîmes. Plusieurs de ses œuvres font référence à des objets préhistoriques, comme Les Bêtes, ces silex taillés en forme d’animaux. Une commande publique pour un commissariat de police est à l’origine de la série. Six exemplaires ont été réalisés dans un premier temps comme un ensemble, puis quelques autres individuellement. Ce sont des effigies d’animaux, des loups et des biches, en d’autres termes les chasseurs et les proies – un sujet adapté pour un tel lieu. « Cette série raconte une histoire très large, de l’Homo sapiens à l’organisation de nos démocraties aujourd’hui, une sorte de théâtre de l’absurde. Elle évoque aussi la transformation de la matière, une réflexion sur la sculpture même, dit Olivier Antoine. Ces œuvres ont un espace-temps infini, permettant de naviguer entre différentes époques et de mieux comprendre la nôtre. »

Cette série raconte une histoire très large, de l’Homo sapiens à l’organisation de nos démocraties aujourd’hui, une sorte de théâtre de l’absurde.

Hubert Duprat n’a pas d’atelier. Sa bibliothèque lui en tient lieu. Les seuls objets qu’il réalise lui-même sont les Trichoptères, et encore, il met à l’œuvre les animaux, et parle même d’insectes-artisans. Pour les autres, une idée lui vient, puis il trouve les personnes adéquates pour la réaliser. Comme le raconte Olivier Antoine : « Sa démarche a quelque chose de très humain, les rencontres sont essentielles pour lui et, à chaque fois, il faut tout réinventer. Pour ses grandes sculptures Cassé-collé, il a travaillé avec des tailleurs de pierre dans une carrière. Pour Costa Brava, des coraux augmentés de boulettes de mie de pain, il a trouvé des pêcheurs corses qui disposaient de 2 kilos de corail, et c’est en leur envoyant l’un de ses catalogues pour leur expliquer son travail qu’il les a convaincus de les lui vendre. Pour Nord, un objet en plaquettes d’ambre, il est allé chercher ses matériaux jusque dans la région de la mer Baltique, avant de s’apercevoir qu’il était assez facile d’en trouver près de chez lui... mais cela fait maintenant partie de l’histoire. Le questionnement des choses et des gens est primordial à ses yeux. »

Hubert Duprat, Sans titre, série Les Bêtes, 1992-1999, silex.

© Fabrice Gousset

Mêler l'histoire, la fiction et le réel

Hubert Duprat a commandé les premiers exemplaires de la série Les Bêtes à un vieux monsieur, un paléontologue spécialisé dans la fabrication d’artéfacts copiés du paléolithique. Il a utilisé des silex géants, longs d’une trentaine de centimètres, difficiles à tailler comme le sont les « silex excentriques » des Mayas. Ces Bêtes ne sont pas fidèles à la réalité historique, car les pierres sont taillées en certains endroits et polies en d’autres. « Ce sont des objets hybrides qui montrent l’accumulation du savoir sur une seule surface, l’idée même de l’invention et de la création. Ils nous projettent finalement dans une sorte de science-fiction. »

À y regarder de plus près, ces silhouettes d’animaux ne ressemblent pas exactement à celles que l’on trouve dans les grottes ornées. Elles évoquent plutôt les ombres chinoises que l’on fait avec les mains pour amuser les enfants, ou bien les théâtres d’ombres du XIXe siècle. Elles renvoient aussi aux ombres de la grotte platonicienne. « Il y a un fil conducteur à propos des ombres dans l’œuvre d’Hubert Duprat, depuis ses premiers travaux intitulés L’Atelier ou la montée des images : son atelier était devenu camera obscura, réceptacle du monde extérieur. C’est l’idée du vide comme espace créatif, que l’on retrouve dans ses Cibachromes de cosmonautes fantasmés en lévitation dans l’espace. » La série Les Bêtes apparaît alors comme un réservoir de récits. « Ce qui m’intéresse dans ces œuvres, c’est le lien entre l’histoire, la fiction et le réel », ajoute Olivier Antoine.

Hubert Duprat, Sans titre, série Les Bêtes, 1992-1999, silex.

© Fabrice Gousset

Hubert Duprat est proche de plusieurs écrivains. Ses œuvres ont même inspiré des récits littéraires. Le musée d’Art moderne de Paris lui consacre bientôt une grande exposition. « Fabrice Hergott et Jessica Castex ont invité sur 1 200 m2 un artiste quasiment inconnu du grand public, dont presque tout le travail sera montré, y compris des pièces in situ que je n’ai jamais vues. Ce sera une véritable découverte », précise Olivier Antoine. Son œuvre trouve une résonance singulière dans la période que nous vivons : « Ce regard transversal et transhistorique, qui n’est jamais une démonstration de savoir, prend un sens particulier aujourd’hui : nous sommes précisément dans un moment de creux, nous nous demandons ce qui va se passer. »

« Hubert Duprat », musée d’Art moderne de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, 75116 Paris, galerieartconcept.com

L'objet deOlivier AntoineHubert DupratGalerie Art : ConceptMusée d'art moderne de Paris (MAM)Art Contemporain
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