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Fiscalité
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Le monde culturel se mobilise contre la taxation des œuvres d’art

Un amendement au budget 2026 qui transforme l’impôt sur la fortune immobilière en « impôt sur la fortune improductive », intégrant les biens de collection et les objets d’art, suscite une levée de boucliers. Une taxation des holdings patrimoniales est également envisagée. Acteurs du marché de l’art et artistes réagissent, dénonçant une conception de la création « réduite à une valeur spéculative ».

Stéphane Renault
17 novembre 2025
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Deux amendements en faveur de la taxation des œuvres d’art ont été déposés dans le cadre du projet de loi de finances 2026. Assemblée nationale

Deux amendements en faveur de la taxation des œuvres d’art ont été déposés dans le cadre du projet de loi de finances 2026. Assemblée nationale

La France, qui pointe à la quatrième place sur le marché international de l’art, a jusqu’ici exclu les œuvres d’art de l’impôt sur la fortune. Mais à l’heure où les propositions politiques font feu de tout bois pour renflouer les caisses de l’État, deux amendements, déposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, entendent remettre en cause cette exonération. L’un envisage que ces « actifs improductifs » soient assujettis à l’IFI nouvelle formule, l’autre suggère de taxer les holdings sur leurs collections, considérées comme des « actifs somptuaires ». Ces deux amendements, adoptés en première lecture le 31 octobre, seront examinés au Sénat à partir du 24 novembre, puis en Commission mixte paritaire avant de revenir à l'Assemblée nationale.

Le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) a réagi en ces termes : « À la suite de l’adoption, en première lecture à l’Assemblée nationale, d’amendements visant à soumettre les œuvres d’art à un "impôt sur la fortune improductive" et à étendre la taxe sur les "holdings patrimoniales" aux biens culturels, le CPGA s’est immédiatement mobilisé pour défendre l’exonération fiscale des œuvres d’art et la stabilité du marché français. À l’initiative du Comité professionnel des galeries d’art, une large coalition d’organisations du monde de l’art s’est constituée autour d’une déclaration commune, transmise aux pouvoirs publics, tandis que des échanges soutenus se poursuivent avec le ministère de la Culture et les parlementaires. Celle-ci s’est récemment étoffée avec les signatures du SLAM (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne), de la CEA (Compagnie des experts en art et antiquités), de l’UFE (Union française des experts en objets d’art) et de la FNEPSA (Fédération nationale d’experts professionnels spécialisés en art). Parallèlement, des initiatives individuelles émergent également, telles qu’une pétition rédigée conjointement par des galeristes et des artistes et s’opposant à la taxation des œuvres d’art, dont le Comité relaie ici la démarche afin de soutenir et d’amplifier cette mobilisation. Le Comité reste pleinement mobilisé tout au long du processus législatif afin de défendre le régime fiscal des biens culturels et d’accompagner les galeries dans cette période décisive pour l’avenir du secteur. »

Dans cette déclaration commune, consultable dans son intégralité ici, « l’ensemble des professionnels du marché de l’art, des institutions culturelles, des artistes et des représentants de l’écosystème créatif souhaitent exprimer leur vive inquiétude face à l’intégration des objets d’art, de collection ou d’antiquité dans le nouvel impôt sur la fortune dite "improductive" ou dans le champ de taxation des holdings patrimoniales. » « Avec 7 % des ventes mondiales en valeur, contre 5 % en 2012, notre pays est désormais le premier marché de l’Union européenne post-Brexit, représentant 54 % des ventes en valeur dans l’UE, rappelle le texte. Cette position est soutenue par un marché fortement endogène : un vivier unique d’artistes, de collectionneurs, de structures culturelles, d’experts, de galeristes, d’antiquaires et de maisons de ventes aux enchères. Avec plus de 5 milliards d’euros de ventes, le marché de l’art soutient l’activité de 30 000 artistes français, plus de 60 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois indirects, soit un niveau comparable à la publicité ou à l’édition. Les recettes fiscales générées par ce secteur proviennent, pour les trois quarts, de ces emplois et de l’activité économique qui les soutient. En d’autres termes, la valeur économique du marché de l’art – directe ou induite – dépasse de très loin tout rendement fiscal théorique qu’apporterait une taxation au titre de la fortune. »

Cette menace fiscale sur les collectionneurs français fait courir un risque à l’ensemble du secteur, plaident ses acteurs, qui considèrent « infondée et dangereuse » l’assimilation des œuvres d’art à une « fortune improductive » ou à des « actifs somptuaires ». « Une contraction du marché provoquerait une baisse du chiffre d’affaires des structures économiques et culturelles du secteur avec, in fine, une baisse de l’emploi, impliquant des pertes fiscales estimées entre 245 et 457 millions d’euros, et entre 305 et 578 millions d’euros en incluant l’ensemble des industries auxiliaires », préviennent-ils. Avant de conclure : « La stabilité fiscale du secteur est donc un intérêt économique national vital autant que culturel. »

« Réduire les œuvres d’art à de simples placements financiers, actifs dormants ou biens de luxe ne correspond pas à la réalité, pointe par ailleurs la déclaration. La plupart ne permettent d’espérer aucune rentabilité, et ne sont d’ailleurs pas acquises dans cette logique. Leur conservation a un coût (assurance, restauration, etc.), et leur valeur est loin d’être garantie. Sur le marché, elle peut fluctuer, stagner, se déprécier ou n’exister que pour quelques amateurs. Une œuvre est avant tout un bien culturel, fruit d’un geste créatif, porteur de mémoire, d’identité et de transmission. Les biens visés ne sont d’ailleurs pas nécessairement des objets de luxe. Du tableau de maître au service de table transmis de génération en génération, nombre d’entre eux relèvent davantage de la mémoire familiale, de l’histoire ou du lien affectif ou esthétique que d’une logique de profit. Une nation se définit aussi par les œuvres qu’elle produit, conserve et transmet. Les traiter comme un actif patrimonial immobile, c’est nier ce qu’elles représentent : de la culture, de l’histoire, de la transmission, et non de la rente. La France s’est toujours singularisée en défendant une vision républicaine de l’art, comme un objet relevant de l’intérêt général. L’œuvre est un patrimoine commun avant d’être un bien privé. C’est cette exception culturelle qui a encouragé la collection, le mécénat, la transmission, les donations aux musées et l’enrichissement constant de nos collections publiques. Assimiler une œuvre d’art à de la rente ou à un signe extérieur de richesse, pour l’intégrer à une logique de taxation patrimoniale, reviendrait à rompre ce pacte culturel. »

Face à ce qu’ils considèrent comme « des mesures à contresens de leurs propres logiques économiques » et « un déni du rôle économique des biens culturels », les acteurs du monde de l’art rappellent qu’« en France, les œuvres ne sont pas un capital stérile : elles soutiennent l’écosystème de la création et de la diffusion. Artistes, galeries, maisons de ventes, experts, restaurateurs, artisans, encadreurs, transporteurs spécialisés, éditeurs, musées, foires : tous vivent de l’existence et de la circulation des œuvres. »

Ce plaidoyer alerte sur « un risque réel de fuite culturelle et économique » : « Tandis que la France rattrape progressivement la place de Londres dans le système post-Brexit, une taxation de la détention d’œuvres conduirait les collectionneurs à organiser leurs transactions, dépôts et structure de conservation vers la Suisse, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni. Ventes cataloguées à Londres ou à New York plutôt qu’à Paris, expositions montées hors du territoire, conservation, expertise et restauration confiées à d’autres places internationales : l’activité se déplacerait. » L’application de ces mesures ferait de la France la seule grande place du marché de l’art à instaurer une imposition patrimoniale sur la simple détention d’œuvres. En outre, en affaiblissant tout un secteur, « la taxation des biens à valeur culturel provoquerait également le retrait des mécènes privés, souvent grands collectionneurs et acteurs déterminants dans la constitution des futures collections publiques. »

Appelant à préserver le modèle culturel français, les opposants à cette taxation des œuvres d’art mettent en avant le rendement marginal de telles mesures : « Les études menées lors des précédentes tentatives d’intégration des œuvres à l’ISF montraient déjà que le rendement aurait été de quelques dizaines de millions d’euros seulement, soit moins de 1 à 2 % de la recette globale d’alors. Face aux conséquences économiques et culturelles funestes promises, la balance est sans équivoque. »

Et de conclure : « Plus qu’un enjeu fiscal, il s’agit d’un choix de société. Depuis plus d’un demi-siècle, le modèle français repose sur un principe simple : l’art ne se taxe pas, il se protège, il se partage, il se transmet. Défendre l’exemption des œuvres d’art, c’est défendre la liberté de créer, de collectionner et de transmettre ; des libertés constitutives de la République. Plus que jamais, nous nous tenons aux côtés de tous ceux qui ont à cœur de protéger ce qui fonde la richesse et le rayonnement de la France : sa culture, son art, et la vitalité créatrice qui nourrit son identité ».

Dans une pétition en ligne, qui compte plus de 2 000 signataires à ce jour, les artistes se mobilisent eux aussi pour faire entendre leur voix : « Une œuvre d’art naît d’un geste, d’une idée, d’un regard sur le monde. Elle résulte d’un travail souvent long, exigeant, incertain. Derrière chaque tableau, chaque sculpture, chaque performance, se trouvent des années d’expérimentation, de recherche, de doutes et de recommencements. Créer revient à produire du sens, de la beauté, de la pensée, bien avant de produire de la valeur marchande. Une œuvre d’art est une contribution à la culture, à l’éducation, à la transmission et à la mémoire collective. Elle éclaire son époque, nourrit le débat public, développe l’esprit critique et relie les générations. La qualifier de "bien improductif" ou "somptuaire" revient à méconnaître sa véritable nature et sa contribution à la société. L’art n’est pas un luxe ou un placement. Il constitue une nécessité démocratique. En ouvrant des portes, en interrogeant les certitudes, il nourrit le lien social et la liberté de penser. Le rayonnement culturel de la France repose sur cette vitalité. Depuis des siècles, le pays défend la liberté de création et considère l’art comme un bien commun. Ce modèle, reconnu et admiré dans le monde entier, fait de la France une terre d’accueil et d’inspiration pour la création. Taxer la détention d’œuvres d’art reviendrait à envoyer un message contraire à cette tradition : celui d’un pays qui ne reconnaîtrait plus la valeur de la culture et de la pensée. Taxer la détention des œuvres d’art, c’est empêcher leur diffusion. Maintenant, au sortir de nos ateliers, ou plus tard, une fois le travail du temps et la reconnaissance accomplis. Taxer la détention d’œuvres d’art, c’est menacer tout un écosystème déjà fragile, celui qui réunit artistes, galeries, collectionneurs et institutions. C’est aussi réduire l’accès du public à la culture. Nous, artistes, prenons aujourd’hui la parole pour défendre nos métiers et refuser que le fruit de notre création soit réduit à une valeur spéculative. Notre plein soutien à celles et ceux qui, aux côtés des artistes, participent chaque jour à faire vivre la création. »

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