Pour la deuxième année partenaire officiel du programme public d’Art Basel Paris, Miu Miu invite un ou une artiste, cette fois Helen Marten, à déployer une vaste installation dans la salle hypostyle du bâtiment en béton du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dessiné par l’architecte Auguste Perret au sein du palais d’Iéna, à Paris.
Intitulée 30 Blizzards, cette création suit une double clé de lecture : « La chronologie élastique d’une vie peut être rapprochée métaphoriquement de la structure physique d’une rue : une ligne ascendante, pleine d’arrêts significatifs, que traversent alternativement différentes allées, explique l’artiste. La ville, elle aussi, est une machine perpétuellement interconnectée où le vaste et le minuscule se rencontrent. Les intentions personnelles et granuleuses laissent des traces sur ces mécanismes sociaux plus spacieux, et les corps travaillent, aiment, enragent, apprennent, jouent, grandissent, persistent. » Puis de poursuivre : « 30 Blizzards encadre ce concept du temps et des relations à travers les identités narratives de voix représentant différentes étapes de la vie : l’enfance, la parentalité, l’amour, la maladie, le deuil. »
Une partition métaphysique
Cette métaphore de l’expérience existentielle se déploie dans un décor créé de toutes pièces pour accueillir la performance. Fabio Cherstich, metteur en scène en collaboration avec Helen Marten, évoque « un système – ouvert, perméable et complexe ». À partir des notes de la plasticienne s’est construite une dramaturgie inspirée du langage autant que visuelle. « Ses textes sont devenus des partitions : des cellules vivantes qu’il fallait assembler, répéter, interrompre, incarner, résume-t-il. Dans son atelier, nous les avons abordés de manière sculpturale – coupant, recomposant, faisant des collages. Cette méthode pratique, employant à la fois le texte et l’image, nous a permis d’ébaucher des constellations émotionnelles et performatives : non pas des tableaux d’humeurs, mais des systèmes de ressemblances, de souvenirs et de gestes. » Sur ce synopsis originel, la compositrice Beatrice Dillon a imaginé un accompagnement sonore pour chaque scène, ancrée à un ensemble de textes, à une famille de personnages et à une chorégraphie minimale.
Trente performeurs incarnent des archétypes, des fonctions, des formes élémentaires – pour certains, des systèmes météorologiques, pour d’autres des gestes, des animaux, des objets. Chacun possède un « instrument » symbolique et se déplace dans l’espace sans position fixe. Une seule ligne fixe relie cinq plateformes sculpturales entre elles dans une progression visuelle à travers l’espace. Ces sculptures, « étapes » matérielles des chapitres successifs, sont associées à une vidéo correspondante, un monologue narratif prononcé du point de vue du protagoniste de la chronologie – une enfant parle à son oiseau de compagnie ou à son ami imaginaire ; une mère gronde sa fille... Une seule courte vidéo étant diffusée à la fois, le public peut suivre chaque histoire. « Les scènes d’une vie évoquent des langages de potentielle théâtralité, prévient l’artiste. Les nuances architecturales gisent comme de la poussière dans les mémoires : la maison est un de ces modèles structuraux, son caractère et ses proportions formant un écran qui absorbe et reflète. Le monde construit, le monde naturel et le monde cosmique s’agrègent selon différentes connexions : égales, géométriques, régulières, vastes, abstraites, magiques. »
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« 30 Blizzards. A project by Helen Marten », du 22 au 26 octobre, Conseil économique, social et environnemental, palais d’Iéna, 9, place d’Iéna, 75016 Paris, miumiu.com
