Abonnements
Rechercher
ePaper
Newsletter
Profile
Abonnements
ePaper
Newsletter
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
Rechercher
Expositions
Critique

Peinture flamande, le talent en partage

Le musée de Flandre, à Cassel, a pour ambition de valoriser les artistes oubliés. Ainsi se penche-t-il sur la peinture de l’Anversois Hendrick van Balen et sa collaboration avec Jan Brueghel l’Ancien.

Amandine Rabier
15 juillet 2025
Partagez
Hendrick van Balen et Jan Brueghel l’Ancien, Guirlande de fruits entourant une représentation de Cybèle recevant les cadeaux des allégories des Quatre saisons, 1620-1622, huile sur bois, La Haye, Mauritshuis. Courtesy du Mauritshuis, La Haye

Hendrick van Balen et Jan Brueghel l’Ancien, Guirlande de fruits entourant une représentation de Cybèle recevant les cadeaux des allégories des Quatre saisons, 1620-1622, huile sur bois, La Haye, Mauritshuis. Courtesy du Mauritshuis, La Haye

Les associations entre artistes sont monnaie courante dès la Renaissance. Pour comprendre les enjeux de l’exposition « Brueghel & Van Balen, artistes et complices » au musée de Flandres, à Cassel (Nord), il convient toutefois de rappeler la distinction entre deux formes de collaboration : celle qui s’opère au sein d’un même atelier et celle qui unit deux artistes indépendants. Dans le premier cas, les peintres mettent leur savoir-faire au service d’un maître d’atelier. Ces artistes, aussi talentueux soient-ils, sont des exécutants chargés de tâches spécifiques – drapés, paysages, figures – attribuées selon leur domaine de prédilection, et ce dans un objectif de production soutenue. Dans le second cas, qui nous intéresse ici, la collaboration repose sur un échange d’égal à égal, souvent doublée d’une amitié forte, entre deux artistes reconnus. Elle devient alors une valeur ajoutée, l’esprit d’invention et la pratique virtuose de chacun allant de concert. Il ne s’agit plus seulement d’une exécution conforme aux consignes d’atelier, mais d’un dialogue artistique, enrichi par la complémentarité des talents.

Ce type de collaboration débute au XVIe siècle dans l’école de peinture anversoise et atteint son apogée au XVIIe siècle, avec le duo emblématique Pierre Paul Rubens et Jan Brueghel l’Ancien. Leur remarquable émulation a fait l’objet d’une exposition, « A Working Friendship », au J. Paul Getty Museum, à Los Angeles, en 2006-2007. Si son association avec Pierre Paul Rubens a pu éclipser d’autres de ses coopérations artistiques, c’est pourtant avec Hendrick van Balen que Jan Brueghel l’Ancien a le plus collaboré, comme le rappellent la directrice du musée de Flandres, Cécile Laffon, et l’historienne d’art Jahel Sanzsalazar.

Deux trajectoires croisées

Issu d’une lignée d’artistes, fils du peintre Pieter Bruegel l’Ancien, Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625) ne connut pas son père (qui mourut un an après sa naissance) et fut formé par sa grand-mère Mayken Verhulst. Avant son installation définitive à Anvers en 1596, il fit, durant son séjour en Italie, la rencontre de Paul Bril, qui l’initia à la peinture de paysage, genre dans lequel il excellera. La première salle de l’exposition, dédiée au travail individuel de Jan Brueghel, montre la polyvalence de son talent. Une grande cimaise consacrée aux sujets religieux et mythologiques confirme l’étendue de son savoir-faire. En pénétrant dans un petit cabinet octogonal, le visiteur découvre les différents supports sur lesquels le peintre exerce son art du détail : seize miniatures de la vie du Christ sur vélin, des paysages à l’huile sur bois ou sur cuivre (son support favori).

Une seconde salle, dédiée au travail individuel de Hendrick van Balen (1573–1632), permet de comprendre les points de complémentarité des deux artistes. Le Triomphe de David révèle chez le peintre une prédilection pour la figure humaine, même si son traitement dans les plus grands formats est inégalement maîtrisé. Lorsqu’il travaille seul, Hendrick van Balen adopte le format monumental de la peinture d’histoire, tandis que Jan Brueghel privilégie les petits formats. Un bel ensemble du premier représentant Les Sept douleurs de la Vierge – un thème traditionnel en Flandre – témoigne d’une volonté de retenue et de dignité dans l’expression des émotions, ainsi que d’un subtil travail sur les coloris à contre-courant de la flamboyance baroque qui commence à se répandre en Europe. Contrairement à Jan Brueghel, Hendrick van Balen ne vient pas d’une famille de peintres. Il n’en demeure pas moins un maître respecté bénéficiant, de son vivant, d’une grande renommée et formant de nombreux élèves, dont le plus célèbre est Antoine van Dyck.

La collaboration des deux artistes se construit en même temps que leur amitié. De retour d’Italie, ils appartiennent tous deux à la guilde de Saint-Luc, côtoient les mêmes lieux, vivent dans la même rue à Anvers. Cette proximité géographique nourrit celle du duo qui débute en 1600 pour ne s’interrompre qu’à la mort de Jan Brueghel en 1625. Le système corporatif en vigueur à cette époque favorise un esprit de collégialité qui rend ce type de collaboration caractéristique de l’école de peinture anversoise. Gage de qualité et d’excellence, ces œuvres réalisées à quatre mains sont aussi prisées par une clientèle aisée.

Hendrick van Balen et Jan Brueghel l’Ancien, Les Noces de Thétis et de Pelée avec Apollon et le concert des Muses, vers 1618, huile sur cuivre, Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais/Benoît Touchard

Créer de concert

Jan Brueghel et Hendrick van Balen produisent ensemble des peintures de cabinet de petit et moyen format, dans lesquelles l’importance de leur rôle varie d’une composition à l’autre. Pour Pluton enlevant Proserpine, Hendrick van Balen exécute la majorité des motifs, y compris le paysage, tandis que l’intervention de Jan Brueghel se limite à une corbeille de fleurs. Ailleurs, c’est Jan Brueghel qui réalise le paysage, les natures mortes prenant le pas sur les figures de Hendrick van Balen.

Le système corporatif en vigueur à cette époque favorise un esprit de collégialité qui rend ce type de collaboration caractéristique de l’école de peinture anversoise.

Le plus souvent, ce dernier crée les figures humaines, tandis que les paysages, les natures mortes, les figures d’animaux et les petits monstres sont l’œuvre de Jan Brueghel.

Leur thème de prédilection : les allégories des éléments, des saisons et des sens. Il est dommage que le musée des Beaux-Arts de Lyon n’ait pas autorisé le prêt des Allégories des quatre éléments – La Terre, L’Eau, Le Feu, L’Air – reproduites dans le catalogue de l’exposition. Une Allégorie de l’Eau provenant du musée des Beaux-Arts de Nice rend cependant compte de l’inventivité des deux artistes. La profusion de détails et l’enchevêtrement des styles suggèrent l’intervention simultanée des deux artistes sur Les Noces de Thétis et de Pélée avec Apollon et le concert des Muses, une huile sur cuivre prêtée par le musée du Louvre, à Paris. L’élégance des corps peints par Hendrick van Balen dialogue avec le raffinement de Jan Brueghel dans le traitement des fleurs, des fruits, jusqu’aux petits pois gourmands. L’humour du peintre de paysage se retrouve également dans les rongeurs dérobant les victuailles ou le monstre dont la tête dépasse de la nappe sous l’immense table des convives. À l’arrière-plan, dans les frondaisons typiques de Jan Brueghel, se devine en minuscule la silhouette de la grande absente de la fête : la déesse Éris, tenant la pomme de la discorde à l’origine de la guerre de Troie.

Il faut souligner l’élégance, tout au long du parcours, du travail de scénographie de Nicolas Groult. Sa sobriété (à l’exception d’une salle introductive un peu kitsch) est subtilement rehaussée par des motifs décoratifs soigneusement pensés, notamment dans la salle dédiée aux guirlandes et aux bouquets. Une merveille est présentée au centre de cette avant-dernière salle : une simple guirlande de fleurs, de fruits et de légumes entourant la déesse grecque Cybèle et les allégories des quatre saisons. Sous le pinceau virtuose de Jan Brueghel, qu’accompagnent les figures de Hendrick van Balen, cette composition se métamorphose, à chaque touche, à chaque nuance, en une leçon de finesse et de délicatesse.

La plupart des œuvres communes ne sont pas signées, ultime preuve (s’il en fallait) que l’enjeu de ces collaborations ne résidait pas dans la reconnaissance individuelle, mais bien dans la recherche de la partition la plus harmonieuse possible.

-

« Brueghel & Van Balen, artistes et complices », 17 mai- 28 septembre 2025, musée de Flandre, 26, Grand-Place, 59670 Cassel, museedeflandre.fr

ExpositionsCasselMusée de FlandrePeinture flamandeXVIIe siècleJan Brueghel l’AncienHendrick van Balen
Partagez
Abonnez-vous à la Newsletter
Informations
À propos du groupe The Art Newspaper
Contacts
Politique de confidentialité
Publications affiliées
Cookies
Publicité
Suivez-nous
Facebook
Instagram
Twitter
LinkedIn
Ce contenu est soumis à droit d'auteurs et copyrights