Les Musées de la Ville de Strasbourg ont récemment enrichi leurs collections d’une réplique grandeur nature du célèbre « collier de la reine » de Marie-Antoinette. Cette pièce exceptionnelle provient de la collection privée du diamantaire Lucien Baszanger (1890-1971). Fidèlement reproduite, elle restitue dans ses moindres détails la somptueuse parure conçue en 1772 par les joailliers de la cour de Louis XV, Charles Boehmer et Paul Bassenge. Mais au-delà de sa richesse exubérante, cette parure est surtout célèbre pour avoir été au cœur d’un scandale retentissant qui a marqué le Versailles prérévolutionnaire.
Confectionné à l’origine pour Madame du Barry, le collier ne trouve pas preneur. Plus tard, jugé trop coûteux et démodé, il est refusé à son tour par Marie-Antoinette en 1782. Les joailliers, loin de se résigner, poursuivent leurs recherches pour vendre ce chef-d’œuvre. C’est alors que le bijou croise la route de Jeanne de La Motte (1756-1791), une descendante pauvre et illégitime des Valois. Celle-ci assure aux deux joailliers qu’elle peut leur trouver un acquéreur. Elle monte alors une escroquerie audacieuse, exploitant la crédulité du cardinal de Rohan, en disgrâce à la cour. Jeanne lui fait croire qu’il pourrait regagner les faveurs de la reine en lui offrant discrètement le collier. Pour le convaincre, elle organise une fausse entrevue nocturne avec un sosie de la souveraine dans les jardins de Versailles. La supercherie fonctionne et le 1 er février 1785, les bijoutiers remettent le bijou au cardinal, qui le confie aussitôt à Madame de La Motte. Le piège se referme : elle disparaît avec ses complices. Lorsque les créanciers réclament leur dû, le scandale éclate. Le cardinal est arrêté à Versailles, jugé en 1786, puis finalement acquitté, tandis que Jeanne de La Motte est retrouvée et condamnée. Bien que la reine fût totalement étrangère à cette affaire, elle en sort profondément éclaboussée. L’opinion publique, déjà méfiante, lui impute une part de responsabilité. Ce scandale ternit durablement son image et contribue à la défiance croissante envers la monarchie.

Représentation exacte du grand collier en brillants des Srs Boehmer et Bassenge, gravure de Nicolas Antoine Taunay, ca 1786. Eau-forte, 47,5 x 37 cm. © BnF, département des Estampes et de la photographie. Réf. De Vinck, 1046 / Hennin, 10097.
La réplique désormais conservée au musée des Arts décoratifs de Strasbourg est mentionnée pour la première fois dans l’inventaire de Lucien Baszanger, diamantaire et lointain cousin de Paul Bassenge, l’un des créateurs du collier d’origine. Ce lien familial pourrait expliquer son intérêt pour cette pièce emblématique. Toutefois, l’origine précise de la réplique demeure incertaine. Selon Louis- Napoléon Panel, conservateur en chef au musée des arts décoratifs de Strasbourg, l’hypothèse la plus plausible est que Lucien Baszanger l’ait fait réaliser d’après une gravure à l’échelle réelle signée Taunay. Celle-ci avait été diffusée à l’époque du scandale pour satisfaire la curiosité du public, avide de découvrir l’apparence du fameux collier. Reste à déterminer si la réplique a été conçue sur la base d’observations directes ou uniquement d’après cette illustration.
Une autre piste évoque une maquette fabriquée par les orfèvres pour présenter le projet à de potentiels commanditaires royaux. Bien que crédible, cette théorie est partiellement remise en question par Louis- Napoléon Panel : les techniques employées dans la fabrication de la pièce strasbourgeoise sont caractéristiques de la fin du XIXe siècle. Ce détail appuie davantage la thèse d’une reconstitution postérieure à l’affaire plutôt que d’une réalisation à partir du prototype original.
