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Critique

Les « autres » mondes du dessin se révèlent à Arles

La 3e édition du Festival du dessin, d’une grande richesse et diversité, décloisonne les genres et les attentes.

Marc Donnadieu
6 mai 2025
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Jean-Michel Folon, Sans titre, s.d., encres de couleur. © Fondation Folon

Jean-Michel Folon, Sans titre, s.d., encres de couleur. © Fondation Folon

Marseille s’enorgueillit de Notre-Dame-de-la-Garde, de la Cité radieuse de Le Corbusier, du Mucem et du Frac Sud ; Avignon, de son légendaire Festival, du Palais des Papes et sa cour d’honneur et de la Collection Lambert ; Montpellier, du MO.CO. et du Pavillon populaire. Arles ne pouvait être en reste.

Au-delà des arènes et des Alyscamps, des emblématiques Rencontres de la photographie et des plus récentes Fondations Luma, Vincent van Gogh et Lee Ufan, son nouveau Festival du dessin prend dorénavant ses quartiers, chaque printemps, dans les différents lieux historiques d’une cité en voie de devenir le « Luberon » des années 2020. Aux premiers rayons du soleil, on y croise ainsi le Tout-Paris de l’art contemporain venu savourer une programmation savamment mitonnée par l’écrivain, dessinateur et directeur de la maison d’édition Les Cahiers dessinés, Frédéric Pajak, maître d’œuvre du Festival.

« Avec élégance, gaucherie, naïveté, virtuosité, les œuvres sur papier sont la vie qui veut continuer, qu’on en pleure ou qu’on en rit. »

Le menu de cette 3e édition est à 360 degrés : d’une exposition dédiée à la cuisine en dessin à un hommage à Jean-Michel Folon, d’un panorama sur deux siècles d’estampes japonaises dans les collections de la Bibliothèque nationale de France à des rétrospectives consacrées à l’œuvre de Nadia Léger ou de Bram van Velde, en passant par les nouvelles figures de l’art brut, l’Atelier Rohling, à Berne, ou la jeune garde de trois écoles d’art européennes (Paris, Bruxelles et Varsovie).

Ce décloisonnement assumé se développe également, et pour la première fois, selon des présentations thématiques qui mettent judicieusement les écritures historiques ou contemporaines du dessin en perspective. Celle dévolue à la collection d’Antoine de Galbert, abritée sous les voûtes de l’église Sainte-Anne, en propose un ensemble saisissant de 150 feuilles où chaque trait, du cerveau à la main, témoigne de ces tentatives inouïes de l’être humain, simple autodidacte ou artiste confirmé, de comprendre les mystères insondables de nos mondes intérieurs autant que du monde extérieur. À propos de cette collection, la critique d’art Corinne Rondeau écrit : « Avec élégance, gaucherie, naïveté, virtuosité, les œuvres sur papier sont la vie qui veut continuer, qu’on en pleure ou qu’on en rit. Elles puent la vie qui travaille la mort à mort. »

Des femmes et des dessins

Dès lors, le dessin ne peut se réduire au simple art de figurer ou d’engendrer des formes, des idées, des lieux, des situations, des sensations ou des émotions par toutes sortes de moyens graphiques. Il s’y joue quelque chose de plus essentiel, de l’ordre d’une interrogation, d’une injonction ou d’une affirmation. Plusieurs monographies d’artistes femmes le dévoilent, tant par leur pratique qu’à travers leur propos, de la vénérable Annette Messager à l’émergente Lou Cohen. Francine Simonin (1936-2020), artiste suisse ayant vécu au Québec, dont les dessins gestuels sont de pures merveilles, confiait : « La création [...] c’est le non-savoir de ce qui va arriver. Quand je commence à peindre, je ne suis rien du tout. Et quand j’ai fini de peindre, je redeviens rien du tout. » Quant à l’Allemande vivant en France Sonja Hopf, dont les gra- vures sont stupéfiantes de précision, elle déclare : « Ce que je fais n’est pas beau, et je ne sais pas m’arrêter. [...] Graver et sentir soudain que le temps ne s’écoule plus, mais qu’il se précipite : un trou me tire ! [...] À l’endroit des yeux, je percerai des trous dans la plaque, avec une chignole, pour en faire des points de repère. Faut-il le faire vraiment ? Peut-être suffit-il de l’écrire seulement. » Et la Suissesse Valentine Schopfer de poursuivre : « À mon propre rythme, j’aime parcourir des sentiers pareils à des braises sous le soleil en fête. Un crayon dans la poche et les yeux grand ouverts. » Les yeux de l’Américaine vivant en France Diana Quinby ne cessent également d’observer son propre corps qu’ils auscultent et retraduisent en dessin de façon maniaque et quasi obsessionnelle, à l’instar d’un lieu méconnu et à (re)découvrir inlassablement.

Ce rapport au dessin comme terra incognita se prolonge, au fil des lieux et des expositions, sur de nouvelles approches des espaces naturels où le temps de la graphie le dispute au mystère de la révélation du paysage. Les clichés-verre historiques de Jean-Baptiste Camille Corot dialoguent ainsi avec les expérimentations sur verre de Françoise Perronno, à la lisière de la transparence, de la projection et du défilement. Aux trop sages aquarelles d’Henri Rivière semble également répondre une suite mordante et presque inédite de Jürg Kreienbühl, datant de la fin des années 1970, sur la pollution du port du Havre superposée à la surface des bassins de nymphéas de Claude Monet à Giverny, et qu’il a intitulée, non sans malice, Pétrolnymphéas. Dans l’œuvre de l’Allemande vivant en France Gudrun von Maltzan, le temps semble, là, de toute éternité, et l’espace infini : « Je dessine mon arbre pas à pas, en grimpant. [...] Ce qui m’intéresse, c’est la lente croissance de mon dessin. [...] Il faut qu’il témoigne de mon ressenti, infini et répétitif. »

Révolte et liberté

Une autre thématique est programmée à point nommé : le dessin d’humour, qu’il soit de presse ou d’illustration, et que prolonge des hommages monographiques, dont un rendu à Jean-Michel Folon et un autre, plus surprenant et inattendu, consacré aux dessins de Jean Moulin. Si l’histoire a retenu sa brève activité de galeriste à Nice durant l’Occupation, on sait moins qu’il a excellé, sous le nom de Romanin, dans la caricature, au point d’en faire son premier métier. Provenant des collections du musée de Béziers, ces dessins passent au vitriol, sur plusieurs décennies, la montée des fascismes tout comme les absurdités de la pensée coloniale.

Au crayon graphite ou de couleur, à l’encre de Chine ou au stylo-bille, voire au feutre, parfois accompagné de rehauts d’huile, de gouache ou d’aquarelle, le trait du dessin s’épanouit ainsi, libre de tout penser, de tout exprimer et de tout transmettre, sans désaveu, sur tout le territoire d’une feuille de papier. Entre mise à nu de nos tumultes les plus intenses et témoignage du monde contemporain ou historique, entre esquisses d’étude ou de conception de nos futurs proches ou lointains, et satires de nos comportements immédiats ou passés, il oscille dès lors entre observation, formulation, projection et interjection.

Mais laissons Ossip Zadkine, présent à Arles par le biais de son œuvre graphique, conclure : « Oh, ce soleil à travers les feuilles du cerisier qui éclabousse sa lumière sur le mur de mon atelier! Le tronc, lui, sans doute dit : “Va ! Va-t’en de mon corps !” Peut-être, un jour, un sculpteur y verra un bras replié qui crierait la révolte. » Une révolte plus que salutaire et que n’aurait pas reniée Vincent van Gogh.

Festival du dessin, 12 avril-11 mai 2025, divers lieux, Arles, festivaldudessin.fr

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