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À Cologne, le Museum Ludwig invite à se pencher sur l’œuvre protéiforme d’Ursula

Avec cette première rétrospective organisée par une grande institution depuis plus de trente ans, le Museum Ludwig remet en perspective l’œuvre de l’artiste allemande Ursula Schultze-Bluhm (1921-1999), dite Ursula, qui aura traversé tout le XXe siècle.

Bernard Marcelis
11 juillet 2023
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Vue de l’exposition « Ursula – That’s me. So what? », Museum Ludwig, Cologne 2023. © Museum Ludwig, Cologne. Photo : Rheinisches Bildarchiv Cologne/Benita Ruster

Vue de l’exposition « Ursula – That’s me. So what? », Museum Ludwig, Cologne 2023. © Museum Ludwig, Cologne. Photo : Rheinisches Bildarchiv Cologne/Benita Ruster

« C’est moi. Et alors ? » Telle est la question que nous pose Ursula Schultze-Bluhm, avec ce magnifique autoportrait qui accueille le visiteur à l’entrée de la dernière salle de sa vaste rétrospective au Museum Ludwig, à Cologne. « Ça va ? Avez-vous compris maintenant où je voulais en venir ? », semble-t-elle poursuivre. Si la réponse n’est pas évidente, c’est sans doute parce qu’elle est riche, complexe et généreuse.

C’est moi. Et alors ? (1995) est ce tableau présentant un visage émincé à la E.T., dont la peau est jaune citron, les lèvres rouges fines, son menton décharné, contrastant ainsi avec la coupe mulet de ses cheveux anthracite. Mais il arbore surtout un regard, avec ces yeux bleus différenciés, démesurés et écarquillés qui fixent le visiteur en semblant lui demander ce qu’il fait là. Placée sur une cimaise oblique à l’entrée de la salle, elle en empêche la vision globale et demande au visiteur de s’arrêter pour se faire ainsi toiser du regard.

Ursula, That’s me. So what?, 1995 WV (95/003), huile sur toile, assemblage de fourrure et de plumes, 147 x 98 cm. Collection northern Germany. © Museum Ludwig, Cologne. Reproduction : Helge Mundt

À l’intérieur de la même salle se dresse la création la plus importante et la plus spectaculaire de l’artiste allemande, celle qui fait totalement reconsidérer le long parcours entamé depuis le début de l’exposition et la découverte des quelque 240 œuvres qui la nourrissent. Il s’agit de son installation Ursula Fur House (1970), formée d’une tente octogonale en lourd tissu, placée au centre d’une plateforme garnie de têtes masquées, de plumes fichées sur socles et d’objets décoratifs divers dont le caractère kitsch est pleinement assumé. La peinture pour Ursula est une chose, la création d’environnements en est une autre. En cela elle s’inscrit dans le courant des avant-gardes des années 1970, celles des « mythologies individuelles » chères à Harald Szeemann, même s’il ne l’avait pas invitée à la Documenta 5 en 1972 à Cassel. Elle sera cependant présente, avec ses somptueux dessins, lors de l’édition suivante de 1977. Cette évolution se ressentait en partie déjà précédemment, face à ses silhouettes en bois peintes et décorées au recto comme au verso, destinées ainsi à être montrées dans l’espace et non sur les cimaises, ou de façon encore plus évidente avec ses sortes de cabinets de curiosités ou « Gesamskuntwerk » (œuvre d’art totale). Ils se présentent comme des retables ou des reliquaires truffés de tiroirs débordant d’objets – le plus souvent en fourrures –, de portes et d’accessoires divers peints, dans une saturation visuelle proche de l’art naïf.

Depuis le début des années 1950, Ursula a séjourné régulièrement Paris où son travail a été remarqué tant par André Breton que par Jean Dubuffet, qui inclut ses œuvres dans sa Collection de l’Art Brut. Elle est ensuite représentée par la galerie de Daniel Cordier, dont une partie de la succession a été acquise par la galerie Christophe Gaillard, comme en témoignent quelques superbes tableaux du tournant des années 1950-1960, prêtés pour l’occasion par l’enseigne parisienne.

Dorénavant considérée comme une figure majeure parmi les artistes allemandes du XXe siècle – le Museum Ludwig compte près d’une cinquantaine de ses œuvres dans sa collection –, Ursula s’est toujours affranchie dans son travail des catégorisations habituelles, assimilant et mixant cependant l’héritage de la peinture naïve, du surréalisme et de l’art brut, tout en s’émancipant des conventions du tableau classique, n’hésitant pas à bifurquer vers des objets en trois dimensions qu’elle détourne de leur fonction première en les peignant ou en les recouvrant de diverses textures textiles ou autres.

Ursula, Pandora animal-cabinet (détail), 1972, Museum Ludwig, Cologne 2023. © Museum Ludwig, Cologne. Photo : Rheinisches Bildarchiv Cologne/Benita Ruster

Parsemée de références légendaires, notamment celles de la figure de Pandore qui, selon la mythologie grecque, serait la première femme façonnée dans l’argile, elle produit non seulement des créatures fantasmagoriques, mais aussi des mondes parallèles qui relèvent du même esprit. Le féerique et le monstrueux prennent largement le pas sur la beauté classique ou, du moins, considérée comme telle. Avec ses créations atypiques et hors courants dominants, Ursula semble prendre un malin plaisir à bousculer les codes établis, se mettant en quelque sorte elle-même en situation périlleuse en s’interrogeant sur des questions de dualisme, tant artistiques que sociétales.

Redécouvrir son œuvre aujourd’hui, près de trente ans après sa disparition, n’est certes pas un hasard et témoigne de la qualité et de l’anticonformisme de sa démarche, elle qui n’a jamais vraiment fait partie des canons de son époque. Ceci implique aussi indirectement de se pencher sur certains aspects de l’histoire de l’art moderne et d’y apporter un nouveau regard, sous la perspective de son œuvre protéiforme.

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« Ursula. C’est moi. Et alors ? », jusqu’au 23 juillet 2023, Museum Ludwig, Heinrich-Böll-Platz, Cologne, Allemagne

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