S’agit-il d’une mise sous tutelle qui ne dit pas son nom ? Rachida Dati, la ministre de la Culture, a annoncé le 12 décembre au Sénat, lors d’une séance consacrée au projet de loi de finances, la nomination de Philippe Jost à la tête d’une mission de réorganisation du musée du Louvre. À 65 ans, ce polytechnicien de formation, haut fonctionnaire qui a fait toute sa carrière dans le secteur de la défense, a succédé au général Jean-Louis Georgelin, décédé accidentellement en 2023, pour superviser le chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. Il occupe toujours le poste de président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, structure créée à la suite de l’incendie qui a ravagé le chef-d’œuvre d’architecture gothique en 2019. « Je lui confie une mission auprès de Laurence des Cars pour réorganiser en profondeur le musée du Louvre », a déclaré la ministre de la Culture, ajoutant : « Des mesures indispensables sont à prendre, bien au-delà de la sûreté et de la sécurité », sans en donner les détails.
La direction du musée du Louvre est sous le feu des critiques depuis le cambriolage spectaculaire en plein jour des joyaux de la Couronne, estimés à 88 millions d’euros, le 19 octobre. Après la révélation d’un rapport de sécurité remontant à 2018, oublié au fond d’un tiroir, pointant des défaillances – jusqu’à décrire le mode opératoire exact du vol –, un rapport accablant de la Cour des comptes au mois de novembre, puis de l’inspection générale des Affaires culturelles (IGAC), un responsable de l’enquête administrative a jugé le 10 décembre au Sénat que la fuite des malfaiteurs aurait pu être empêchée « à 30 secondes près ».
S’ajoutent à cette funeste liste d’autres avaries survenues depuis le casse – fermeture en urgence de certaines salles de l’aile Sully, certains planchers menaçant d’effondrement ; inondation dans la bibliothèque des Antiquités égyptiennes ayant endommagé plusieurs centaines d’ouvrages conservés… Et désormais, une grève reconductible, votée « à l’unanimité » par les personnels du premier musée de France, rassemblés en assemblée générale, à compter de ce lundi 15 décembre. Le Louvre n’a pas ouvert ses portes ce matin. Les syndicats dénoncent « des conditions de travail dégradées » et « des moyens insuffisants ».
Dans cette succession de déboires qui volent toujours en escadrille, aurait cinglé en son temps Jacques Chirac, tous les regards se tournent vers la présidente du musée, dont la gouvernance est pointée du doigt. Face aux failles sécuritaires et au climat social, l’ancienne patronne des musées d’Orsay et de l’Orangerie est sous pression. Laurence des Cars doit être à nouveau entendue ce mercredi 17 décembre devant la commission Culture du Sénat chargée de faire la lumière sur le casse, après avoir été sommée de s’expliquer une première fois sur les dysfonctionnements au sein de son établissement. Elle s’était alors défendue en expliquant notamment avoir lancé l’alerte à plusieurs reprises sur le manque de moyens. La veille, la chambre haute auditionnera son prédécesseur, Jean-Luc Martinez.
Dans la tourmente, son management et sa gestion controversés, Laurence des Cars devra-t-elle boire le calice jusqu’à la lie ? La nomination de Philippe Jost par son ministère de tutelle laisse augurer, a minima, d’une volonté de reprendre en main la situation du musée, dont l’image sort entachée et sa présidente fragilisée, alors que l’institution est engagée dans le vaste projet du « Louvre – Nouvelle Renaissance », soutenu par le président de la République. Philippe Jost remettra ses premières recommandations dès février 2026.
