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Analyse

Contre-feux culturels face au fascisme

La HKW, à Berlin, sous la direction de Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, a lancé, en 2024, « heimaten », un programme culturel transfrontalier visant à lutter contre la montée des idéologies d’extrême droite.

Éric Tariant
1 décembre 2025
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Vue de l’exposition « Global Fascisms » HKW – Haus der Kulturen der Welt, Berlin, 2025. Photo Mathias Völzke/HKW

Vue de l’exposition « Global Fascisms » HKW – Haus der Kulturen der Welt, Berlin, 2025. Photo Mathias Völzke/HKW

Nous sommes le 13 septembre 2024 à Berlin. Seize oriflammes noires flottent au vent aux abords de la Haus der Kulturen der Welt (HKW, maison des cultures du monde), laquelle inaugure sa saison pluriannuelle (2024-2027) intitulée « heimaten », en partenariat avec une trentaine d’institutions basées en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Sur les kakémonos noirs, œuvres de l’artiste Ulf Aminde, figurent des petits cadres blancs dans lesquels sont inscrits les noms des personnes de différentes communautés qui ont été tuées, depuis 1990, à la suite d’attaques perpétrées en Allemagne par des mouvements d’extrême droite.

Constitué d’expositions, de conférences, de concerts, de performances et de publications, « heimaten » a été imaginé par Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, le directeur de la HKW et commissaire de l’actuelle Biennale de São Paulo, au Brésil. Celui-ci explique l’origine du nom du programme : « Le terme de “heimaten” est tiré du concept de créolisation. Notre proposition culturelle est basée sur la conviction que l’Allemagne a toujours été créole. Le pays a réuni des gens de langues différentes, des populations issues de Bavière, de Saxe et d’ailleurs pour créer cette langue qu’est l’allemand. Puis des peuples sont venus d’autres horizons, d’Afrique à partir du XIXe siècle, de Turquie dans les années 1960, plus tard, d’Italie, du Vietnam et de bien d’autres nations encore.» Cette idée de créolisation s’inspire des travaux du romancier, poète et philosophe Édouard Glissant selon lesquels la mise en contact de plusieurs cultures a pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible.

La diversité comme richesse

Utiliser le pluriel de Heimat, mot allemand qui signifie « pays de naissance », c’est mettre l’accent sur le fait qu’une patrie, une maison commune, de quelque nationalité qu’elle soit, est toujours multiple, composite. Et que cette diversité n’est pas une menace, mais permet, au contraire, un enrichissement collectif et des facultés accrues de résilience, insiste Bonaventure Soh Bejeng Ndikung.

Aujourd’hui, près de 30 % des personnes qui vivent en République fédérale d’Allemagne sont issus de l’immigration. Mais, en 2024, quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la chute du régime nazi, l’Allemagne a connu une progression substantielle de l’extrême droite dans les urnes, laquelle s’est confirmée lors des élections législatives anticipées du 23 février 2025. À cette occasion, la formation d’extrême droite AfD (Alternative für Deutschland) a enregistré une très importante poussée, ce qui en fait désormais la deuxième force politique du pays.

« C’est un sujet brûlant et urgent, reconnaît Henriette Gallus, la directrice adjointe de la HKW. Il touche aussi à la question de l’ouverture ou la fermeture des frontières. » Ces questions figuraient au cœur de l’exposition d’inauguration du cycle, « Forgive Us Our Trespasses » (Pardonne-nous nos offenses), de septembre à décembre 2024. S’y déployait par exemple l’œuvre textile Tribute to World Refugee Week (2023) de la Pakistanaise Shehzil Malik, qui représente des avions de guerre dans un ciel embrasé, des maisons, immeubles et arbres en feu, et de longs cortèges de femmes, d’hommes et d’enfants, harassés, fuyant leur pays par voie de terre ou de mer pour échapper à la mort.

En mars 2025, la HKW a marqué, à sa façon, le 140e anniversaire de la conférence de Berlin de 1884-1885, à l’occasion de laquelle les grandes puissances européennes se sont partagé le continent africain, en organisant sa propre conférence « de Déberlinisation » (sur ce sujet : Ibou Coulibaly Diop, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung et Franck Hermann Ekra, Deberlinization. Refabulating the World. A Theory of Praxis, Berlin, Diaphanes, 2025). Ce terme est emprunté au Laboratoire de Déberlinisation créé par le plasticien sénégalais Mansour Ciss Kanakassy, lequel l’a conçu comme un creuset de réflexions sur l’histoire passée et présente de l’Afrique.

Vue de l’exposition « Global Fascisms » HKW – Haus der Kulturen der Welt, Berlin, 2025.

Photo Mathias Völzke/HKW

Contrôle social et violences endémiques

Le 13 septembre 2025, la HKW a ouvert « Global Fascisms », la seconde exposition du programme « heimaten ». Elle vise à comprendre le phénomène historique des fascismes, sa permanence après la chute du nazisme en 1945 et ses développements plus récents qui en font une menace mondiale préoccupante. Réunissant une cinquantaine d’artistes internationaux, elle aspire à positionner l’art comme moyen de réflexion, mais aussi comme force de remise en question des esthétiques et des idéologies autoritaires.

L’exposition s’intéresse aux formes culturelles que peuvent prendre ces dernières et à la façon dont elles influencent les imaginaires, les discours, les opinions, dans la sphère privée comme dans l’espace public. En témoigne notamment une œuvre de l’Allemand Niklas Goldbach titrée A State of Happiness (2024) qui évoque le monde ouaté et aseptisé des Center Parcs promouvant une forme de divertissement, rivé au capitalisme et à la société de consommation, telle une chambre de compensation pour salariés pressés et stressés, lesquels peuvent, ainsi, dans un univers fermé, régénérer leur force de travail. Cette même aspiration au contrôle social, par les autorités publiques cette fois, se retrouve dans la sculpture en silicone Guard I (2024) du Chinois aaajiao. Elle figure un gardien endormi, un de ces hommes de sécurité arborant costume, cravate et képi, petits exécutants de la surveillance gouvernementale qui a essaimé en Chine pendant la pandémie due au Covid-19.

Il est en effet beaucoup question de surveillance, de militarisation et de violences endémiques dans l’exposition. Celles commises notamment au Guatemala par Efraín Ríos Montt, premier président sud-américain condamné en 2013 pour génocide, lequel fut dénoncé par le photojournaliste Daniel Hernández-Salazar dans The Traveler (2013), à travers les massacres d’Indiens dans le département de Quiché, épicentre de la guerre civile qui a violemment secoué le pays jusqu’en 1996. Le peintre palestinien Sliman Mansour évoque, lui, les histoires et les drames de l’occupation israélienne. Jerusalem in the Heart (1979) est le portrait d’une jeune femme vêtue d’une robe traditionnelle brodée tenant délicatement entre ses bras un globe qui abrite Jérusalem et le dôme du Rocher, symboles de la patrie palestinienne et du rêve du retour.

L’initiative du HKW est devenue un festival transfrontalier, le heimaten Festival for Plural Democracy, lequel a essaimé dans une vingtaine de villes en Allemagne, en Autriche et en Suisse. À Vienne, la Schauspielhaus, qui propose un théâtre politique émancipateur, met en scène, du 13 novembre au 6 décembre 2025, le roman de l’Iranien Amir Gudarzi, Das Ende ist nah (La fin est proche ; 2023), dans lequel celui-ci raconte son exil en Autriche pour fuir les persécutions du régime des mollahs, la faim, les humiliations et le racisme qu’il a dû affronter, mais aussi la persévérance et sa rencontre de l’amour. À Heidelberg, le Karlstorbahnhof programme un cycle de conférences, dont l’une, « Back to Square One » (Retour à la case départ), qui se tient le 22 novembre 2025, invite les participants à réfléchir et à œuvrer ensemble de façon à ce que le passé ne se répète pas.

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« Global Fascisms », du 13 septembre au 7 décembre 2025, HKW – Haus der Kulturen der Welt, John-Foster-Dulles-Allee 10, 10557 Berlin, Allemagne, hkw.de

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