Abonnements
Rechercher
ePaper
Newsletter
Profile
Abonnements
ePaper
Newsletter
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
L'actualité des galeries
L'éditorial de la semaine
Expositions
Marché de l'art
Musées et institutions
Politique culturelle
Livres
LE MENSUEL
Rechercher
Expositions
Critique

Jacques-Louis David historique

Le musée du Louvre, à Paris, célèbre le peintre français, deux cents ans après sa mort, à travers une rétrospective qui marque les jalons d’une époque tumultueuse, avec la volonté de renouveler la réception de son œuvre.

Amandine Rabier
18 novembre 2025
Partagez
Jacques-Louis David, La Douleur et les regrets d’Andromaque sur le corps d’Hector, 1783, huile sur toile, musée du Louvre, Paris. © GrandPalaisRmn (musée du Louvre)/ Mathieu Rabeau

Jacques-Louis David, La Douleur et les regrets d’Andromaque sur le corps d’Hector, 1783, huile sur toile, musée du Louvre, Paris. © GrandPalaisRmn (musée du Louvre)/ Mathieu Rabeau

Peu d’artistes ont façonné l’histoire comme Jacques-Louis David (1748-1825). Chez lui, l’engagement artistique est indissociable de l’engagement politique. Père de l’école française, portraitiste de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie, figure de la Terreur aux côtés de Maximilien de Robespierre, homme de l’Empire exilé à Bruxelles après la chute de Napoléon, Jacques-Louis David demeure insaisissable, tant il incarne les tensions – voire les fractures – d’un siècle en révolution. Les paradoxes de l’artiste se renforcent à mesure que l’on tente de figer son image. On lui a plaqué l’archétype du peintre académique, froid, animé d’un esprit de système, alors qu’il n’a cessé de se renouveler, multipliant inventions et subversions. Il a régénéré la peinture française, en repoussant sans cesse les limites.

L’exposition au musée du Louvre, à Paris, conçue par Sébastien Allard et Côme Fabre, assistés d’Aude Gobet, réussit un pari ambitieux : réunifier ces multiples visages de l’artiste autour d’un principe directeur qui lui était cher – l’action. « [Jacques- Louis] David est un homme sous tension », résume Sébastien Allard. Cette tension permanente irrigue le parcours de l’exposition. Le visiteur progresse comme en équilibre sur un fil, entre recherches esthétiques, éveil, inventions, passion politique et peinture de propagande nourrissant la quête personnelle de l’homme ; une traversée en flux tendu, à l’image d’un artiste au cœur du tumulte de son époque.

Représenter l'héroïsme

À ceux qui, sur leur propre chemin, viendraient à perdre courage, rappelons que Jacques-Louis David échoua trois fois au prix de Rome, au point de tenter de mettre fin à ses jours. Il finit par le décrocher en 1774. Mais la mue tardera à arriver. En Italie, à Rome, il observe l’antique, les maîtres anciens – Raphaël, les peintres bolonais – et les modernes comme Pompeo Batoni, Piranèse, Anton Raphael Mengs ou encore William Hamilton. En 1779, c’est une nouvelle crise artistique. Multipliant les expérimentations, parfois contradictoires, le peintre oscille entre un style baroque à la Pierre de Cortone, Charles Le Brun, Jean-Honoré Fragonard et un style plus caravagesque. L’« état d’anéantissement » dans lequel il se trouve inquiète son maître Joseph-Marie Vien. De cette crise naît Saint Roch intercède auprès de la Vierge pour la guérison des pestiférés (1780). Jacques-Louis David décide de ne plus se conformer aux normes, mais d’affirmer sa singularité, en empruntant une pente naturaliste qui le libère du goût rocaille et des artifices de séduction. La puissance expressive de Saint Roch est en rupture avec l’équilibre néoclassique de ses rivaux. Les crispations des pestiférés disposés à l’avant-plan n’ont pas d’équivalent dans la peinture de l’époque : elles imposent une violence au regardeur, que l’on retrouvera plus tard chez la génération romantique – d’Antoine-Jean Gros à Théodore Géricault, jusqu’à Eugène Delacroix. Ce tableau singulier suscite surprise et admiration parmi les pensionnaires et amateurs présents à Rome. Sa carrière est lancée.

Il est frappant qu’un peintre aussi assuré ait traversé de tels atermoiements. Suivent, dans un style plus contenu, Bélisaire demandant l’aumône (1780) et La Douleur d’Andromaque (1783), qui lui vaut son entrée à l’Académie. Dans Andromaque, Jacques-Louis David réussit là où Jean-Baptiste Greuze avait échoué avec Septime Sévère : insuffler du sentiment dans l’héroïsme. Avec l’invention du Serment des Horaces (1785), il atteint une originalité exemplaire qui ne se laisse plus réduire à un modèle préexistant.

L’accrochage met en regard ses œuvres avec celles de ses rivaux : François-André Vincent, dont la touche reste marquée par Jean-Honoré Fragonard, et Pierre Peyron, d’un néoclassicisme plus académique. Si la présence du Socrate (1787) de Jacques-Louis David réjouit (merveille prêtée par le Metropolitan Museum of Art, à New York), l’absence de celui de Pierre Peyron, exécuté la même année, prive le visiteur d’une comparaison éclairante des deux styles. Mais cette frustration est vite estompée par les dessins de Jacques-Louis David, d’une rare beauté, témoins précieux de son processus créatif. Les commissaires de l’exposition ne mentionnent jamais le terme « néoclassique » au sujet de ce dernier pour éviter qu’un mot-valise n’empêche de penser réellement sa peinture. Car le peintre modernise également l’art du portrait par ses fonds neutres et vibrants qui confèrent à ses modèles une qualité d’incarnation loin des conventions en vigueur à l’époque.

Jacques-Louis David, Les Sabines, 1799, huile sur toile, musée du Louvre, Paris.

© GrandPalaisRmn (musée du Louvre)/ Mathieu Rabeau/Sylvie Chan-Liat

L'interprète de son temps

Vient ensuite le moment charnière du David révolutionnaire. La section s’ouvre sur le spectaculaire – et inachevé – Serment du Jeu de Paume (1791-1792), conçu comme le manifeste visuel du peuple uni. Il pourrait retenir l’attention pendant des heures – les bancs installés face au tableau y invitent. Bien que commandée par les Bâtiments du roi, Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils, exécutée en 1789, inquiétait déjà le pouvoir, tant l’œuvre entrait en résonance avec une actualité politique chaotique. Faute de place, seule l’esquisse est présentée.

La partie plus obscure de la carrière de Jacques-Louis David, celle associée à la Terreur, est accentuée par une scénographie qui plonge le visiteur dans la pénombre. L’homme signa, entre autres, les ordres d’arrestation de Madame du Barry et d’Alexandre de Beauharnais – tandis que, comble de l’ironie, il peindra plus tard le portrait de sa veuve, Joséphine de Beauharnais, à l’occasion de son couronnement par Napoléon. Mais l’artiste est aussi celui qui a façonné notre imaginaire de la Révolution et fixé dans la mémoire collective les visages de ses martyrs. Dans leur environnement sombre, les versions de Marat assassiné peintes par Jacques-Louis David (vers 1793) sont mises en valeur avec majesté, avant qu’on ne découvre le poignant dessin inachevé de La Mort du jeune Bara (vers 1794). Ce héros de 13 ans, engagé volontaire dans l’armée républicaine, tué lors d’un affrontement avec les royalistes et dépouillé de ses vêtements, est représenté nu, serrant une cocarde sur son cœur.

Après les émois révolutionnaires vient le temps de la réconciliation avec Les Sabines (achevées en 1799), œuvre monumentale qui met plus que jamais en évidence le rapport particulier que le peintre entretient avec le regardeur. Sa carrière durant, il cherche à abolir la distance avec ce dernier. À l’époque, il fit même accrocher son grand tableau face à un miroir dans lequel les visiteurs se reflétaient, devenant partie intégrante de la composition. Dans le remarquable catalogue (Sébastien Allard et David Dupont-Noel, Jacques-Louis David, 2025, Paris, Hazan et musée du Louvre, 372 pages, 49 euros), Sébastien Allard souligne qu’avec ce dispositif, Jacques-Louis David invente la première exposition immersive ! Tous les grands formats sont d’ailleurs accrochés au niveau du regard – et non suspendus si haut qu’il faut d’ordinaire se tordre le cou –, ce qui permet de découvrir ou redécouvrir les œuvres dans une proximité inédite.

Jacques-Louis David fusionne à nouveau avec l’histoire en représentant Bonaparte franchissant les Alpes (1800) puis Le Sacre de Napoléon (1805-1807) qui l’installent dans une position pour le moins ambivalente au regard de son passé révolutionnaire. Après la chute de l’Empire en 1815, il est voué à l’exil et part à Bruxelles où il mourra dix ans plus tard. Artiste capable de s’adapter tout en restant fidèle à ses convictions esthétiques, il refuse de voir l’héroïsme supplanté par l’érotisme – une dérive qu’il croit percevoir chez l’un de ses élèves, Jean-Auguste-Dominique Ingres. Tout en nuances, l’exposition du Louvre redonne à Jacques-Louis David ce que l’on avait parfois voulu neutraliser : sa capacité à déranger et à rompre l’ordre établi.

-

« Jacques-Louis David », du 15 octobre 2025 au 26 janvier 2026, musée du Louvre, rue de Rivoli, 75001 Paris, louvre.fr

ExpositionsMusée du LouvreJacques-Louis DavidPeinture
Partagez
Abonnez-vous à la Newsletter
Informations
À propos du groupe The Art Newspaper
Contacts
Politique de confidentialité
Publications affiliées
Cookies
Publicité
Suivez-nous
Facebook
Instagram
Twitter
LinkedIn
Ce contenu est soumis à droit d'auteurs et copyrights